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Critique de nilebeh



Elie Soriano est un enfant juif de Constantinople. Il vit entre sa nourrice Arsinée, grosse dame âgée sévère et tendre et son père, Sami, employé par un marchand d'esclaves, l'un des rares métiers autorisés aux juifs, et qui souffre d'une grave maladie du système urinaire. Il fréquente assidûment l'église où il s'émerveille des fresques peintes sur les murs ainsi que le calligraphe Djelal, qu'il nomme affectueusement Djelal Baba (papa Djelal). Il unit ainsi en son coeur et dans son approche de l'esthétique les trois cultures monothéistes. Mais il est pris d'un besoin irrépressible de dessiner, de colorer, de peindre, de faire vivre sur sa toile les gens et leurs expressions, toutes choses interdites par sa religion. Il fait ses armes auprès de Djilal le musulman mais, aussi beaux soient – ils toughras et firmans bientôt ne comblent pas son désir de peindre. Son père à peine mort, il décide d'embarquer pour la mystérieuse, la puissante, la richissime mais surtout la ville des grands maîtres de la peinture : Venise.

1574, Venise ! Elie le petit juif turc à tête de rat est devenu Ilias Troyanos, grec et chrétien. Il se fait d'ailleurs baptiser et fréquente les milieux artistiques. On le surnomme « le Turquetto » et sa gloire et son talent sont bientôt reconnus par tous. Ses madone et ses tableaux religieux ornent les églises et les confréries de Venise. Un puissant lui donne en mariage sa fille, Stefania, gentille semi-idiote qui lui donnera une fille. Tout semble aller pour le mieux jusqu'au jour où il a une liaison avec une jeune juive du nom de Rachel. Sur fond de guerre d'influence entre les Scuole vénitiennes, chacune essayant d'écraser les autres, le Turquetto se lance dans la réalisation d'un chef-d'oeuvre unique, celui qui fera de lui le maître incontesté de la peinture du Cinquecento : la Cène . Pourtant, c'est à compter du jour où il dévoilera son oeuvre que sa vie va basculer : juif, parjure, menteur, impie, sacrilège, adultère, on lui reprochera les plus grands crimes pour le mener au gibet. Ce n'est que par l'intervention d'un prélat amoureux de l'art et qui s'est indigné contre l'autodafé des tableaux du peintre, qu'il restera vivant.

Ce livre a pour toile de fond le milieu ô combien pittoresque du Bazar de Constantinople, puis celui de Venise et de ses milieux religieux, aristocratiques et artistiques, foisonnants, chatoyants, redoutables. Avec sérieux et légèreté tour à tour on aborde les thèmes de l'esclavage, de l'Inquisition, du contenu des religions, avec leur bien-fondé ou pas, mais surtout le thème de l'impérieuse nécessité de créer pour un artiste. On évoque aussi ces temps heureux où les trois religions monothéistes cohabitaient pacifiquement, à Grenade par exemple.

Le point de départ et l'épilogue de ce roman s'appuient sur un tableau, présent au Musée du Louvre, dont la signature réunit étrangement un T gris foncé et les lettres « icianus » d'une teinte différente. L'expertise a conclu que « L'homme au gant », attribué à Titien, est en fait l'oeuvre d'un artiste venu de Turquie en Italie. En atteste une lettre d'un grand prélat d'Assise, Mgr Gandolfi, qui l'aurait sauvée de l'autodafé sous l'Inquisition.
On aime toujours ces enquêtes menées à partir d'un point avéré et faisant naître une intrigue, des décors, des personnages attachants. Une lecture agréable, intéressante, propice à s'évader dans d'autres lieux et d'autres temps.
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