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Critique de UnKaPart


Sans doute le tome le plus sérieux, le plus tragique et le plus fort de la série, Black Face revient sur la place des Afro-Américains pendant la guerre de Sécession. Si aucune date n'est indiquée, l'histoire se déroule sans doute entre la Proclamation d'émancipation du 22 septembre 1862 par Lincoln et son renforcement le 1er janvier 1863 par un texte additionnel qui entérine la création officielle des premières unités dites “de couleur” (United States Colored Troops), bien qu'il existât déjà quelques formations improvisées commandées par officiers blancs, réputés hauts en couleur eux aussi, à leur façon. Or dans cet album, aucun combattant en vue, les Noirs en sont encore à leur rôle subalterne initial d'ouvriers, terrassiers, fossoyeurs : libres mais pas trop.
Le grand mérite de cet album est de donner de la guerre civile une image plus proche de la réalité que le peu qu'on en connaît. Pas étudiée à l'école, on la voit en France comme le conflit entre les gentils Nordistes contre les vilains Sudistes. On en est loin, hein. Si l'abolition de l'esclavage est le motif principal de la guerre, d'autres s'y greffent, économiques, politiques, sociaux, culturels, pas tous idéalistes ni reluisants. Quant aux Yankees épris de liberté envers les Noirs à rendre jaloux Martin Luther King, le compte n'y est pas. Abolir l'esclavage est une chose, l'égalité de droits en est une autre, avec une grosse, une énorme, marge entre les deux. Rappelons que suite à la victoire des preux et sympathiques Unionistes, il faudra attendre encore quelques années pour voir les amendements sur la citoyenneté (1868) et le vote (1870) des anciens esclaves inscrits dans la Constitution, ce qui n'empêchera pas une bonne partie des États-Unis de rester sous un régime juridique de ségrégation raciale jusqu'aux années 60. Celles du XXe siècle, soit un siècle après la guerre de Sécession.
Cet album a aussi un gros défaut : j'avais souligné sur d'autres volumes le peu de présence des rôles-titres, ici, c'est l'extrême inverse avec un personnage de Black Face aux traits forcés outre mesure. Sa révolte autant contre un Sud esclavagiste que contre un Nord qui ne lui offre qu'une semi-liberté en le considérant comme un inférieur, on la comprend. Il n'y a pas de colère plus légitime que la sienne. Mais elle vire à l'excès inverse, à un extrémisme qui trouve on ne peut plus normal de massacrer civils, femmes et enfants, tout aussi indéfendable que les positions de ses opposants. Parce que c'est la même position raciste.
Ce choix d'écriture torpille le personnage : toute juste que soit sa cause, on ne peut adhérer à ses méthodes. La fin ne justifie pas les moyens, n'en déplaise à tonton Machiavel. Après… C'est aussi un choix d'écriture qui fonctionne en donnant une profondeur supplémentaire au message : le comportement des officiers nordistes, déjà bien cynique, immoral et peu reluisant dans les albums précédents, touche ici à l'abject et y saute même à pieds joints. Les monstres engendrent des monstres.
Lien : https://unkapart.fr/les-tuni..
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