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Citation de ProseS


"Je lis de plus en plus souvent des livres sur les chats. Ils me reposent un peu de ceux qui portent sur la mécanique quantique, sur ses interprétations, la saga des savants qui lui ont donné naissance, les extrapolations auxquelles elle prête, toute cette somme de semi-incertitudes, d'hypothèses douteuses au sein de laquelle je me retrouve à peine, avec le sentiment que plus j'apprends et moins je comprends. Je laisse de côté (...) les ouvrages de vulgarisation pas vraiment plus clairs qui s'empilent sur mon bureau et je prends dans la bibliothèque de quoi parfaire mon propre traite de phénoménologie féline. Le chat m'approuve, je pense. Il vient se coucher sur mes genoux, ronronnant et réclamant des caresses, s'allonge sur les pages du livre que j'ai ouvert, en rendant la lecture plutôt problématique, me forçant à interrompre celle-ci, à lever la tête, à rêvasser."
(...)
Sans aller jusque-là, ma folie à moi, il me fallait bien le reconnaître, avait bien des affinités avec cette démence douce. On peut croire en une chose et en même temps ne pas croire en elle. L'esprit fonctionne simultanément selon différents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagoniques. J'irai jusqu'à dire que c'est à cette seule condition que l'on échappe à la vraie folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l'on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans pour autant que soit menacé l'équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d'une conviction parallèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu'elle est en vous figurant qu'elle est en même temps autre que ce qu'elle est.
(...)
Mais si l'on s'en tient plus littéralement à ce que disent les équations et que l'on prend au sérieux le "principe de superposition", considérant qu'il gouverne tous les phénomènes quelle que soit leur échelle, l'on doit supposer au contraire que tout choses existe simultanément sous des formes opposées au sein de la réalité. On conçoit alors quel étrange sort est celui du chat de Schroëdinger : suspendu entre la vie et la mort, ne tenant l'une ou ll'autre que du regard qui se pose sur lui, susceptible d'exister ainsi sous deux formes opposées et d'engendrer deux figures de lui-même, comme l'est tout chose dans un univers qui doit vous apparaître alors comme le lieu où toute réalité se dédouble jusqu'à ce que prolifèrent des avatars à l'infini -en l'occurrence, donc, des chats démultipliés comme le serait leur image sous l'effet d'un jeu de miroirs et s'aventurant chacun sur l'un des sentiers divergents d'un temps qui se ramifie sans cesse et recèle alors la somme impensable de tous les possibles".
(...)
A la faveur de la nuit, lorsque dans votre existence les ombres se sont épaissies, que la coupe du néant se trouve assez remplie pour qu'une goutte d'eau suffise, qui la fait déborder, si bien que le chagrin le plus infime vient vous révéler ce que vous avez toujours su (...) Il ne faudrait s'attacher à rien ni à personne et pourtant le prix de la perte ne se mesure jamais qu'au prix de ce que l'on a perdu. (...)
Dans la nuit, un maître cherche son chat. Car comme toutes les autres, cette légende-là pouvait aussi bien se raconter à l'envers. Cette version, au fond, convenait davantage. Puisque ce chat, malgré les apparences, était plutôt le maître de son maître. C'était moi et non lui qui était perdu. (...)
Dans le noir de la nuit, je cherche un chat. Qui n'existe pas. Ou bien si.
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