Gare à tes noisettes !

Même si le ton est beaucoup plus tendre, détaché, léger, l'album ici présent serait à rapprocher d'autres titres, excellents, également dans ce registre à double lecture, mais s'adressant à des jeunes publics plus grands, plus avertis du vrai sujet.
On ne dirait pas comme cela mais c'est finalement plus sérieux qu'il n'y parait, voici ce qui occupe l'esprit des auteurs : le manque de fraternité face à un danger commun.
Nous pensons à "L'agneau qui ne voulait pas être un mouton" de Didier Jean chez Syros et l'illustrateur Zad et à "Matin Brun" de Frank Pavloff chez Cheyne.
A l'identique de Jean de Lafontaine ces auteurs utilisaient les animaux afin de pointer du doigt une société trop égoïste ou individualiste.
Avec les animaux, la perspective est moins dure, plus captivante de sens, plus divertissante que traumatisante.
La graine sera plantée pour l'éducation.


"Gare à tes noisettes" ne sera pas un album "chagrin", il est réservé, comme dit, à un jeune public.
Le style graphique de Sébastien Chebret se prête à un univers enfantin, agréable, d'une naïveté tendre.
"Promenons-nous dans les bois..."
Toutefois nous reconnaissons bien dans l'histoir et le texte de Géraldine Collet, la triste randonnée des deux titres cités précédemment, se posant comme une mise en garde arrivant malheureusement bien trop tard.
Ce qu'il faut comprendre : "chaque fois je n'ai rien dit, j'ai laissé faire et le jour où cela m'est arrivé, personne n'a rien dit à son tour".
Les contes terribles de sagesse où chaque personnage s'est tu devant la menace, ne se sentant pas concerné et surtout pétrifié par la peur, fait toujours mouche, jusqu'au grand âge.
Qu'en sera t-il de la petite leçon de Géraldine Collet pour des plus petits?
Sera-t-il trop tard pour bien faire ?

Dans cette histoire, c'est un écureuil qui se trouvera concerné.
Un loup rôdera alentour dans la forêt, prenant, gobant, croquant ci et là, mais n'approchant pas encore des noisettes ou de la patte rousse de l'écureuil.
Alors, ce dernier s'est, si l'on peut dire, occupé de ses affaires.

Nous aurions attendu de lui qu'à l'instar du conte "Pierre et le Loup", celui-ci avertisse toute la forêt que le loup est proche, affamé, permettant ainsi à chacun de se mettre à l'abri.
Grands dieux, chers jeunes lecteurs !
Même un personnage à la capeline rouge bien connue y passera.
Quelle sera les limites de l'estomac du loup ?

Grâce à cette formule pour les plus jeunes, la leçon ne sera pas trop dure, car c'est justement un âge où on apprend et où on a le droit de faire des erreurs pour apprendre.
Le loup de cette histoire ne sera pas sanguinaire mais plutôt un affreux gourmand qui ne pourra s'empêcher de boulotter tout ce qui peut être boulotter, des fruits aux personnages.
Que restera t-il à se mettre sous la dent quand il ne semblera plus rien rester?
Les noisettes, pardi.
L'écureuil se trouvera tout de même un brin de courage le moment venu, si si.
Laisseriez-vous un quidam se servir dans votre réserve de bonbons, vous, sans vous battre ?
Etonnant comme le pouvoir de l'estomac vous donne de l'audace parfois.

La leçon du livre sera courte mais suffisante pour faire un joli parallèle avec la vie de la récré.
Si un loup vous demandait poliment un bonbon, lui en donneriez-vous?
Si un loup embêtait un pauvre camarade sans défense, tourneriez-vous la tête?