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Critique de Albina


Toujours cette impression étrange et rare quand j'aborde cet auteur de lire un livre écrit par un ami proche.
C'est une incroyable leçon de persévérance et de ténacité que nous livre Paul Auster dans ce récit autobiographique.
Il a tiré le diable par la queue ; il aurait pu abandonner mille fois son projet d'écriture tant ses déboires ont été nombreux pendant plus d'une dizaine d'années. P. Auster n'hésite pas à pointer du doigt son idéalisme de l'époque qui l'a sans doute précipité dans les difficultés sans nombre. Cet idéalisme prend sa source dans son histoire et l'argent en est le maitre mot ! L'esprit d'économie, pour ne pas dire l'avarice de son père, opposé à la prodigalité sans frein d'une mère généreuse ont conduit ses parents droit au divorce et imprimé en lui le dégout, voire un mépris profond de l'argent.

Son refus des compromissions, son refus de l'argent et des faux semblants, son refus du conformisme ambiant l'ont plongé dans les arcanes d'un réel qu'il ne soupçonnait pas, lui dont l'enfance avait été préservée de la pauvreté, et ont par la même nourri une oeuvre des plus singulières.

La dernière partie du livre "Pourquoi écrire?" est assez surprenante. C'est l'intrusion d'un hasard miraculeux ou parfois sinistre qui dans chacune de ces anecdotes brise le non-sens et la déconvenue ou provoque le départ d'une vie nouvelle.

Une femme qui va accoucher ne peut voir qu'une première moitié d'un film. Trois ans plus tard, par le plus grand des hasards, elle verra l'autre partie qui s'achèvera juste au moment précis de perdre les eaux pour son deuxième enfant. Une histoire mutilée reprend là un sens sans que l'on comprenne vraiment pourquoi : la porte reste ouverte à l'interprétation.
Dans le deuxième récit : Un môme casse un vase et l'auteur en colère s'en va ramasser les morceaux, juste au moment où sa fille déboule dans l'escalier et trébuche, manquant de se tuer si son père, présent à cet instant "t", n'avait pas été là pour la retenir.
Ou encore c'est ce terrible orage dans un camp de vacances qui cause la mort d'un de ses compagnons juste à quelques pas de lui. Première rencontre avec la mort qui restera à jamais gravée dans sa mémoire.
Puis ce sera la Belgique et un drôle de concours de circonstances, la guerre, qui amène une infirmière belge à correspondre avec un prisonnier anonyme. Ils tomberont amoureux de façon épistolaire, se rencontreront puis se marieront. Une génération plus tard, leur fils tombe à son tour amoureux d'une Allemande qui n'est autre que la fille du gardien du camp !
La dernière anecdote est encore plus énigmatique. L'auteur, à l'âge de huit ans rencontre son joueur de base-ball préféré et lui demande un autographe, mais il n'a pas de stylo et personne autour de lui ne sera en mesure de lui en prêter un. C'est l'occasion d'une de ces terribles frustrations, du genre chagrin d'enfant qui vous marque à jamais. Depuis ce jour-là, il a toujours un stylo dans la poche et je cite : « je dis volontiers à mes enfants, c'est comme ça que je suis devenu écrivain. »
L'écriture redonne du sens à ce qui n'en avait pas (puisqu'avec le temps le réel n'est plus aussi absurde et abscons qu'il y parait), elle détourne de la mort et du silence, amène des gens qui seraient restés étrangers, voire hostiles, à se rencontrer, et un simple stylo (je l'ai aussi du reste toujours sur moi) sert à ne jamais se trouver pris au dépourvu si une idée surgit.
Le réel est un livre ouvert à lire sans relâche et à décoder.
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