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Critique de migdal


D'après la légende et l'histoire biblique, mille ans avant la venue du Christ, la reine de Saba (ancien nom de l'Ethiopie) rendit visite au roi Salomon à Jérusalem. le roi s'éprit de la reine et leur fils, devenu roi d'Ethiopie sous le nom de Ménélik 1er, fonda la dynastie du Lion de Juda dont se réclamèrent les rois d'Ethiopie jusqu'à l'empereur Haïlé Sélassié (qui se proclamait 225e monarque de la lignée des descendants de Salomon).

Parmi les mages venus adorer à la Crèche la naissance de l'Enfant-Dieu (et dont la tradition a fait des rois), le personnage du monarque à la peau d'ébène correspond de toute évidence à un haut dignitaire éthiopien.

D'origine apostolique, c'est à dire fondée par un apôtre, l'Eglise d'Ethiopie est la plus ancienne des Eglises d'Afrique. Elle aurait été fondée par Saint Mathias, le disciple qui remplaça Judas au sein du collège des Apôtres. Par la suite, elle entretint d'étroits contacts avec l'Eglise d'Alexandrie. Mais l'Egypte tomba aux mains de l'Islam dès 640 de notre ère et les chrétiens d'Ethiopie se trouvèrent coupés des grands courants du christianisme pendant presque mille ans !

Pourtant, en 1520, lorsque le missionnaire portugais Francisco Alvarès découvrit l'Ethiopie il eut l'extraordinaire surprise de découvrir un pays qui avait su garder intact le dépôt de la Foi chrétienne, mieux encore, qui l'avait enrichi des apports d'une culture originale, créant des églises taillées à même les montagnes et générant un trésor liturgique et littéraire abondant en continuant à suivre certains préceptes du judaïsme tels la circoncision, les prescriptions alimentaires, le respect du sabbat. Survit ainsi une spiritualité, une théologie et des pratiques liturgiques particulières, suspendues aux premiers siècles de la chrétienté. Aujourd'hui, l'Eglise d'Ethiopie, forte de dix millions de fidèles, est l'âme de son pays.

Passionné par les églises orientales, j'ai eu la chance de recevoir ce très bel ouvrage des Presses Universitaires du Midi lors de la dernière Masse Critique organisée par Babelio.

Lalibela est une cité monastique située à 2600 mètres d'altitude sur le flanc des monts de l'ancienne province du Lasta, à 500 kilomètres de la capitale, Addis-Abeba. C'est le plus grand site chrétien d'Afrique. Sa renommée s'explique par la présence de onze églises taillées dans la roche sur ordre du roi Lalibela au XIII siècle à une époque où les éthiopiens ne pouvaient se rendre à Jérusalem occupée par les infidèles. Ses onze églises monolithes médiévales sont creusées sous le niveau du sol, dans la roche sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur et d'un seul bloc, notamment Bete Amanuel, sculptée sur trois niveaux, Bete Abba Libanos, attachée au rocher par son toit ou encore Medhane Alem, la plus vaste église monolithique au monde.

Les historiennes Claire Bosc-Tiessé et Marie-Laure Derat consacrent un ouvrage remarquable à ce site rupestre qui reste un lieu de pèlerinage pour des centaines de milliers de pèlerins qui se pressent depuis des siècles vers ces lieux sacrés. L'ouvrage est constitué de 3 chapitres nourris par les contributions de nombreux chercheurs. Après une étude de l'archéologie du paysage et l'analyse des déblais, il apparait que plusieurs de ces édifices sont antérieurs au règne du Roi Labila et ont été adaptés à leur utilisation liturgique mais que la pierre et les techniques des bâtisseurs rendent difficile une datation précise. le second chapitre se focalise sur une masse importante de manuscrits, de peintures et d'objets retrouvés dans les églises et analyse notamment les colophons insérés dans les écrits qui se révèlent riches d'informations sur les maitrises d‘ouvrages et maitrises d'oeuvres et dessinent les hiérarchies et les alliances des pouvoirs politiques et religieux de l'époque.

Véritable travail de détectives, ce chapitre est passionnant car il illustre la méthode scientifique qui permet en quelque sorte de reconstituer un puzzle en ne disposant que de quelques rares morceaux et l'humilité et la modestie de ces chercheurs sont appréciables puisqu'ils ont l'honnêteté de faire part de leurs doutes ou de l'évolution de leurs théories au fil des années.

Le livre se conclut en évoquant le contexte éthiopien actuel avec un état fédéral, où les diverses régions et l'état central ont tendance à s'approprier le site à des fins partisanes en faisant abstraction des découvertes scientifiques.

Magnifiquement illustré et enrichi par des centaines de notes cet ouvrage permet d'apprécier le travail de sauvegarde mené sous la gouverne de l'UNESCO par les savants du monde entier.

Qu'ils en soient honorés et remerciés !
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