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Critique de michfred


Captation confirmée.  Me voilà subjuguée par l'écriture de Franck Bouysse. Dès les premières lignes,  j'ai été ferrée. Elles sont mystérieuses, énigmatiques, elles ne s'éclairent qu'à la toute fin. Alors on en suit l'apostrophe  comme une lumière dans la nuit. Un peu comme on chercherait la morale d'une fable, l'apologue d'un conte.

Moins concentré et violemment tragique que Grossir le ciel,  nettement plus romanesque,  Né d'aucune femme a, c'est vrai,  le charme vénéneux d'un conte noir pour enfants pas sages.

Nous sommes en Corrèze, près d'un village appelé Espalion -ne pas confondre avec celui d'Aveyron! Merci cardabelle! - et la Vézère n'est pas loin....

Mais l'époque est indéterminée. On se déplace en boghei, à cheval, en carriole. Le temps rural marque le pas.

Villages isolés, fermes en friche, château ceint de grilles, monastère devenu asile d'aliénés,  forge désaffectée,  cimetière délabré...  Les traces humaines dans le paysage disent la misère et la désaffection. Mais la forêt , elle, est toute pleine de vies et de forces,  la rivière , de fraîcheur accueillante, et quelques animaux, des chevaux, un vieux chien de ferme, disent encore le compagnonnage avec l'homme. 

Pauvres hommes...pauvres femmes surtout: une mère sans enfant, une autre sans fille aînée,  une autre encore  sans espoir et qui compte inlassablement les heures de son supplice.

Et du côté des hommes, un père sans honneur, un garçon sans voix,  un jardinier sans Roses...

C'est le manque, le creux, le vide, l'arrachement qui corrode les corps , qui  érode les coeurs, et qui creuse les âmes.

Un monde hors du temps, un monde de souffrance et de fureur.

Car il y aussi les monstres,  dans ce conte pour adultes. Un noeud de vipères, où grouillent des monstres sans foi ni loi.

Alors vient le récit, les mots qui font le récit,  les mots qui cernent les creux, délimitent les vides, réparent les arrachements et restaurent les âmes,  les mots qui mettent un nom sur les souffrances. Les mots qui vivent après la mort, après la folie, après l'injustice. Les mots -résurgence,  les mots-source, les mots-vie.

Et pour les écouter, les collecter, les rendre à qui de droit,  un curé qui est un oeil , une oreille, une conscience . Le garant de l'histoire.

  Voilà.Je m'en vais sur la pointe des pieds... il faut l'écouter aussi, cette histoire-là,  même si elle se donne des airs de conte noir,  de nouvelle effrayante: tout ce qu'elle raconte sonne vrai.

Né d'aucune femme est une fable sur la souffrance immémoriale des femmes, et sur l'impérieuse nécessité de leur donner la parole et d'enfin l'écouter.

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