L'un des nombreux mérites de
Défaire l'amour, le dernier « roman » de
Clarisse Gorokhoff, est d'inverser un peu la tendance. L'air du temps aime à décrire les hommes en prédateurs. On en trouve dans ces 270 pages d'une écriture fluide et fulgurante, mais notre héroïne s'en joue avec brio. Elle n'est pas une proie facile et domine les mâles alpha avec la finesse de ces maîtres des arts martiaux qui retournent sans en avoir l'air la force de l'agresseur contre lui. Qui s'y frotte s'y pique. Et puis survient l'amour, le vrai, celui qui dérange, chamboule, change les louves en agnelles, les femmes fatales en femmes d'intérieur, les séductrices en confidentes, les galipettes en tendres caresses. Et avec lui des pages lumineuses où
Clarisse Gorokhoff décrit cet embrasement, cette illumination qui change instantanément les couleurs du monde et de la vie. Et puis arrive avec lui son corollaire encombrant, le couple.
C'est le vrai sujet du livre, le vrai sujet du moment, en vérité. le couple est une construction sociale et encore plus morale. Est-il encore adapté au XXIe siècle, à nos besoins, nos aspirations, nos ambitions, nos quêtes identitaires ? Clarisse – c'est une « confession », comme le veut la nouvelle collection de Robert Laffont où paraît ce roman – finit, de guerre lasse, par baisser les armes et par se convaincre que oui, comme dit la chanson, les histoires d'amour finissent mal en général. Dans
Défaire l'amour, elle décortique et tente de démêler cette pelote où s'entremêlent la passion, le désir, la complicité, la jalousie, la méfiance, la confiance, les rires, les larmes, le quotidien, le présent, le futur et le passé, tout ce mélange explosif que l'autrice de
de la bombe manie du mieux qu'elle peut.
C'est une confession, nous l'avons dit, et Clarisse à quelque chose à se reprocher. Au premier abord, on pourrait croire que c'est elle, la coupable, la méchante, celle qui a cassé le joujou, brisé les coeurs, tout démoli… Mais par les mécanismes qu'elle démonte avec précision, sensualité et intuition, le vrai coupable se trahit. C'est le couple, ce tue-l'amour qui ne sait pas souffler assez longtemps sur les braises d'où il est issu.
Défaire l'amour est le constat désenchanté de nos élans, de nos faiblesses, de nos failles et de nos contradictions sentimentales. Ce roman déconstruit – c'est à la mode – l'idée qu'il y aurait, dans les rapports amoureux, une morale, du bien, du mal, des bons et des méchants. Mais non. C'est le couple qui doit battre sa coulpe.