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Citation de GaletteSaucisse


Ainsi, un jour qu’ils bavardaient derrière le tracteur, Didier dit [à Jacques] :
- Pendant la guerre, les êtres ont montré ce qu’ils avaient en eux de meilleur et de pire.
Cette phrase pourtant banale avait soulevé dans l’esprit du jeune homme toute une volée d’idées et de soupçons.
C’est vrai ; on ne le savait pas, avant la guerre, ce que cachait le cœur des êtres. Brusquement, elle éclate, et voici le petit noceur, le boutiquier, l’employé tatillon placés devant la mort, et voici leur femme libre de vivre comme il lui plaît, sans contrôle possible. Que vont-ils faire ? Quels êtres inconnus vont se révéler ?
Sera-t-il grand ? Sera-t-il ignoble ? Qui peut le dire ? La vie courante n’a besoin que de vertus moyennes, un comptable n’a pas à être héroïque.
Sera-t-elle fidèle ? Sera-t-elle abjecte ? Qui peut le savoir ? Une épouse qu’on surveille a peu de mérite à ne pas trébucher.
Eh bien, les bas instincts qu’ils refoulaient, les vertus qu’ils ignoraient eux-mêmes vont soudainement surgir. On va les voir à nu, tels qu’ils sont, beaux ou laids. Quel dieu farouche eut le plaisir d’imposer aux êtres ce terrible examen ?
Que de surprises ! Ce petit danseur impertinent dont les mines vous agaçaient, il s’est fait tuer sur son parapet, les yeux crevés, et lançant des grenades, d’un geste qui tuait sans voir. Cet employé timide qui vivait sans qu’on l’aperçût, et qu’on trouvait sournois, c’est en allant chercher un camarade resté entre les lignes qu’il a reçu une balle en pleine tête... Ce bon gros papa, aux manières cordiales, toujours pressé d’inviter le premier venu à dîner, c’était une brute : capitaine, il faisait pleurer ses soldats de rage et, embusqué dans un dépôt, il désignait des hommes pour la boucherie, en guise de punition. Les deux filles de la boulangerie, toutes deux si convenables, si réservées, et que leur maman élevait comme des demoiselles, elles faisaient la noce avec leur mère, dans cette petite ville de la zone, et leur jeune chair a servi de paillasse aux officiers de tous les régiments.
Hein, est-ce étrange ? ils étaient tout cela, et on n’en savait rien.
La guerre finie, tous ont vite repris leur faux nez. Le capitaine au ventre rond tend la main à ceux qu’il torturait ; les filles maintenant mariées baissent les yeux et font les prudes. On va oublier que c’était un meurtrier, qu’elles étaient des catins, comme on a oublié l’héroïsme des autres. Lâchement on va passer l’éponge. Eh bien, non ! Il faut se souvenir. Pas d’excuses à invoquer : les exigences de la discipline, la vie déréglée des villes, le mauvais exemple, les tentations... Non ! C’est à ce moment-là seulement qu’ils ont été eux-mêmes... Trop tard pour mentir : on vous a vus !
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