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Critique de michfred


L'Histoire avec un grand H aux prises avec l'histoire en train de s'écrire..Ou plutôt le contraire!

Javier Cercas, en panne d'écriture et en pleine panade sentimentale, a entendu parler d'un autre écrivain, Rafael Sanchez Màzas, grand ami de Primo de Rivera et co-fondateur de la Phalange, qui aurait été sauvé par un soldat anonyme de l'armée républicaine en déroute, au moment où il allait être passé par les armes..Avec pas mal de suffisance et d'auto-satisfaction, il colporte lui-même ce récit, si bien rodé qu'il a l'air d'une légende.

Javier Cercas a l'intuition, en bon journaliste, que ce récit trop bien huilé, cache quelque chose: il entreprend une enquête, au début des années 2000 sur un fait vieux de plus de soixante ans..

A travers les méandres de cette enquête, les rencontres qu'elle occasionne, se dessine une Espagne encore mal remise des déchirures de son passé: Sanchez Màzas est une sorte de rebelle fascisant, de condottiere romantique et brutal, de hobereau plein de morgue dont on a vite fait de deviner les poses et de lever les masques...

Finalement, on dirait que la montagne accouche d'une souris, et le récit de Cercas en train de s'écrire semble tourner court. Il aurait dû s'appeler du nom que lui destinait Màzas- en bon dilettante, "sans regret et sans oubli" il n'a jamais pu ou voulu l'écrire - "Les Soldats de Salamine". Le titre évoque ce dernier peloton de Grecs qui avec sa victoire navale chèrement arrachée, sauva le monde grec des barbares, les Perses, en l'occurrence... Nul doute que Màzas se voyait en pur soldat de Salamine, sauvant le monde chrétien et aristocratique du pourrissement démocratique où n'aurait pas manqué de sombrer l'Espagne rouge et républicaine...Pauvres soldats de Salamine, ravalés au rang de condottieri phalangistes...beau dévoiement de l'histoire grecque...Passons.

Tout ce matériau une fois rassemblé, Javier Cercas sent que son livre boîte, qu'il manque une pièce à son puzzle, une clé qui donnerait un sens à tout: il lui faut trouver le soldat républicain qui laissa s'échapper Màzas, après l'avoir longuement regardé dans les yeux..sauvant ainsi la vie à celui qui était la cause quasi-directe de son malheur et de celui de son pays.

La quête du maillon manquant... c'est cette dernière partie du livre que je ne vous raconterai pas, mais qui m'a emportée, clouée d'émotion, bouleversée de tendresse.

Miralles: retenez ce nom, Miralles. Surtout pas Monsieur Miralles. Miralles tout court.

C'est le nom des obscurs, des sans-grade, des vrais héros de notre histoire humaine. Le Soldat Inconnu, le soldat de la bataille de Salamine.

Miralles, le danseur de paso doble au clair de lune.
Miralles le bouliste en short du camping L'Etoile de mer..
Miralles de la résidence des Nymphéas à Dijon.
Miralles le rouge catalan de l'armée de Lister.
Miralles qui aurait rêvé de mettre la main aux fesses de soeur Françoise.
Miralles le résistant de toutes les batailles.

C'est lui la clé de voûte du récit. Celui qui nous met les larmes aux yeux, l'âme au bord des lèvres, le cœur dans la gorge : ce personnage réel humblement disparu et éternellement vivant grâce au "petit" livre de Cercas ( 270 pages).

Grâce au GRAND livre de Cercas.
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