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Critique de CduNord


Une petite rue paisible, à Londres. Une communauté de CSP+, jusqu'à la caricature parfois : la tenue de yoga de madame, le groupe Facebook pour protéger les cygnes du parc, la rue piétonnisée le dimanche pour faire jouer les enfants dehors comme au bon vieux temps. Une image d'Epinal, un paradis sur terre mais étouffant, consanguin. Deux des voisins sont même frères.
Dans cet entre-soi surgit un couple CSP moins moins. Débraillés, alcooliques, des jurons en guise de ponctuation, du métal à fond jour et nuit, une casse autos improvisée devant chez eux et des travaux bruyants pour retaper la maison dont ils viennent d'hériter.
Pas du même monde, pas les bons codes sociaux et pas les bonnes manières. Des Groseille dans un lotissement de Lequesnoy. Comme le fait remarquer un personnage, un bon point de départ pour une comédie, ce choc des cultures poussé à l'extrême. Ou pour un polar réjouissant.

D'emblée l'animosité est palpable, bien retranscrite. Oui, ces nouveaux venus ternissent le cadre de vie (comment revendre sa maison ? comment faire tourner son B&B ?) et finissent par pourrir les esprits. Chaque rencontre entre les voisins bien proprets et ces énergumènes le montre bien. Cela se traduit par des affrontements verbaux sur le bruit, les voitures, les limites de propriété, des plaintes déposées, des réunions secrètes pour tenter de riposter, une liste quasiment exhaustive de tout ce qui peut faire monter la tension, jusqu'au drame. D'ailleurs on le sait, que l'irréparable va être commis, chaque chapitre démarrant par un compte rendu d'interrogatoire de la police. Qui est mort ? Accident, meurtre, sabotage ? le compte-à-rebours est astucieusement déroulé, un procédé pas inédit, qui fait furieusement penser à du Liane Moriarty, notamment Petits secrets, grands mensonges ou Un peu, beaucoup à la folie.

Certes, chaque nouveau chapitre nous rend ce couple encombrant encore plus antipathique, mais et les autres alors ? L'intrusion de ces parvenus dans une communauté si proprette et harmonieuse est un point de crispation (le voisinage ne parle plus que de ça) mais aussi un révélateur des tensions préexistantes et des travers de chacun. C'est humain. Lâchetés ordinaires, mesquineries, fourberies, tout est mis au jour.

On voit que le poison se diffuse. L'auteur use habilement des nuisances sonores et ses conséquences néfastes, comme l'insomnie, les pleurs inopinés (la dépression monte chez ces gens si heureux jusque-là), et les disputes dans les couples, aussi. Forcément, ça va craquer. Ils sont "otages", ils sont "condamnés", le vocabulaire de la frustration est là, et la situation présente aussi insupportable qu'obsédante.

Et enfin oui, ça explose. Certaines scènes sont plus vraies que nature, moments de furie destructrice, mais pathétiques aussi car ne l'oublions pas on est chez des gens bien élevés. Alors on casse un carreau, une caméra. Des pulsions de meurtre sont exprimées à haute voix, mais c'est pour plaisanter, n'est-ce-pas ? L'auteur sait tellement bien rendre ses personnages à la fois vulnérables et pitoyables.

On peut aussi deviner que certains détails ne nous sont pas livrés pour rien. Cet érable que tout le monde aime, ces petits cygnons, la belle-fille enceinte, il va forcément leur arriver des bricoles, non ? Quel régal pour le lecteur qui peut avoir une posture active et se féliciter d'avoir deviné ! Mais on lui a bien tenu la main.

On note aussi (avec amusement) une répartition sexuelle des rôles, à l'ancienne, comme si cela allait de pair avec une vie idyllique dans une rue tranquille. Les voitures sont bien garées, les haies sont bien taillées et les rôles hommes-femmes bien définis. Les femmes tentent d'arrondir les angles avec des fleurs et des biscotti (!), les hommes vont à l'affrontement. Les femmes au foyer sont les premières à trinquer, et à fuir, là où les hommes entrent en résistance. Ce sont les hommes, toujours, qui veulent bâtir un mur, acheter la tranquillité, saboter un chantier... Séparation, argent, coup de force. Une vision tellement archétypale qu'elle ne peut qu'être voulue, comme pour montrer l'universalité de la thématique centrale du roman : comment faire quand un grain de sable vient rompre une belle harmonie. Quand l'ennemi déboule. Se montrer civilisé ? encore faut-il que les deux parties le soient. Alors les réflexes primitifs forcément ressurgissent.

On s'est régalé de cette tranche de vie et de meurtre servie bien épicée à l'heure du thé ! On en a dégusté les pépites de noirceur, bien installé dans le confort d'une trame pas forcément nouvelle, mais revisitée avec talent. Assurément on en reprendra, du Louise Candlish.
Un grand merci à Netgalley !
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