Du temps de mon grand-père, il n’y avait que des tas de paresseux, et pas encore des tas de chiffons à tous les coins de rue. Il n’y avait pas six millions de chômeurs en France et pas loin de cent mille nouveaux inscrits chaque mois. On disait Assedic et ça sonnait presque sympathique. De loin, le clochard de mon enfance avait quelque chose d’indigné, pas de déprimant. On pouvait lui imaginer une histoire pleine d’aventures, presque fabuleuse, ça n’est plus du tout d’actualité. La désespérance sociale était nettement moins visible, moins dérangeante, moins dangereuse. La vraie victoire des ultrariches, c’est que les prochains pauvres se battent contre les pauvres.