Un des dictons populaires le plus généralement accrédités est certainement celui qui attribue au Temps le titre de Grand Consolateur. Et il n'en est peut-être pas qui exprime aussi imparfaitement la vérité. Le travail qui nous est imposé, la responsabilité qu'il faut encourir, les exemples que nous devons à autrui, voilà les grands consolateurs. Le Temps n'a que la vertu négative d'aider la douleur à s'user elle-même. Quel de nous (de ceux-là s'entend qui étudient les phénomènes moraux) n'a pas remarqué que le regret des morts s'effaçait le plus vite chez ceux qui ont le plus de devoirs à remplir envers les vivants? Quand l'ombre du malheur vient se poser sur notre toit, la question n'est pas de savoir combien il faudra de temps pour y ramener les rayons du soleil, mais quels travaux vont nous contraindre à marcher d'un pas plus ou moins rapide vers ce point de l'avenir où les rayons du soleil nous attendent. Le Temps, qui peut revendiquer bien d'autres victoires, n'a jamais , à lui seul, vaincu la douleur. Ce qui nous console le mieux du départ des morts, c'est l'impérieuse nécessité de pourvoir à l'existence de ceux qui leur survivent.