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Critique de visages


Hannah fille d'immigrés marocains,grandit dans la précarité mais réussit pourtant à faire des études et à devenir professeur de français. Ce roman aurait pu être un énième récit sur le déracinement et les conflits intergénérationnels entre 1 ère,2 ème ou même 3 ème génération d'immigrés, mais il est bien plus que ça ! Samira El Ayachi nous transmet un épisode peu relaté de " l'amitié franco-marocaine"( entendez accords entre dirigeants pour s'enrichir sur le dos du peuple). En 1963 une convention est signée entre la France et le Maroc afin de recruter massivement de la main d'oeuvre bon marché pour travailler dans les mines du bassin houiller du Nord et Pas de Calais. Il faut des bras et si possible pas de tête. La consigne est claire,si l'on veut faire partie des élus ,ne surtout pas dire qu'on sait lire ! le père d'Hannah arrive en France dans ce contexte. le statut de ces immigrés est lamentable. Contrairement aux Italiens, polonais, algériens, ils n'ont pas droit au statut de " mineurs" ce qui impacte leurs droits et surtout,aura une importance capitale dix ans plus tard lorsque les mines fermeront. Dans le mépris et l'hypocrisie l'état français, toujours de mèche avec le roi du Maroc lance sa politique de " retour au pays", c'est " la banalité du mal". Samira El Ayachi raconte cette histoire à travers le récit et le regard de l'enfance puis de l'adulte qu'est devenue Hannah. Par ce biais elle aborde de nombreux sujets transversaux comme la place de la littérature,le lien inconscient avec la langue d'origine,la filiation du sang mais aussi du coeur et son devenir lorsqu'une séparation conjugale sépare l'enfant de son beau parent. Elle questionne également le rôle de l'enseignant et les carcans qui empêchent parfois d'enseigner autre chose que la défiance de l'autre. J'ai été touchée par la finesse avec laquelle elle décrit la violence du regard extérieur sur une famille,une population,ceci en toute bonne conscience. le vécu de l'enfant est emplit d'imaginaire qui lui permet d'avoir un regard positif sur ce qu'il vit et c'est parfois ce que lui renvoie l'extérieur qui le brise: "il est une douleur plus forte encore que d'être plus pauvre que les autres. C'est d'être vue comme miséreux par ces gens là. Et petit à petit par soi".
Le ventre des hommes transmet l'histoire et redonne dignité à ces hommes en replaçant leur vécu et leur combat dans L Histoire collective. Elle leur redonne fierté ainsi qu'à leurs descendants. Non, ils ne sont pas " la bête enfant d'analphabétes". Car ce récit est aussi celui de la lutte menée par son père et Hannah ne comprendra que tardivement cet engagement et l'importance de la parole car " si elle n'est pas prise,elle aussi, bouffe le ventre,vient te chercher la nuit, t'empêche de dormir..."
J'ai eu de la chance de découvrir ce roman en avant première grâce à la masse critique privilégiée de Babelio et je l'en remercie vivement ainsi que les éditions de L'Aube . L'écriture de L'auteure est vivante, spontanée tout en étant souvent très poétique. Je ne suis pas enseignante mais je pense que cet ouvrage serait très intéressant à travailler avec les jeunes car il regorge de sujets de société qui ouvre au débat et à la réflexion en plus de faire connaître une page de notre histoire.
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