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Critique de ALDAMO21


Je viens de clouer une patte de lapin sur ma porte, avant d'écrire ce commentaire, pour me préserver de tous sortilèges.
On ne sait jamais !..
*

Elles ont toujours fasciné autant qu'elles ont effrayé.
Elles ont charmé et elles ont jeté des sorts aussi.
Elles ont été poursuivies, chassées, accusées, condamnées, emprisonnées, torturées et brulées.
Mais les sorcières auxquelles on attribuait des pouvoirs surnaturels, auxquelles on leur accordait la faculté d'opérer des maléfices à l'aide du diable, font partie de l'inconscient collectif et survivront des siècles encore.
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La professeure Colette Arnould, n'est pas historienne, mais elle a fait un énorme travail de recherches et j'en suis admiratif. Elle s'est documentée et a consulté des livres sérieux et de référence comme « Histoire de l'Inquisition au Moyen-âge » d'Henry Charles Lea, un pavé de 1458 pages.
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L'auteure, nous brosse un portrait très fouillé sur ce que furent ces étranges créatures surnaturelles depuis l'Antiquité à nos jours.
La sorcière était ignorée à l'époque des dieux de l'Olympe, Médée entre autres, évoquait plus la fureur sanguinaire d'une femme jalouse qu'une magicienne.
Cependant en Grèce comme à Rome, ce sont les Dieux qui déjà dirigeaient l'univers. Des Dieux bienfaisants, mais aussi des Dieux maléfiques.
De la religion, à la superstition et à la magie, il n'y avait qu'un pas.
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Mais c'est à l'arrivée des grandes religions monothéistes et à celle du Christianisme en Occident, que les magiciennes de l'Antiquité glissèrent inévitablement à la sorcière des temps modernes.
Une sorcellerie occidentale qui prit une multitude de visages au cours des siècles.
L'Ancien Testament qui fut mis en place, révélait alors la lutte entre Dieu et le diable. Une lutte dont le diable devait sortir vaincu avec tous ceux qui avaient conclu un pacte avec lui.
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Dans les civilisations très anciennes, la femme était souvent vénérée et adulée. Mais elle était aussi un être énigmatique, comme la femme l'est dans son corps même, secret, caché. L'homme la craignait autant qu'il la convoitait. Pour lui, elle devenait parfois une source d'angoisse.
Olivia Gazalé dans « le mythe de la virilité » écrivait que l'homme ignorant était fasciné par cet être sans pénis, fasciné par son sexe comme une bouche mystérieuse d'où jaillissait la vie.
Mais où l'homme avait peur en y entrant, de se perdre, de se faire dévorer son appendice, de se faire engloutir, de se faire castrer et donc de perdre sa toute sa virilité.
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Ce sont les Ecritures saintes ou pas, qui ont fait précipiter la femme dans d'éternels tourments et souffrances. Ces Textes dits « sacrés », ces Evangiles, tous écrits par la main des hommes, qui avaient gardé une méfiance ancestrale envers le féminin et qui étaient alors incapables de penser que la femme était son égale.

La femme sera donc Eve, « la tentatrice », celle qui fit perdre à Adam le jardin d'Eden. Elle sera le vice, la séduction, la perfidie. Elle sera considérée comme le maillon faible chez les humains, celle qui se laisse trop facilement corrompre par le diable.
Il fallait donc que les hommes se protègent d'elle, de sa lubricité, de ses charmes, de ses attraits, de ses intrigues, de sa beauté souvent diabolique.
Il fallait la faire disparaitre de l'espace publique et surtout l'enfermer pour qu'elle ne nuise à aucun homme. Il fallait lui retirer tous pouvoirs qui pourraient mettre l'homme en danger.
Aujourd'hui encore, dans certains pays et au nom de Dieu, la femme doit rester soumise et silencieuse. Elle doit rester couverte, pour ne pas dévoiler sa peau ou ses formes impudiques qui pourraient séduire les hommes.
Aujourd'hui encore, dans certains pays, la femme est assignée à se cloitrer dans une cage d'étoffe.
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C'est à partir du XIe siècle, qu'une image concrète du diable commence à se dessiner. Un diable qui sera le symbole du mal, mais aussi du traitre et du félon.
Les théologiens et certains philosophes de l'époque sont convaincus que Satan existe et qu'il prendra toutes formes sur terre.
Pire, Satan sera l'incube, ce démon qui pénétra dans le sommeil, les femmes pour les violer.
Il s'apparentera au dieu Pan de l'Antiquité grecque, avec ses pieds de bouc et son dard en érection.
Le Moyen Age le transformera en un diable nocturne qui copulera avec des femmes endormies et ou des sorcières pendant leurs sabbats.
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L'Inquisition médiévale fut fondée par le pape Innocent III en 1199. le seul but de ce lugubre tribunal ecclésiastique était de lutter et réprimer par la violence, le délit « d'hérésie ».

