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Citation de Woland


[...] ... Voici ce que Philipps me raconta.

Démonté. Je fus démonté, tu fus démonté, il ou elle fut démonté. Je me souviens des paroles de ma mère s'adressant à sa femme de chambre : "Mais quand j'ai entendu ce que cette créature demandait pour un mètre de son étoffe, aussi exquise fût-elle, je vous le dis tout net, Forbes, j'ai été complètement démontée !" Et cela, de ma chère mère qui m'autorisa à voyager sur le continent avant la reprise des hostilités et me mit en garde contre le danger que je courrais à m'approcher de la barrière entourant le vaisseau ! Quel langage est le nôtre ! Comme il est divers, direct et indirect à la fois, totalement et même, pour ainsi dire, inconsciemment métaphorique ! Me revinrent en mémoire les années où je traduisais les vers anglais en latin et en grec, la nécessité où j'étais de trouver une formulation simple pour exprimer le sens de ce que le poète anglais avait enveloppé dans la brillante opacité des métaphores ! De toutes les activités humaines, nous avons si souvent choisi de nous tourner vers notre expérience de la mer ! Avoir du vent dans les voiles, sentir le vent tourner, avoir le vent en poupe, être désemparé, à la dérive, tomber sur un écueil, couler bas - mon Dieu, nous pourrions écrire un livre avec l'influence de la mer sur notre langue ! Et maintenant, ici, la métaphore retrouvait son origine ! Nous, notre bateau, avions pris le vent à contre et, la mer étant démontée, nous avait bel et bien démâté ! Allongé sur ma couchette, j'imaginais la scène. Deverel s'était éclipsé en bas pour prendre un petit verre, laissant la garde du bateau à ce jeune crétin de Willis. Mon Dieu, rien que d'y penser, ma tête se mit à palpiter de nouveau. Ma patrie, me dis-je en essayant de retrouver une certaine bonne humeur, ma patrie aurait pu subir une perte insigne si je m'étais noyé ! Donc, pendant que Willis était de quart, il y avait eu un changement, les lames s'étaient mises à déferler par le bossoir sous le vent, de l'écume, un grain, la mer fouettée par deux mains invisibles de plus en plus proches et de plus en plus rapides - et ces deux lascars à la roue du gouvernail dont les yeux allaient de la fulgurante désintégration du grand mât au compas - et ces regards jetés autour d'eux qui cherchaient peut-être Deverel et ne trouvaient que Willis, la bouche grande ouverte - ils auraient voulu des ordres et n'en avaient pas - s'ils avaient manoeuvré la barre et amené l'étrave de façon à recevoir le grain vent debout, sans doute auraient-ils été fouettés pour cela - alors ils n'ont rien fait parce que Willis ne faisait rien et le grain nous a pris du mauvais côté de nos voiles qui étaient bordées à bloc ; il a arrêté net le bateau, puis il l'a porté vers l'arrière, les voiles faisant sac du mauvais côté, et la lisse s'était enfoncée au point d'être effleurée par les lames, tandis que notre gouvernail fonctionnait en marche arrière !

Ainsi, pendant que l'équipage s'efforçait de réparer ce que Deverel et Willis avaient accompli à eux deux par une distraction de quelques secondes, je demeurai allongé en attendant que cessent les coups qui battaient dans ma tête. ... [...]
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