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Citation de Woland


[...] ... La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse

Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse

Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs


Le vol des mouches traverse la somnolence sans parvenir à en troubler l'épaisseur. Celui qui dort ne veut pas se réveiller, il veut poursuivre tranquille son voyage sur le réseau souterrain du rêve. Il prend des correspondances, descend sur des quais déserts. La lampe de la petite gare y dessine un grand cercle jaune. Parfois, un habitant du passé l'attend debout au milieu du cercle.

L'habitant du passé n'a pas changé, en dépit des années. Il fait un peu froid, il serre contre lui un manteau gris, une écharpe de la même couleur incertaine de muraille et de crépuscule. A peine si on distingue, sous la lampe fatiguée, les traits de son visage. Quelque chose dit au rêveur que l'habitant du passé est mort depuis bien des années, mais cela n'a pas d'importance. Le rêveur a le temps, avant le train suivant, d'écouter ses confidences murmurées. Il espère, pendant les quelques minutes de leur conversation, retrouver un peu de la chaleur de l'affection perdue. Il veut croire que seront prononcées les paroles jamais dites, comblés les oublis, réparées les négligences. Mais il fait froid, les mots sont lents. Le train suivant arrive, s'arrête à quai. Il faut repartir, laisser l'habitant du passé seul, sur son quai embrumé. Le rêveur ignore s'il le reverra, s'il repassera un jour par cette petite gare, et si son interlocuteur se tiendra encore debout, sur le quai, attendant son retour.

Les habitants du passé sont fragiles. Ils tentent de se maintenir entre deux visites. Tout les quitte, la consistance corporelle, la mémoire, le langage, la conscience d'eux-mêmes. Ils demeurent, pourtant, avec obstination. Ils se maintiennent longtemps au-delà de la mort, sans trop savoir pourquoi, comme si le fait d'avoir été continuait sur son erre. On ne sait même plus s'il s'agit encore de personnes humaines,et non de simples traces. Ils finissent par perdre ce qui les liait au monde et à leur propre identité. Pourtant, on s'en veut de les laisser, de ne plus venir les voir. ... [...]
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