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Citation de enkidu_


On lit dans la plupart des écrits consacrés aux Ottomans l’affirmation suivante : les monarques de cette dynastie ont hérité le califat directement des Abbassides. L’histoire est toujours la même. Salîm Ier s’empare du sultanat mamelouk. Arrivé au Caire en 1517, il met la main sur le calife abbasside al-Mutawakkil et l’envoie en résidence surveillée à Istanbul. Une fois sur place, ce dernier abdique en sa faveur lors d’une cérémonie officielle. Ainsi, le souverain ottoman et ses descendants deviennent les califes légitimes de l’islam.

Ce récit est très séduisant, dans la mesure où il permet d’expliquer simplement les revendications des maîtres d’Istanbul. Or il pose énormément de problèmes. Premièrement, il est très tardif. Il n’existe aucune trace écrite de cet événement avant 1788. Deuxièmement, le califat abbasside n’a pas été aboli par le sultan ottoman. Après le départ d’al-Mutawakkil, celui-ci a été remplacé par son père al-Mustamsik (r. 1498-1506 et 1517-1521). De retour au Caire en 1521, le calife exilé reprend son titre jusqu’à sa mort, en 1541. Troisièmement, Salîm Ier n’a jamais réclamé le califat de son vivant. D’ailleurs, les deux principaux titres qu’il adopte après la conquête des territoires mamelouks sont le Serviteur des deux lieux saints (khâdim al-haramayn) et le Soutenu de Dieu (al-Mu’ayyad min ‘ind Allâh). Toute porte donc à croire que ce récit a été inventé de toutes pièces par les autorités ottomanes et leurs thuriféraires pour donner une profondeur historique au titre califat qu’ils ont officiellement pris en 1774.

Les monarques ottomans se considèrent dès le XVIe siècle comme les plus grands souverains de l’univers, ainsi que le montre le système de légitimation mis en place. Par exemple, Soliman le Magnifique (r. 1520-1566) se voit comme le représentant de Dieu infaillible auquel tous les potentats de la terre doivent se soumettre. Il se fait appeler, entre autres, césar, sultan des sultans, imâm, calife, maître des sept planètes (sâhib al-qirân), mahdî, grand roi (pâdishâh) et souverain (khân). Le plus célèbre des Ottomans croyait sans doute que le califat était trop étroit pour contenir toute sa soif de grandeur. Sans être à sa hauteur, ses successeurs immédiats reprennent en partie son système. Certains d’entre eux utilisent la rhétorique califale dans le but de gagner de nouveaux territoires. C’est le cas de Murâd III (r. 1574-1595), qui essaie de persuader les sultans du Maroc de lui prêter serment d’allégeance en tant que chef incontesté de la communauté. Chose qu’il n’a obtenue qu’entre 1576 et 1578. (pp. 168-169)
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