AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 974JerLab34


Cet ouvrage peut se diviser en deux grandes parties.
La première est historique : le charbon de bois, désormais « has been » sous nos latitudes hormis lors des barbecues estivaux, a constitué le carburant de la première industrialisation avant de se voir supplanté par le charbon « de terre ». L'auteur décrit avec précision les techniques utilisées pour obtenir le charbon de bois. Il n'oublie pas la dimension sociologique en détaillant la vie quotidienne des communautés sylvestres puisque la fabrication charbonnière était une affaire familiale. Les charbonniers formaient des populations mouvantes se déplaçant en fonction des ressources et provenaient de régions européennes variées. Métier de galérien mais métier d'hommes libres, le charbonnier fascinait et inquiétait par son artisanat qui n'était pas sans évoquer la sorcellerie.
La deuxième partie de l'ouvrage s'intéresse aux interactions entre cette profession et la Franc-maçonnerie. Avec l'humilité d'un chercheur qui sait que ce domaine de l'histoire est délicat : il se situe à l'articulation de l'intime et du public. Daniel Boucard expose le fruit de ses recherches dans un style précis qui évite le vocabulaire trop savant. Un glossaire favorise la compréhension, initiative judicieuse car les termes employés ne font pas partie du registre quotidien.
La Franc-maçonnerie, par essence discrète, est entourée de légendes. Certaines sont noires. Les francs-maçons ont parfois contribué à alimenter l'opinion négative qui fait le délice des journalistes spécialisés dans les marronniers. Mais, en prônant l'universalisme et le respect des opinions, en questionnant inlassablement les idées reçues et les dogmes, la Franc-Maçonnerie a toujours soulevé l'animosité des extrémistes politiques et des institutions religieuses, ce qui confère à cette institution une démarche progressiste indéniable. L'objet de ce livre n'est pas de dénigrer ou d'encenser la maçonnerie mais, comme le disent, paraît-il, les « frères et les soeurs » d'apporter une pierre à l'édifice, ici, en l'occurrence, un pan de l'histoire culturelle.
L'auteur rappelle notamment qu'il est difficile de déterminer si la « Charbonnerie » s'est inspirée de la maçonnerie ou du compagnonnage. Ces deux mouvements voisins présentent des différences notables dans leurs modes de fonctionnement, leurs objectifs symboliques ou opératifs et leurs procédures de recrutement. Dans cette deuxième partie, l'auteur décrit les rituels des réunions de ces « cousins » charbonniers. Il délivre de nombreuses clés permettant de montrer les différences et les points communs entre ce mouvement et la maçonnerie depuis le XVIIIème siècle jusqu'à nos jours puisque la « Franc-maçonnerie des bois » est ranimée depuis quelques décennies. Pour expliquer ce (timide) renouveau, Daniel Boucard émet l'hypothèse selon laquelle l'écologie et l'urgence climatique redonnent à l'idée sylvestre une seconde jeunesse. La maçonnerie de bois propose une alternative à la maçonnerie de pierre, héritière des bâtisseurs de cathédrale. En paraphrasant ce bon vieux Charly, la Nature n'est-elle pas un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles ? Rien d'étonnant à ce que l'humanité y passe à travers des forêts de symboles !
Cet ouvrage devrait ravir les amateurs d'histoire. Il nécessite sans doute des pré-requis sur l'histoire de la Franc-Maçonnerie, branche longtemps méconnue y compris dans les recherches universitaires. Ces dernières années, Roger Dachez et Pierre Yves-Beaurepaire, je ne cite que ceux que j'ai lus lorsque j'ai repris mes études il y a une dizaine d'année, ont contribué à éclairer ces formes particulières de sociabilité. Je remercie Babélio et aux éditions Dervy, de m'avoir permis par cette instructive masse critique de me dérouiller un peu les neurones.
Commenter  J’apprécie          1910



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}