Amitiés
Zélie
On ne peut pas avoir plusieurs meilleures amies, ce serait une trahison.
Zélie est triste : sa meilleure amie a changé de collège. Finis les fous rires, les petits mots glissés quand le professeur a le dos tourné, les conversations interminables, les disputes et les réconciliations, les confidences, le réconfort quand on se sent bizarre sans savoir pourquoi, quand on a le cafard.
Bien sûr, Zélie pourra encore la voir, les jours de congé. Lui téléphoner aussi, communiquer par Facebook. Mais ce n'est pas pareil. Pas tout à fait pareil. Il faudra qu'elle lui raconte, et raconter, ce n'est pas comme vivre ensemble les choses importantes de la vie. Ce n'est pas vraiment de l'intimité.
Bien sûr, elle connaît les gens de sa classe, certains depuis la sixième. Elle ne sera pas seule. Simplement, ce sera moins doux, chaque jour. Un peu plus long. Et puis peut-être que sa meilleure amie trouvera une autre meilleure amie ? Et alors, elle s'éloignera de Zélie. On ne peut pas avoir plusieurs «meilleures amies», c'est sûr. Ce serait une trahison, parce qu'on déclare : «Je ne le dis qu'à toi.»
On le déclare, mais on ne le fait pas toujours. Zélie essaie de se rassurer en regardant autour d'elle. Elle pense à sa mère, qui est encore très proche de son ami d'enfance : ils ne se sont jamais quittés, même quand ils ont été séparés.
Peut-être que l'amitié entre une fille et un garçon, c'est plus fort qu'entre deux filles ?
Elle pense aussi à son frère aîné, qui a toujours ses copains du collège, alors qu'ils ne vont pas au même lycée.
Mais les garçons, c'est différent. Ils sont en bandes, ils n'ont pas de meilleur ami. Enfin, c'est ce qu'ils disent devant les autres, pour ne pas se faire traiter de «pédé». En vrai, ils sont comme les filles; seulement, ils ne le montrent pas... Zélie essaie d'avoir confiance - ce drôle de «mot-calmant» qui a l'air si important, mais auquel elle ne croit pas beaucoup.
Confiance en elle, confiance en sa meilleure amie, confiance dans leur relation.
Son premier meilleur ami, c'était son doudou. Il n'est jamais parti, lui, il est juste au fond d'un tiroir. Mais il ne parle pas. Or, ce qui réconforte, ce qui donne envie de rire, ce qui permet de comprendre ce qu'on est en train de vivre, c'est de se parler.