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Citation de lanard


Le modèle explicatif des grandes migrations a été longtemps repris dans les ouvrages à destination du grand public. En 2017, Wikipédia s'en fait encore largement l'écho. L'illustration la plus caractéristique en est la carte des Grandes Invasions, où les peuples barbares sont représentés par des flèches convergeant des confins européens vers l'Empire romain.
De telles représentations sont à refuser pour de nombreuses raisons. D'abord, l'usage des flèches pour des déplacement supposés pluriséculaires supprime toute chronologie, comme toute attention aux sources. Sont ainsi mis sur le même plan, par exemple, le déplacement de l'armée d'Alaric après son sac de Rome, en 410, bien attesté par les textes contemporains des événements, et un déplacement de Goths entre l'île de Scandie et la Scythie, que seul Jordanès évoque de façon très floue et qu'il situe plus de dix siècles avant son époque. En outre, une flèche suppose la stabilité du groupe en déplacement, qui est implicitement présenté comme distinct des groupes voisins durant les siècles de son errance.
L'unanimité autour du modèle des grandes migrations fut rompue à partir des années 1960 par les progrès de l'archéologie. Pendant longtemps en effet, l'interprétation des vestiges n'eut d'autre but que d'identifier les migrations que décrivaient les récits du haut Moyen Age. Ainsi, les origines des Goths et des autres peuples de langue germanique étaient systématiquement recherchées en Scandinavie. Or, des études plus fines permirent de constater que la région était peu peuplée dans l'Antiquité ; dès lors, on ne parvenait pas à expliquer un exil massif de populations. De plus, certains objets sont assurément communs de part et d'autres de la mer Baltique, mais la culture matérielle de Wielbark fut élaborée sur le continent.
D'un autre côté, la linguistique a fait l'objet d'une utilité plus prudente. Les analyses montrent certes des points communs entre les langues scandinaves actuelles et la langue utilisée par les Goths au IVe siècle de notre ère, telle que nous la connaissons par les fragments de la Bible traduite en gothique par Ulfila. Toutefois, la parenté linguistique ne pouve nullement une migration ; une langue peut se diffuser sans mouvement de population, simplement en raison du prestige social qu'elle apporte.
Enfin, la toponymie admet des limites. Par exemple, il existe bien une île nordique nommée "Gotland" en Suède, mais on ne peut en conclure qu'il s'agit du lieu d'origine de peuple des Goths. Ces dénominations ont en effet été attribuées au cours du Moyen Age, par des auteurs qui connaissaient les récits qui plaçaient les origines de ce peuple en Scandinavie.
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