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Citation de BellatrixBellatrix


K. Bellatrix
Installé derrière la table de la cuisine, Auguste Fremel fait la lecture du journal à sa femme, Marie-Jeanne. L’onde de choc provoquée par la mort de Paul Pinçon ne s’estompe pas. Les détails de sa mort, les supputations, les contre-vérités, les ragots enterrés depuis des années qui soudain refont surface. Un sordide fait divers vient de projeter ce paisible village à la une du quotidien régional. Le temps est venu de sortir des tiroirs les coups du passé. Pour certains, les mémoires sont restées figées depuis trente ans. Rien n’a été oublié, seulement étouffé par une poignée de feuilles que le vent de la haine vient de faire s’envoler.
Au fil des décennies, Rillon-en-Montagne s’est fané.
Le cœur du village n’affiche plus que les vestiges d’un passé vivant et coloré. Face à la mairie, le monument aux morts témoigne de la saignée de la Grande Guerre. Un tiers de la population fut décimé. Au retour des soldats, le bourg se remit à respirer, chacun étant animé par une furieuse envie de vivre. Le café était le théâtre de conversations parfois acharnées, de parties de belote enflammées, jusqu’au jour où l’exode rural assécha l’âme du village. Par vagues successives, Rillon-en-Montagne s’est vidé de sa substance. Les anciens, impuissants, regardaient la nouvelle génération les quitter pour un monde moins rude et plus prometteur. Le café ferma ses portes au décès de son propriétaire, puis ce fut le tour de l’école. Des voix se sont élevées, l’ancien maire a sollicité quelques appuis politiques. En vain. L’essence du village venait de s’évaporer. La population s’est réduite à deux-cent-cinq habitants, endurcis par l’isolement et l’âpreté de la pierre. Les générations se sont succédé, des clans se sont formés, auxquels l’appartenance n’est définie que par le nom de famille. Les rancœurs sont tenaces, les apparences ont aussi leur importance. On s’observe, on se juge parfois, on se réjouit souvent du malheur de l’autre. Mais rien ne filtre.
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