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Critique de enjie77


Rafael Sanchez Ferlosio raconte au cours d'une interview :

« de là, réfugié dans un trou, il entendait les chiens aboyer et les tirs et les voix des miliciens à ses trousses qui savaient qu'ils ne pouvaient perdre trop de temps à le rechercher car les franquistes les talonnaient. A un moment donné, mon père a entendu dans son dos un bruit de branches, il s'est retourné et à vu un milicien qui le regardait. C'est alors que quelqu'un a crié : Il est par là ? Mon père racontait que le milicien était resté à le regarder quelques secondes et qu'ensuite, sans le quitter des yeux, il avait crié : Par ici, il n'y a personne ! puis il avait fait demi-tour et était parti. » (page 17).

Que peut-il se passer d'essentiel dans cette fraction de seconde où le regard d'un soldat de l'armée républicaine en déroute, rencontre celui d'un homme traqué, qui n'est autre que Rafael Sanchez Mazas, cofondateur de la Phalange.

C'est cette anecdote qui va inspirer à notre journaliste, écrivain moyen en panne d'inspiration depuis dix ans, largué par sa femme, dépressif, cet extraordinaire roman qu'est « Les soldats de Salamine », en référence à la défaite de la flotte perse contre les gecques à la bataille de Salamine mais aussi à un roman jamais écrit par Rafael Sanchez Mazas.

Je ne connaissais pas Javier Cercas, je m'étais notée « Anatomie d'un instant » et je suis tombée sur « Les soldats de Salamine »! je ne me suis pas fait mal, bien au contraire, c'est une réussite.

Ouvrage admirable, passionnant, très bien écrit que ce livre de Javier Cercas. Sa construction est inclassable mais happe le lecteur dans une enquête qui se doit de faire toute la lumière sur cette page de l'histoire ou alors sur cette légende.

Face aux méandres de la mémoire de toutes les personnes que le journaliste va rencontrer, l'auteur revient sur la guerre civile espagnole et trace une petite biographie d'un homme qui deviendra ministre sans portefeuille de Franco.

A chaque témoignage, il doit effectuer des recoupements pour tenter de se rapprocher au plus près de la vérité. C'est son obsession. Il s'est écoulé soixante années depuis l'exécution de Sanchez Mazas qui devait avoir lieu au sanctuaire du Collel et dont ce dernier à réchappé. de rencontre en rencontre, de consultation en consultation des archives, il parvient à retrouver des acteurs de ce drame, « les amis de la forêt » de Rafael Sanchez Mazas, ses compagnons de cavale, trois déserteurs de l'armée républicaine.

Toute l'investigation s'appuie sur une documentation d'historien mais Cercas brouille les pistes et le lecteur assiste à l'élaboration de l'histoire dans l'Histoire. Aucun jugement ne se dégage de cette enquête, Cercas n'émet aucune opinion si ce n'est qu'il est surpris devant la personnalité de Sanchez Mazas, homme érudit, éduqué qui néanmoins, entraînera son pays dans un bain de sang.

Ce récit est découpé en trois chapitres : « Les amis de la forêt », « Les soldats de Salamine » et « Rendez-vous à Stockton ». A mes yeux, ce dernier chapitre est le plus émouvant, l'auteur y met beaucoup d' affect ainsi que sa reconnaissance à l'égard de tous ces combattants qui sont morts. Ses sentiments transparaissent dans son écriture et émotionne le lecteur.

Toute sa gratitude, il l'exprime à travers le personnage de ce vieux Miralles, républicain espagnol, qu'il finit par retrouver en France, dans une maison de retraite pour personnes agées.

Cercas fait dire à Miralles « Quand je suis parti au front en 1936, d'autres garçons étaient partis avec moi . Ils étaient de Terrassa, comme moi ; très jeunes, presque encore des enfants, comme moi ; j'en connaissais quelques-uns de vue ou pour avoir parlé avec eux, mais pas la pluspart. C'était les frères Garcia Segués (Joan et Lela), Miquel Cardos, Gabi Baldrich, Pipo Canal, le gros Odena, Santi Brugada, Jordi Guyadol. Nous avons fait la guerre ensemble, les deux guerres : la nôtre et l'autre mais c'était la même. Aucun d'entre eux n'a survécu. Tous morts. le dernier était Lela Garcia Segués. Au début, je m'entendais mieux avec son frère Joan qui avait le même âge que moi, mais, avec le temps, Lela est devenu mon meilleur ami, le meilleur que j'aie jamais eu : on était tellement amis qu'on n'avait meme pas besoin de se parler quand on était ensemble. Il est mort à l'été 1943, dans un village près de Tripoli, écrasé par un char anglais. Vous savez, depuis la fn de la guerre, je n'ai pas passé un seul jour sans penser à eux. Ils étaients si jeunes…..Ils sont tous morts. Tous morts, morts, morts, tous. »

Et c'est encore Miralles qui nous rappelle à tous que La veille de la Libération de Paris, ce sont les membres d'une unité espagnole de la 2ème DB du Général Leclerc qui ont atteint avant tout le monde le centre de Paris. Composée de Républicains espagnols, la 9ème compagnie du régiment de marche du Tchad a été surnommée La Nueve avec des Halftracks portant le nom de « Teruel » « Guadalajara ». Elle fut placée sous le commandement du français Raymond Dronne et de l'espagnol Amado Granell.

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