La critique ne serait-elle que la ménagère de la Littérature ?
A cette question,
Ferdinand Brunetière aurait répondu qu'elle en était plutôt la conscience.
Dans les pages du Temps, le plus grand quotidien de la Troisième République, à partir de 1912, un homme se prit d'être "le nouvel esprit éclairé" de son époque, travailla beaucoup pour cela et crut ainsi devenir le surveillant général des Lettres et autres petites bafouilles d'écrivains du beau et du bien torché.
Cependant Mr Paul Souday pourrait bien devenir
aujourd'hui l'arroseur arrosé !
Il nous a laissé trois volumes pleins de critiques et autres chroniques, trois séries de "Livres du Temps".
C'est assez, peut-être trop même, pour nous en faire une idée.
Tout d'abord,
Paul Souday est décrit dans "Figures du Temps" un autre livre de
Victor Goedorp", une galerie de portraits où l'on retrouve également
André Tardieu, Eugène Lautier,
Pierre Mille et surtout
G. Lenotre qui offrit au journal du Temps les plus belles chroniques de sa "Petite Histoire".
Sorte de plaidoyer un peu manqué où l'on peut pourrait lire entre les lignes l'acte d'accusation, cette description est déroutante.
Mais elle offre une pertinente introduction aux trois ouvrages de critiques de
Paul Souday ...
"
Les livres du Temps" est une série de trois volumes de chroniques littéraires écrites par
Paul Souday, parues initialement dans le journal "Le Temps" et ultérieurement recueillies en volumes en 1929 et 1930 aux éditions "Emile-Paul Frères".
Le premier volume s'est intéressé à l'année 1912, première année où
Paul Souday s'était attelé à l'exercice dans les colonnes du Temps.
Comment peut-on avoir eu tout faux à ce point ?
C'est un festival !
Enfin tout de même, le rédacteur en chef n'aurait-il pas eu là-dedans quelques responsabilités ?
Était-il parti chez le coiffeur ?
Était-il en week-end long à Biarritz ou à Deauville ?
Effarant lorsque l'on pense que le télétravail n'était même pas encore inventé !
Quoi qu'il en soit, Mr Paul Souday, en avant-propos de son premier volume, a tenté de définir la bonne critique, le bon usage de son esprit et le choix judicieux des titres retenus.
En 1912,
Louis Pergaud écrivit "
La guerre des boutons",
Maurice Leblanc "Le bouchon de cristal", Ernest Perrochon "Les creux de maisons" et Blaises
Cendrars "
Les Pâques à New-York".
De plus, cette même année 1912, le fameux "Voyage au pays de la quatrième dimension" de Gaston de Pawlowski vint percuter le monde de la Littérature, accompagné il faut bien le dire par "Le docteur Cornélius" de Gustave le Rouge et par "Le duc Rollon" de Léon de Tinseau.
Le croiriez-vous ?
Mr Paul Souday n'a rien vu, n'a rien lu de tout cela.
Bien trop occupé qu'il était dans ses critiques à des comparaisons stériles entre Loti et Farrère, à glisser quelques fourberies sur la "Petite Histoire" de
G. Lenotre, pourtant son presque voisin de colonnes dans le journal, à médire sur le prix Goncourt et sur le roman.
C'est que Mr Paul Souday n'aimait pas le roman en général, et le policier en particulier.
Il y a dans sa chronique "
Tristan Bernard et le roman policier" une charge forcée contre le genre qui peut
aujourd'hui prêter à sourire.
Comment peut-on avoir manqué à ce point de discernement ?
Enfin tout de même, Mr Paul Souday était assis là où l'avait été l'immense bibliophile
Anatole France, avait-il peut-être même récupéré quelques uns de ses crayons.
Mais l'encre a bavé, et Mr Souday cherche encore son buvard !
Pourtant Mr Paul Souday avait remarqué la publication du grand livre "
Les dieux ont soif".
Pouvait-il en être autrement ?
Et il y a dans ce premier volume, une ou deux petites choses qui ne sont pas inintéressantes : une chronique justement dédiée à son prédécesseur, "
Anatole France et la Révolution" et une autre consacrée à
Arthur Rimbaud, ainsi qu'une ou deux évocations de Jules Tellier.
"La critique, pour
Paul Souday, est la liberté de penser et d'écrire".
Encore faudrait-il avoir cherché, et réfléchi sur cette différence entre "écrire" et "rédiger à propos" ...
Il y a loin de la coupe aux lèvres !
Lorsque Mr Souday a prétendu qu'il y a en
Romain Rolland du "prédicateur quaker", du "politicien" et du "professeur honteux" et que "
Jean Christophe" est un "bizarre mélange d'homélie et de rhétorique pour comices agricoles", il ne plaisantait pas.
C'est que Mr Souday n'aimait que le beau !
Pouvait-il imaginer que la postérité n'est pas toujours bonne fille et délaisse parfois les glorioles du jour posées sur du sable ...