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Citation de Charybde2


Je commençai à faire fortune grâce aux rails. Je continuai de m’enrichir grâce aux canons multiples de Nordenfelt. Grâce à la liberté totale qui m’était laissée, je devins de plus en plus riche, d’autant que je n’était pas tenu de limiter mes services à la société Nordenfelt. Qui se contenterait de un pour cent quand il sait qu’il peut gagner cinq fois un pour cent ?
Un courtier est un intermédiaire qui vend un produit qui ne lui appartient pas à un autre intermédiaire qui achète le produit avec de l’argent qui ne lui appartient pas. Étant établi qu’au moment de la transaction les deux agents perçoivent chacun un pour cent de commission, ils ont donc tout intérêt à effectuer le plus de transactions possible.
Le client vient-il à manquer d’argent ? Peu importe ! Les deux agents s’entendent pour trouver une solution. Et cette solution a pour nom le prêt. Une troisième entité s’invite alors dans ce marché : la banque. Et voici trois parties qui, toutes, ont intérêt à ce que la transaction se réalise. Pour le courtier, ce n’est plus uniquement un pour cent de la part du vendeur, c’est en plus un pour cent de la part de la banque. Un client qui n’a pas d’argent et qui se voit contraint d’emprunter à la banque est donc plus intéressant qu’un client qui paie comptant. Si l’on ajoute à cela la nécessité pour la banque de sécuriser la dette, par les services d’un autre acteur du marché que l’on nomme l’assureur, on commence à comprendre que l’expansion de certaines fortunes n’a pas de limites. Cette mécanique amusante était puissamment à l’œuvre dans l’Empire ottoman. À moins d’avoir été convié à la table des négociations, il est difficile d’appréhender avec des chiffres ce que la modernisation d’un État, qui passe par sa reconstruction, qui elle-même passe par sa destruction à la suite d’un conflit armé, a de monstrueusement lucratif.
Devenu un homme d’affaires incontournable et rompu à ces méthodes, je me rapprochai tout naturellement des Rothschild à l’époque où ils voulaient investir dans le rail grec. Skouloudis m’assura une grande part du marché de l’acier pour le pays, et comme la Grèce, sans argent, devait recourir à l’emprunt, je ne cessai de prospérer.
Enfant déjà, je tenais en haute estime la lutte pour posséder quelque bien que ce fût comme une marque de volonté sans faille, bien plus d’ailleurs que les agréments que la possession m’apporterait. Mais de l’objet lui-même, il n’était jamais question. La quête et la fructification seules m’importaient pour me lancer ensuite dans une quête plus vaste, plus longue, et cela n’avait pas de fin. Devenant moi-même possédé, non plus par la seule idée du combat, mais par un esprit tout entier tourné vers la conquête, je voulais posséder pour posséder plus encore. J’étais atteint de cette terrible pathologie qui ternit l’humanité, ignorant qu’elle est son plus grand ennemi, la cupidité. Ce moteur, si puissant, ne connaît pas d’obstacles et c’est grâce à lui que j’acquis une position indiscutable dans la société. Couplée avec l’instruction et l’expérience, la cupidité peut soulever des montagnes.
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