AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de emdicanna


Les frères Ferron ! Non, on ne m'en avait pas parlé souvent, mais une fois avait suffi. Avec, autour d'eux, l'odeur forte de l'aventure, ils occupaient une place à part dans ma galerie des ancêtres (...)
Au printemps et à l'automne, ils engageaient quelques valets adroits à mener les bêtes et partaient pour l'Espagne avec un troupeau de bourailloux et de mulets, une horde infernale qui remplissait les chemins de tourbillons de poussière, de jurements et de braiements.
Pour le ravitaillement, ils se faisaient suivre d'une longue charrette bâchée. Les hommes dormaient au creux des fossés, roulés dans leur limousine, cette grande cape de laine naturelle filée et tissée à la maison, dont les fibres serrées ne laissaient pas passer ni la pluie ni le vent.
Une fois hors frontière, ils vendaient leur cheptel un bon prix et achetaient un lot de chevaux qu'ils ramenaient pour les grandes foires de la Saint-Jean et de la Saint-Michel. Ce retour, mes amis, quelle fête ! Aux environs de la date prévue, le village vivait une attente fiévreuse ; puis, un jour, quelques gamins partis en éclaireurs revenaient en courant :
"Les v'là, les v'là, l'arrivont ! Garez-vous, bounes gensses, l'arrivont !"
Le temps de se bousculer sur les seuils et déjà ils étaient là, claquements de fouets, hennissements de chevaux énervés, relents de sueur et de crottin, hue-dia-hue...
Les grands gars soignaient leur entrée. Montés sur leurs plus beaux chevaux, ils galopaient, voltaient, l'oeil à tout, noirs de crasse et de soleil, rieurs et beaux comme des démons. Sans descendre de selle, sans même s'arrêter, ils commençaient tout chaud l'achalandage :
"Eh ! Jeanty ! J'ai une pouliche pour toi, un vrai bijou... Je te la garde... Mathurin, l'as-tu vu mon bel étalon noir ? Il n'y a que chez toi, au pré de la rivière, que l'herbe sera assez fine pour un racé de même... Salut ma belle Mariette ! Demande à ton homme de t'offrir le bai arabe pour ton tilbury ... Seriez superbes toi et lui, feriez la paire, m'amie..."
Hue-aïe-Hue, ils étaient déjà loin traînant derrière eux des nuages de mouches et des rêves en essaim.
Le soir, tout le monde se retrouvait devant leur enclos de Beauchamp. On regardait les bêtes. Mine de rien, on calculait, on surveillait les autres, et bien souvent on s'offrait une folie. C'est qu'il n'aurait tout de même pas fallu que les plus beaux chevaux s'en aillent tous aux maquignons pour les messieurs de la ville. A chacun son honneur. Et puis, cré Dié, les Ferron étaient du pays, ils feraient bien un prix au pauv' monde...
Commenter  J’apprécie          80





Ont apprécié cette citation (8)voir plus




{* *}