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Critique de JeanPierreV


Aaliya Saleh est une vieille dame de 72 ans habitant Beyrouth en guerre, une guerre civile qui connut déjà plus de 50 000 cessez-le-feu ! Une guerre et des dangers qu'elle dut affronter chaque fois qu'elle devait se rendre dans la librairie où elle travaille.
Elle a appris comme tous les beyrouthins à vivre avec cette peur : "Tout Beyrouthin d'un certain âge a appris qu'en sortant de chez lui pour une promenade il n'est jamais certain qu'il rentrera à la maison, non seulement parce que quelque chose peut lui arriver personnellement mais parce qu'il est possible que sa maison ait cessé d'exister.."
Cette librairie peinait à la rémunérer, alors de temps en temps, elle prenait un livre...Elle adore les livres et les auteurs, qui sont ses seuls compagnons : elle vit en effet seule dans son appartement...seule depuis qu'elle a été répudiée à vingt ans, quatre ans après son mariage par un mari impuissant...un mari qui connut enfin sa plus belle érection sur son lit de mort. Enfin raide diront certains!
Ses références littéraires sont nombreuses et impressionnantes, chaque événement de sa vie, chaque situation lui remet en mémoire un titre, un auteur, un passage de livre. Aussi les digressions sont nombreuses...une remarque ou un souvenir en appelant un autre. Ce qui est parfois un peu déstabilisant pour le lecteur. En s'isolant dans la lecture elle a échappé ainsi à cette guerre.
Elle traduit aussi pour son plaisir, en arabe, des auteurs étrangers Kafka, Pessoa, etc. mais ne travaille qu'à partir de livres déjà traduits en français ou en anglais...une traduction par an, pour son seul plaisir...Une fois traduit, les pages papier du livre traduit s'en vont dans une des pièces de son appartement, et personne n'aura le plaisir d'en prendre connaissance. Elle a ainsi passé presque 40 ans de sa vie à traduire un livre par an !
Ce sont ces vies de papier, cette vie de lectrice, et celle de traductrice qui lui ont permis de passer le temps et de trouver un but à sa vie de femme seule et de retraitée.
Retirée du monde, de ses plaisirs et de ses risques aussi, Aaliya Saleh est une femme qui ne vit que par et pour ses livres. Ce sont eux qui lui permettent des rencontres, des dépaysements, ce sont eux qui lui donnent une ouverture au monde, qui la font voyager, qui donnent tout plaisir à sa vie.
On perçoit en filigrane toute la mélancolie de cette femme, qui se retourne sur sa vie, tout ce qu'elle a appris par la littérature, mais aussi ce réel qu'elle n'a pas totalement connu, ces voyages qu'elle n'a pas fait, ces pays qu'elle n'a pas connus, freinée par sa solitude, par ces guerres...
Nombreux, je pense, seront les lecteurs qui se reconnaîtront par telle ou telle page, par cette solitude devant la page, cette solitude qu'ils recherchent cette solitude qui leur permet de vivre une autre vie... une vie que les circonstances ne leur ont pas offerts.
Belle rencontre empreinte de nostalgie. Un livre rencontré par hasard qui donnera du bonheur à tous ceux qui aiment les livres, tous ceux qui ont une pile de livres à lire qui ne décroît jamais, tous ceux qui trouvent le calme dans le papier. Belle érudition de l'auteur
Un hasard qui fait bien les choses!
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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