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EAN : 9782825123072
249 pages
L'Age d'Homme (16/02/1990)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Le Corps sauvage se pavane dans l'immense polygone d'artillerie idéologique dont les sommets ont pour noms Schopenhauer, Marx, Nietzsche, Freud, Hitler, Sartre...: l'absurde de Lewis ( 1882-1957 ) exprime et critique la vision totalitaire à une époque d'écroulement des valeurs
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Wyndham Lewis, plus grand oublié du XXème siècle ?
À coup sûr dans une impossible « short list », d'où certains éditeurs inspirés tentent parfois de délicates exhumations… dont tout le monde s'en fout.
Quand on est inconnu, il faut le dire, cela colle au corps.

À la mort de Pierre-Guillaume de Roux — « l'éditeur des proscrits », comme l'appelait François Krug dans « Le Monde » ( à qu'il manquait la saveur du champagne ) ne se souvenant que des « pamphlets polémiques et politiques » publiés du petit gratin intellectuel d'extrême-droite (Millet, Ménard, R. Camus, etc.) — on parla aussi un peu de vraie littérature, de Boris Pahor à Linda Lé… mais de Lewis, point.
Rééditer son chef-d'oeuvre « Tarr » est pourtant parmi ses plus beaux gestes, encore faut-il le découvrir, comme ce fût finalement mon cas l'année dernière : explorant le fond L'Age D'Homme, y retrouvant Christian Bourgois ; tombant sidéré devant la qualité, l'originalité et la fluidité d'un texte dont absolument Personne ne parle…

Explorer la suite de son oeuvre semble indispensable, partagée donc entre ces trois éditions auxquelles s'ajoute, sans grande surprise, la maison Phébus.

« Le corps sauvage » est un objet littéraire indéfini, carnet de voyage, essais et nouvelles, démonstration philosophique, à la recherche d'une notion particulière du comique, héritage des questionnement d'Henri Bergson dans son texte « Le Rire », dont Lewis avait suivi les cours au Collège de France.

Ces textes à la première personne bouillonnent tranquillement, se situant tous, à part une escapade espagnole, dans la Bretagne de l'Entre-Deux Guerres, d'une nébuleuse précision, en quête d'un peu de vérité dans cette comédie humaine malhonnête.
Pas de sujet autre qu'études de moeurs à la volée, bouts de rapports humains à la limite de l'hystérie, histoires d'auberges et de bars, loin de tout folklore, mais non dénuée d'un certain cosmopolitisme…

C'est d'ailleurs l'une des savoureuses contradictions, en apparence, dans l'oeuvre de ce peintre-romancier-poète à tendance sociopathe : tout en tournant au ridicule les petits nationalismes européens, niant les guerres, il passe son temps à circonscrire les différences selon lui fondamentales entre ces peuples, énonçant finement certains traits, s'évaporant dans le délire sur d'autres, comme ce savoureux paragraphe distinguant la « corporalité » des Anglais et Français, les sacrifiant tous, sommet de WTF littéraire qu'il précisera dans le volume complétant celui-ci : « A bas la France, vive la France ! », tous deux fruits de nombreuses années passées dans l'Hexagone.

Mais c'est bien au niveau de l'écriture pure que le talent claque, qu'une simple description devient hypnotique, la suite toujours inattendue, le style ébouriffant, qui rebondit, en trois ou quatre langues et en V.O., apparemment bien traduit par ce Bernard Lafourcade, illustre inconnu n'ayant que les publications de Lewis chez L'Âge d'Homme comme carte de visite.

C'est d'ailleurs à son niveau que le seul véritable bémol apparait : l'édition — avec ses innombrables notes, surtout là pour indiquer les différences de versions des textes ( comme pour « Tarr », la majorité a été retouché voire réécrit à des dizaines d'années d'intervalle ), rendant au final leur pertinence quelque peu douteuse — semble un peu « brouillonne » : il aurait peut-être fallu le concours d'un Jacques Catteau ; bien que Lewis ne parle pas le Russe, on aurait pu s'inspirer de ses manières expertes pour mettre en valeur, sans rien n'omettre, un texte aux différentes versions, tel son travail remarquable sur l'étourdissant trésor d'Andreï Biely « Petersbourg ».

Donc voilà, une petite allumette craquée pour éclairer le père Lewis… venez donc y coller votre main… en attendant que je vous parle, bientôt, de sa « Rançon de l'amour », ou bien de « Condamné par lui-même »… 
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