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— Izabeau… commença-t-il en se levant.

— Reste assis, lui intima la jeune femme. Il fait bien trop chaud pour s’agiter plus que nécessaire.

Mais Cory secoua la tête en signe de dénégation et poursuivit son mouvement, rendu difficile par le fait qu’il n’utilisait pas sa canne. Surprise et intriguée, Izabeau le vit avancer d’un pas tandis qu’il reprenait :

— Je suis venu te supplier, Izabeau. Pour Tristan.

La jeune fille réagit plus par instinct qu’autre chose en le voyant amorcer le geste de s’agenouiller. D’un bond elle fut auprès de lui pour le repousser dans son fauteuil.

— Pas de ça, Cory, tu entends ? Et avant que tu ne dises une grosse bêtise, non, ça n’a rien à voir avec ton handicap. Je refuse, tu entends, je refuse de te voir à genoux devant moi.

— Tu ne m’empêcheras pas de te parler de mon frère.

— Je n’ai pas dit que j’allais t’empêcher de parler, mais tu vas le faire depuis ce fauteuil.

Cory hésita un instant, cependant, la poigne d’Izabeau était plus forte que ne le laissait supposer la stature de la jeune fille. Il comprit vite qu’elle ne lui permettrait pas de bouger, aussi leva-t-il les mains en signe de reddition.

— Si je te promets de me tenir tranquille, tu me promets de m’écouter sans m’interrompre ?

— Marché conclu.

La jeune fille relâcha l’adolescent avant de s’asseoir en face de lui.

— Je sais que vous ne vous êtes jamais entendu, mais je t’en prie, ne te venge pas sur lui maintenant qu’il ne peut plus se défendre. Ce serait indigne de toi, et quoi que tu aies à lui reprocher, il ne mérite pas ça. Il… Tristan est quelqu’un de bien malgré tout ce que tu peux penser. Je sais bien qu’il ne se comporte pas toujours de façon… appropriée, que ce soit avec des citoyens libres ou des esclaves, mais il ne faut pas s’arrêter à ça. Ce qui lui est arrivé, cette vente, cette exposition qu’il a subie… C’est… c’est une humiliation terrible qu’il a endurée, et…

La voix de Cory se brisa sur un sanglot qu’il n’avait pu retenir malgré ses efforts. Il tressaillit en sentant la main d’Izabeau passer gentiment dans ses mèches blondes. Il ne l’avait pas vue bouger, mais soudain elle était là, assise sur le bras de son fauteuil, et elle le regardait avec une douceur qu’il ne lui connaissait pas.

— As-tu donc une si piètre opinion de moi pour croire que je serais capable de profiter de ma position ?

L’adolescent blêmit. Tout à son angoisse, il ne s’était pas rendu compte qu’il insultait son hôtesse en parlant ainsi. Il tenta désespérément de se rattraper.

— Non, bien sûr que non ! Je… je te respecte infiniment, Izabeau, je te le jure !

— Calme-toi, Cory. Je sais tout cela. Mais c’est ce que ton frère ferait s’il était à ma place n’est-ce pas ? Il profiterait de sa position.

Cory baissa la tête avant d’acquiescer d’une toute petite voix :

— Oui.

— Cory, la seule chose que je peux te promettre, c’est que ton frère ne sera pas traité différemment des autres esclaves de la plantation. Oui, il y a de lourds contentieux entre lui et moi, dont certains qu’il n’a certainement jamais évoqués devant toi, mais je n’agirai pas autrement avec lui que je ne le ferais avec un autre esclave. Par contre, il n’aura pas de traitement de faveur parce qu’il a été un de mes pairs.

— Le libéreras-tu un jour ? Je veux dire, je sais que le juge l’a condamné à une peine minimale de cinq ans d’esclavage, mais après…

— Si sa dette est payée dans cinq ans, il sera libre.

Cory parut vouloir rajouter quelque chose puis renonça et se leva en serrant les dents pour masquer sa douleur.

— Merci de m’avoir écouté, Izabeau.

— Tu seras toujours le bienvenu ici.

— Y compris pour voir mon frère ?

— Laisse-lui un peu de temps pour accepter son nouveau statut.

— Et s’il ne l’acceptait jamais ?

— Crois-tu qu’il ait le choix ?

L’adolescent n’eut pas le cœur de répliquer. Une peine immense se fit entendre dans sa voix quand il reprit :

— Merci encore pour ton accueil, Izabeau. Et s’il te plaît, prends soin de lui.

Il quitta la pièce sans se préoccuper d’une éventuelle réponse. Songeuse, la jeune fille le regarda s’en aller, lourdement appuyé sur sa canne. Sa blessure le faisait clairement souffrir. Elle laissa échapper un soupir, maudissant Tristan pour s’être mis dans une situation qui procurait tant de déchirures à son cadet.

Si seulement tu t’étais montré un peu moins égoïste… ! Toi, tu mérites ce qui t’arrive, mais Cory, lui, ne mérite pas ce que tu lui fais. Décidément, Tristan de Beaumont, tu ne sais que détruire ceux qui t’entourent !
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