Exemple (b) : la lettre belliqueuse
Monsieur
Et surtout pas "Cher Monsieur" C'est faiblard.
Mais pas non plus " Espèce d'ordure ventripotente" ; l'expression est certes bien trouvé, mais manque par trop de dignité.
Pour ma part, j'ai parfois employé la phrase " Ecoute voir, misérable avorton, fruit d'une union libre".
C'est un animal de pure race, manifestement habitué depuis l'enfance à fréquenter les milieux chics de la chasse à courre - il y a plusieurs meutes sur l'île - , et quand à savoir pourquoi il n'est pas en train de traquer le gibier avec les autres chiens de chasse, c'est plus que je n'en saurais dire. Je suppose qu'un jour il en a tout bonnement eu assez de tous ces taïauts et autres foutaises, et qu'il s'est dit que le moment était venu de reprendre ses billes et de se mettre à son compte.
Quoi qu'il en soit, il s'est présenté dans notre jardin un après-midi et s'y est assis, laissant clairement entendre qu'a son avis, son avenir dépendait entièrement de nous. Il était presque mort de faim et couvert d'une telle multitude de tiques gorgées de sang qu'il fallait l'œil le plus exercé pour remarquer qu'il y avait un chien dessous.
Je ne m'étais jamais représenté Oncle Percy comme un zèbre qui, étant jeune homme, était sorti avec une bande de vauriens. En fait, je ne me l'étais jamais représenté, d'une façon ou d'une autre, comme un jeune homme. C'est toujours comme ça. Si un vieux dur à cuire a une moustache hérissée, une affaire solide qui rapporte et les manières d'un ours qu'on a réveillé au milieu de son sommeil d'hiver, vous n'aurez pas l'idée de fouiller dans son passé et de vous demander s'il n'a pas été, lui aussi,en son temps, tout pareil aux copains.
Et maintenant que Grayce a divorcé [ de moi ], je me sens comme un détenu de San Quentin soudain libéré sur parole après avoir fait dix ans pour braquage de banque.
- Le soulagement doit être grand .
- Colossal. Eh bien, croyez-vous que ce détenu irait braquer une autre banque au moment même où il vient de sortir?
Cette disparition progressive du chanteur à voix de basse est due, si je ne m'abuse, aux risques du métier. Lorsqu'un chanteur à voix de basse s'aperçoit que, soir après soir, il se coince le menton dans son col amidonné et qu'il lui arrive même, sur les notes les plus graves, de se faire saigner du nez, il se décourage. -"Il doit certainement, se dit-il, exister d'autres moyens, moins dangereux, de distraire son public", et à sa prochaine apparition, vous constatez qu'il s'est mis aux tours de cartes ou aux imitations des chants d'oiseaux que vous connaissez tous. Ou, comme je l'ai dit, il se contente de se tenir à l'arrière-plan en faisant "Zim'zim'zim" - exercice relativement peu périlleux - et abandonne les récompenses de la profession au genre de type qui vous chante "Petit Papa Noël" d'une voix grêle de fausset.
- Oh les femmes !
- Vous continuerez à les demander en mariage. Vous êtes ce que j'appelerais un demandeur compulsif. C'est à cause de votre nature chaleureuse et généreuse, bien sûr.
- Oui, ça et le fait de ne plus savoir quoi leur dire au bout de dix minutes.
Une chose de moins à penser. Et croyez - moi Jeeves, en ce moment, le moins j'aurai à penser, le mieux ce sera, parce que j'ai la cervelle chargée jusqu'au-dessus de la ligne de flottaison. (P159)
Est-elle mariée ?
- Je n'en sais rien.
- Je plains son mari s'il existe.
- Oui, on éprouve beaucoup de compassion pour lui.
- Mais nous ne pouvons rien pour lui.
