Vous n'ignorez pas que le traité mettant fin à la Première Guerre Mondiale a été signé le 11 novembre 1918 à bord du train privé du maréchal Foch dans la forêt de Compiègne. Mais saviez-vous que cette armistice signée aux petites heures du matin ne sera effective que six heures plus tard ?
"Au terme des six heures requises pour permettre à l'Armistice de prendre effet, la guerre se terminerait à 11 heures du matin, heure de Paris. Voilà qui sonnait bien. La 11e heure du 11e jour du 11e mois."
Six heures de guerre. Près de trois mille morts tombés durant cette matinée... pour rien !
Parmi ces soldats qui se battent dans l'ignorance des décisions de leur hiérarchie, il y a trois très jeunes recrues : Axel Meyer, un "Fritz", jeune musicien idéaliste qui a profité de l'abaissement de l'âge légal d'enrôlement à seize ans pour s'engager dans l'armée impériale allemande ; William Franklin, un "Tommy" de seize ans qui s'est engagé en mentant sur son âge, espérant impressionner l'élue de son cœur et qui se retrouve dans le même régiment de fantassins que son frère et Eddie Hertz, dix-neuf ans, un "Yank" d'origine allemande (Si ses parents n'avaient pas quitté l'Allemagne quarante ans plus tôt, il aurait pu combattre dans l'autre camp !), un peu tête brûlée, pilote de guerre de l'American Air Service.
Ce récit retrace leur parcours durant ces derniers heures de conflit. Par un pied de nez au destin, ils vont se retrouver au même endroit, au même moment, devant collaborer pour sauver leurs peaux !
Peu importe leur camp, on s'attache pareillement aux trois héros. L'auteur alterne intelligemment leurs points de vue et mêle à leurs récits des événements de ces derniers heures, leurs pensées les plus intimes, leurs rêves et leurs souvenirs de leur vie d'"avant". Au fil des pages, on s'en fait des amis et on s'inquiète du sort qui va leur être réservé.
Avec cette guerre, peut-on avoir un vrai "happy end" ? On en doute - avec raison - et on transit de découvrir les dernières lignes.
"Chaque heure, chaque minute était un combat contre les balles, les obus et les baïonnettes sur lesquels le destin avait choisi d'écrire votre nom."
Même si, comme l'indique l'auteur en fin d'ouvrage, "comme l'histoire se situe à la toute fin de la Grande Guerre, 11 Novembre ne dépeint pas la souffrance des hommes de tous bords piégés dans l'interminable guerre des tranchées de 1914-1918", ces quelques pages ont le mérite de lever un coin du voile sur les horreurs de cette sale guerre.
On découvre ainsi la peur, la faim, la saleté, les poux, la boue, les morts et les blessés... Sans tourner autour du pot mais avec néanmoins retenue, l'auteur relate quelques réalités effrayantes de ce conflit où se sont enlisés les hommes durant quatre ans. De ces soldats morts noyés dans la boue ; de ceux qui ont été fusillés pour l'exemple, pour qu'ils aient encore plus peur de leur hiérarchie que de leurs ennemis ; de ceux qui sont morts dans d'atroces souffrances, asphyxiés par les gaz ; de ceux qui ont été estropiés, défigurés par les éclats d'obus, ... il ne cache rien.
A tel point que lisant ces pages au moment où passait en avant-première mondiale les premiers épisodes de la série documentaire Apocalypse Première Guerre mondiale, je voyais en images ce que je lisais, je lisais ce que je voyais...
C'est le cas de cette image effroyable d'un soldat défiguré et de ce texte extrait de la page 71 :
(Image extraite de la série Apocalypse 14-18)
"Otto était à l'unité maxillo-faciale de l'hôpital de la charité de Berlin. Après s'y être rendus, Herr Meyer et Rosa revinrent dans un état de désespoir absolu. Otto avait été touché au visage par un éclat d'obus. Il n'avait plus de lèvre supérieure, la plupart de ses dents du haut manquaient, et ses deux joues étaient barrées de grosses cicatrices. Même s'il arrivait à se faire comprendre pour peu que son interlocuteur l'écoute attentivement, Otto n'avait plus l'esprit clair. "Dérangement mental temporaire", avait écrit le médecin sur son dossier." (p.71)
On peut certainement expliquer cet écho parfait entre le texte et la réalité par la formation initiale d'historien de Paul Dowswell.
En bref, un récit qui allie avec succès - et ce n'est pas simple étant donné le sujet - suspense et réalité historique. On vibre à l'unisson des héros tout en redécouvrant une page de cette Histoire qui nous hante toujours 100 ans plus tard !
Une réussite qui me donne l'envie de découvrir d'autres titres de l'auteur...
Lien :
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