« Les hérésies » étaient des mouvements contestataires qui remettaient en cause les dogmes et l'emprise dictatoriale du clergé catholique.
Les dissidents religieux les plus connus furent les Cathares et les Vaudois.
La répression contre ces hommes, ces femmes et ces enfants fut d'une cruauté totale. Les premiers bûchers furent élevés.
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En 1484, le pape Innocent VIII reconnait l'existence de la sorcellerie et donne tous les pouvoirs aux inquisiteurs pour pourchasser, arrêter et condamner les sorciers et les sorcières.
En 1486, les inquisiteurs Henri Institoris et Jacques Sprenger publièrent le terrible « Malleus Maleficarum - Marteau des sorcières », un Manuel de procédure que les juges devaient suivre à la lettre dans toutes les affaires de sorcellerie.
Cet ouvrage qui fut réédité des dizaines de fois jusqu'à la fin du XVII siècle, attisait entre autres, la peur du mal incarné dans la femme accusée de sorcellerie.
Une sorcellerie qui fut décrite comme une nouvelle secte commettant l'hérésie suprême, celle de l'adoration du démon.


Par la suite, c'est par une bulle pontificale de 1536, que le pape attribua à l'Inquisition d'autres taches toujours plus sanguinaires, concernant le luthéranisme, l'islam et encore la sorcellerie.
Même en ces temps de la Renaissance, il y avait des calamités, des épidémies et des catastrophes naturelles. Il fallait des boucs émissaires sur lesquels décharger l'agressivité. C'est ainsi que les juifs, les étrangers, les marginaux, les guérisseurs, les femmes de mauvaise vie furent soupçonnés de commerce avec le diable.
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Et c'est donc en fin XVe siècle, que l'Eglise fit élever les plus grands bûchers dans toute l'Europe
Des bûchers qui flamberont pendant trois cents ans de folie persécutrice.

"Le Moyen Age a jeté l'anathème sur l'hérétique, il jettera l'opprobre sur la femme."écrit Colette Arnould.

La diabolisation destructrice des femmes pouvait alors commencer.
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Mais qui étaient ces dites sorcières ?

Avant d'énumérer qui elles étaient, Colette Arnould tente d'expliquer le pourquoi « La sorcière ».
L'auteure écrit ceci :
- « Qu'il ne suffit pas de dire qu'une certaine image de la femme au Moyen Age, associée au diable, au péché et à la sexualité a trouvé tout naturellement une concrétisation dans la sorcière.
Il faut aussi chercher ailleurs et prendre en considération en ensemble d'éléments imbriqués les uns aux autres, faisant intervenir une dimension psychologique, sociologique et culturelle dans lesquelles le rôle de l'inconscient n'est pas non plus négligeable. »

Lesdites « sorcières » étaient généralement de pauvres femmes et des jeunes filles qu'on accusait à tort d'avoir fait des pactes avec le diable, de s'être offerte charnellement avec lui et d'avoir participer à des orgies rituelles, des messes noires et des sabbats.
On y trouvait les guérisseuses qui connaissaient les vertus des plantes et qui avaient un certains savoir qui dérangeait. On y comptait des faiseuses d'anges, des prostituées.
Etaient dénoncées et accusées souvent de simples femmes que certaines personnes jalousaient. Une belle-mère qui reprochait à sa bru d'avoir fait un adultère ou un homme qui avait été humilié par une femme qu'il convoitait.
La sorcière pouvait être aussi une femme simple d'esprit, car à cette époque où Freud et Jung n'étaient pas encore nés, les malades mentaux étaient tous considérés comme des possédés du diable.
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Jeanne d'Arc fut accusée de sorcellerie, d'hérésie, d'apostat et subissant 70 chefs d'accusation et fut condamnée aussi comme devineresse.
Elle fut surtout celle qui transgresse, qui usurpe le rôle de l'homme et qui dérangeait.

La dernière sorcière brûlée sera Anna Gödlin, exécutée en Suisse en juin 1782.
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L'inquisition fut pour moi une organisation criminelle, des plus honteuses que l'Eglise Catholique ait créé. Des prélats se sont acharné avec toute leur folie et leur névrose, sur des milliers d'innocents et d'innocentes.
La torture et les assassinats furent d'une barbarie et d'une violence inouïe.

Des hommes d'église hideux, possédés eux même par le diable, alors qu'ils le cherchaient chez les autres.

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