Il n’est pas nécessaire de narrer en détail les premières vicissitudes de l’enfant spirituel de Sir Raymond, car il eut, en gros, la même expérience que n’importe quel premier roman. Il envoya son œuvre, depuis une adresse de location, à Pope et Potter, et elle revint ; à Melville et Monks, et elle revint ; à Popgood et Grooly, Bissett et Bassett ; Ye Panache Presse et une demi-douzaine d’autres firmes, et elle revint toujours. Ce roman aurait aussi bien pu être un boomerang ou l’un de ces chats qui, transportés de Surbiton à Glasgow, sont retrouvés à Surbiton trois mois plus tard, un peu poussiéreux et souffrant des pieds, mais pleins du meilleur esprit du West End. Pourquoi finit-il son périple dans les bureaux d’Alfred Tomkins Limited, nul ne le sait, mais ce fut le cas, et ils le publièrent au printemps sous une jaquette représentant un jeune homme à monocle dansant le rock and roll avec une jeune femme délurée.
Après cela, comme d’habitude dans ces occasions, il ne se passa plus rien. Quelqu’un a dit qu’un auteur qui attend des résultats d’un premier roman est semblable à quelqu’un qui jetterait un pétale de rose dans le Grand Canyon, en Arizona, et tendrait l’oreille en attendant l’écho. Le livre fit peu de bruit. Le Peebles Courier dit qu’il n’était pas exempt de promesses, le Basingstoke Journal pensa qu’il n’était pas exempt d’intérêt et le supplément littéraire du Times informa ses lecteurs qu’il était publié par Alfred Tomkins Limited et qu’il contenait 243 pages mais, à part cela, il ne retint pas l’attention de la critique. La jeune génération qui était sa cible, si elle avait connu son existence, aurait dit, dans son langage, que c’était un flop.
Mais la gloire prenait seulement son élan, en attendant son heure et l’incident qui allait lui permettre de couronner le front de son enfant chéri. À cinq heures deux minutes un mardi après-midi, le vénérable évêque de Stortford, entrant dans la pièce où se trouvait sa fille Kathleen, la trouva plongée dans ce qu’il supposa être un livre pieux mais qui se révéla, après enquête, être un roman intitulé Cocktail Time. Regardant par-dessus son épaule, il put en lire un paragraphe ou deux. Elle était arrivée, il est bon de le mentionner, au milieu du chapitre 13. À cinq heures cinq exactement, il lui arrachait le volume, à cinq heures six, il sortait en chancelant, et à cinq heures dix, enfermé dans son bureau, il étudiait soigneusement le chapitre 13 pour voir s’il avait réellement lu ce qu’il croyait avoir lu.
C’était le cas.
À midi quinze, le dimanche suivant, il était en chaire dans l’église de Saint-Jude le Tenace, Eaton Square, et prononçait un sermon sur le texte « Celui qui se roule dans la fange sera souillé » (Ecclésiaste 13-1) qui souleva tant d’enthousiasme que l’élégante congrégation se mit à casser les prie-Dieu. La substance de ce discours était une dénonciation du roman Cocktail Time qu’il décrivait comme obscène, immoral, choquant, impur, corrupteur, éhonté, effronté et dépravé. Et, partout dans le saint édifice, on put voir des hommes griffonnant le titre sur leurs manchettes, pressés qu’ils étaient de l’ajouter à la liste de leurs lectures.
En cette époque où pratiquement n’importe quoi, de l’entrepreneur de pompes funèbres de Guilford mordu au mollet par un pékinois, jusqu’à la chute de Ronald Plumtree (II), trahi par sa bicyclette dans High Street à Walthamstow, peut faire la couverture de la presse populaire avec des titres d’une taille autrefois réservée à annoncer la déclaration d’une nouvelle guerre mondiale, il fallait bien s’attendre à ce qu’un événement de cette ampleur ne passât pas inaperçu. La presse populaire s’en empara et ce fut la fête, le lendemain matin, dans les bureaux d’Alfred Tomkins Limited. Tout comme les éditeurs américains espèrent que, s’ils sont bons et mènent une vie sainte, leurs livres seront interdits à Boston, les éditeurs anglais prient pour que les leurs soient dénoncés en chaire par un évêque. Nous n’avons pas les statistiques exactes, mais on estime, dans les milieux compétents, qu’un bon évêque, dénonçant un ouvrage en chaire avec le bon trémolo dans la voix, peut ajouter entre dix et quinze mille exemplaires aux ventes.