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Critique de Lenocherdeslivres


Un poulpe qui devient tamanoir. C'est un peu l'histoire de ce roman jouissif et addictif. L'auteur, Jean-Luc A. d'Asciano, regrettait la disparition de cette collection de polars engagés et souvent déjantés initiée par les éditions Baleine en 1995, car il aurait bien voulu en écrire un. Qu'à cela ne tienne, il l'a fait. Mais en changeant d'animal totem. Et je vous assure que l'on n'y perd pas au change.

J'ai découvert Jean-Luc A. d'Asciano récemment, à l'occasion de la parution de son dernier recueil de nouvelles aux mêmes éditions Aux forges de Vulcain. L'Enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux m'avait séduit par la richesse de l'imaginaire de l'auteur, mais aussi par la verve et la force de sa langue. Et suite à ma critique de cet ouvrage sur ce même blog, David Meulemans, le patron de ces éditions, m'a proposé de découvrir le reste de l'oeuvre de cet auteur paru aux Forges. Ce que j'ai accepté avec grand plaisir. Et m'a valu un plongeon hilare dans ce roman qui respecte en grande partie les codes du polar engagé socialement, comme l'étaient ceux du Poulpe.

On est dès le début au niveau du peuple, de ceux qui sont laissés pour compte par la société : les S.D.F., les employés engagés dans des tâches sans grand intérêt, sans aucune reconnaissance et qui n'hésitent pas, du moins pour certains, à chercher quelques à-côtés qui leur permettent de vivre plus décemment. Ou de mieux profiter de leurs vices, alcool ou autre. Car si on est du côté de ces perdants de la société capitaliste, le regard porté sur ces personnages n'est pas forcément tendre. Ça dézingue tant que ça peut : « racistes et alcooliques » pour certains, « idéaliste » pour d'autre. Mais on n'est pas vraiment dans la rédemption. Plutôt dans le massacre à petite ou grande échelle. Ceux qui paraissent devant nous le font sans fard et dans toute leur franche laideur. Et c'est jouissif, vraiment : « T'es qui ? Demande le gros (survêtement rouge et bleu, un hippopotame vert en logo – quel atelier peut bien produire des contrefaçons avec un hippopotame en logo ?) ». Même ton acide et rigolard que dans les Poulpes, même plaisir des jeux de mots plus ou moins réussis.

Mais dès les premières pages, on est confronté à un mélange des genres qui ira se renforçant, pour trouver son apothéose dans la rencontre finale, apocalyptique. En effet, des tueurs sans scrupules abattent froidement des hommes. Dont l'un qui se relève après leur départ, sans paraître le moins du monde gêné par les balles qui l'ont transpercé. Mystère que le Tamanoir, l'enquêteur au long tarin (d'où son surnom, tout le monde ne peut pas s'appeler Cyrano), va devoir résoudre. Et qui va l'entraîner dans les bas-fonds parisiens, mais aussi en des territoires plus obscurs et plus surprenants.

Ne serait-ce que dans celui des rêves. Notre enquêteur au doux patronyme se trouve de plus en plus souvent entraîné dans des songes fantasques, sanglants et sexuels, dont le sens caché lui échappe longtemps. Et pourtant ils sont très envahissants. Mais l'étrange survient aussi dans les actions de certains personnages, leurs paroles. le Tamanoir, pourtant ouvert d'esprit, se demande de plus en plus où il est venu fourrer son nez. Mais le lecteurice, lui, est aux anges, car le rythme est soutenu : on passe d'une surprise à une autre, d'une fraude à un enlèvement, d'un tabassage à un meurtre. Pas d'ennui possible. Il faut juste laisser de côté le réalisme : à quoi cela sert-il, tant qu'on s'amuse ?

Assez différent dans le ton des nouvelles du recueil L'Enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux (même si on y trouve aussi cette causticité et cet humour noir par moments), le Tamanoir a su également me séduire par sa verve et son ton exubérant assumé. Décidément, Jean-Luc A. d'Asciano est un auteur qui me convient. Certes, je découvre son oeuvre à rebours, mais cela ne m'a pas encore porté préjudice. Prochaine étape, le gros et dense Souviens-toi des monstres au milieu de l'écriture duquel est né le Tamanoir, pause bienvenu pendant un blocage. Certains problèmes accouchent de bien belles solutions.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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