AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Renod


Renod
11 février 2015
« La locomotive ivre » rassemble 26 chroniques et nouvelles publiées par Mikhaïl Boulgakov dans les années 20. Chose surprenante, l'éditeur ne précise jamais la date et le lieu de publication de ces textes. Je suppose que les chroniques se déroulant dans le milieu du chemin de fer ont été diffusées par la revue «Goudok », équivalent de « la Vie du rail »,où Boulgakov a longtemps assuré un travail de rédacteur. Pour les autres, je n'en ai aucune idée… Je serais pourtant curieux de savoir où ont bien pu être publiés les textes les plus corrosifs, lorsque l'auteur relate ses démêlés avec la police politique lors de son exil à Vladikavkaz, en pleine guerre civile, ou lorsqu'il raconte l'incendie d'un immeuble de Moscou habité autrefois par l'élite, population remplacée après la Révolution par une plèbe bruyante et irrespectueuse (le thème du feu est important dans son oeuvre).
De nombreux récits abordent les questions du logement et de l'alcoolisme. Boulgakov parle souvent des difficultés de trouver une chambre à Moscou dans ses livres, notamment dans « Coeur de chien » et « le Maître et Marguerite ». Une préoccupation que l'on comprend d'autant mieux qu'il revient sur ses difficultés personnelles à se loger lors de son arrivée dans la capitale en 1921. le sujet est souvent traité de manière satirique comme dans ce récit où des Moscovites emménagent dans des wagons de tramway, l'idée est si bonne, que de nombreuses familles et même les administrations suivent leur exemple. Quand on loge entassés dans des « boîtes en carton », de nouvelles difficultés apparaissent, celles de la cohabitation et de la promiscuité, d'autant plus que la consommation d'alcool frelaté excite les tempéraments. Et là, c'est un thème inédit qui apparaît chez Boulgakov dans des tournures plus réalistes. Il aborde les ravages de l'alcoolisme dans le cercle familial, avec notamment les violences conjugales, mais aussi sur le lieu de travail. « La locomotive ivre » c'est le récit d'une noce où les employés des chemins de fers, mais également les machines, sont assommés par l'alcool, créant des situations extrêmement dangereuses. Boulgakov évacue par la satire les solutions de facilité proposées par les syndicats et la tolérance des responsables devant l'ivrognerie.
Boulgakov traite les difficultés dans les relations de travail avec son ironie mordante en narrant des faits rapportés par les lecteurs. Il revient aussi sur les réunions syndicales ou politiques où un public raille le verbiage intellectuel de l'orateur.
D'autres billets ont un touche plus autobiographique. J'ai évoqué plus haut les passages sur son exil dans le Caucase ou sur son arrivée à Moscou. Plus surprenant, il évoque son entrevue avec Nadejda Kroupskaïa, l'épouse de Lénine pour lui réclamer…un logement. La rencontre est probable quand on sait que Boulgakov a travaillé au sein du journal dirigé par Kroupskaïa. Journaliste le jour, écrivain la nuit, il aborde également ses problèmes d'inspiration.
A mes yeux, une nouvelle sort du lot. Boulgakov revient sur quatre étapes de sa vie depuis son arrivée à Moscou, chaque étape se déroulant dans un lieu différent offrant un panorama dégagé sur la capitale.

A quelques exceptions près, le lecteur de « La locomotive ivre » découvre le «Boulgakov rédacteur » plus que le « Boulgakov littérateur ». le recueil doit être lu après les autres travaux de l'auteur pour obtenir un éclairage sur une période la vie de Boulgakov qui, dans les années 20, souhaitait se lancer dans la littérature mais qui, freiné par les événements tragiques de l'époque et la censure, vivotait en plaçant des piges dans différentes publications. le début du « Roman théâtral » revient sur cette période difficile pour l'auteur. Si l'intérêt du recueil est moindre au regard de l'oeuvre de Boulgakov, la qualité est bien présente : les textes sont courts, riches d'ironie et de satire, il se lisent facilement et offre un aperçu sur les premières années de la République socialiste fédérative soviétique de Russie.
Commenter  J’apprécie          140



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}