AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lsky


Lsky
08 septembre 2021
Traduit par l'exceptionnelle Sophie Benech que je ne cesse d'encenser, ce livre ne pouvait être qu'un chef d'oeuvre !

Les entretiens éclectiques menés par Svetlana Alexievtich ouvre vers une nouvelle compréhension de cette période sombre et difficile qu'est la chute du communisme.
Ce livre se rapproche de l'oeuvre d'art : c'est sensible, humain, social, les interrogés ouvrent leurs coeurs, leurs souvenirs, avec leurs propres convictions, aussi diverses et variées qu'il y a de vies…

La Chute de l'Homme Rouge est un chef d'oeuvre que je n'ai pas pu lâcher. Il est très émouvant, mais de notre fait de lecteur on garde une réserve respectueuse, car, bien que ce soit magnifiquement écrit, ce sont bien des vies qui nous sont racontées là. La pluralité des points de vue nous noie dans cette période et ce lieu, ça en est déroutant. Particulièrement humain, il n'y a pas de bons ou de mauvais : la pluralité des paroles dressent seulement un tableau presque vivant de ce qu'a représenté la chute du communisme pour les slaves.

Bien sûr, on est parfois un peu perdu : on connaît mal la géographie de la Russie par exemple ! Mais déjà il y a une vive différence entre un moscovite et une personne vivant en milieu rural : ils n'ont pas vécu la chute de la même manière et ce n'était pas même tout à fait la même chose qu'ils ont connu car ils vivaient et appliquaient les choses différemment selon s'ils était de la ville ou de la campagne. C'est certes du bon sens, mais la capacité à démultiplier les points de vues est fascinante et rend ce qui a uni et désuni toutes ces personnes palpable.

De plus, au fil de leur discours, les témoins mentalisent ce qu'ils pensent du communisme, l'idée de ce pays si grand, si difficile par sa météo, son ampleur, le caractère dur de ses habitants… C'est intéressant de voir que malgré toutes ces différences et tous ces kilomètres, leurs avis peuvent s'entrecroiser. D'autant plus que Svetlana Alexievitch nous met en contexte, explique comment les gens ont réagit à ses demandes d'entretiens, ou alors le disent explicitement. « Ça fera pleurer vos lecteurs les plus sensibles » disait une dame désabusée avant de commencer le récit de sa vie, de ses déboires…

Il n'y a pas de bons et de mauvais disais-je, certains ont souhaité la chute du communisme, certains étaient farouchement contre le capitalisme, l'ambivalence se retrouve souvent dans la même personne… C'est incroyable de richesses humaines et historiques, c'est un livre sincèrement fabuleux.

L'autrice le dit de manière sublime, dans le discours qu'elle présente lorsqu'elle reçoit le Prix Nobel en 2015 : « Ici, on n'a pas le droit d'inventer. Il faut montrer la vérité telle qu'elle est. On a besoin d'une littérature qui soit au-delà de la littérature. C'est le témoin qui doit parler. […] J'ai toujours été tourmentée par le fait que la vérité ne tient pas dans un seul coeur, un seul esprit.«
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}