J'avais peur - oui, littéralement peur - d'aborder en un jour de pluie le sujet de la prolongation de son séjour à Glen Tower, et changeai donc de sujet, en désespoir de cause, pour lui parler des romans éparpillés autour d'elle.
- Il n'y a rien là-dedans, demandai-je, qui puisse te distraire en ce matin de pluie ?
- Il y a bien deux ou trois bons romans, dit-elle, désinvolte, mais je les avais déjà lus à Londres, avant de venir.
- Et les autres ne te feront pas passer le temps, par un triste jour à la campagne ? poursuivis-je.
- Il y a des gens qu'ils pourraient sans doute amuser, répondit-elle, mais pas moi. Je suis sans doute assez spéciale dans mes goûts. Les romans sérieux m'ennuient à mourir. Les torrents d'éloquence, la philanthropie à l'esprit large, les descriptions détaillées, l'anatomie point par point du coeur humain, et toutes ces sortes de choses m'ennuient à mourir. Bonté divine ! N'est-ce pas l'intention première, ou le propos d'une oeuvre de fiction - je ne sais quel nom l'on donne à cela - de s'engager tout bonnement à raconter une histoire ? Et parmi ces livres, combien, je vous le demande, s'en tiennent à cela ? A vrai dire, et lorsqu'on parle d'histoire, la plupart de ces ouvrages pourraient vraiment s'appeler sermons, plutôt que romans !Assez ! Ce que je veux, c'est quelque chose qui s'empare de mon attention et me fait oublier qu'il est l'heure de me changer pour aller dîner ; quelque chose qui me fait tourner page après page, le souffle coupé, pour savoir comment les choses finissent. Vous voyez ce que je veux dire, vous le devriez, du moins.