La fonction d’abbesse passait de femme en femme, une autonomie féminine conquise avec peine, une possibilité de se gouverner seules perpétuée avec dévouement.
Les religieuses se choisissaient leur guide elles-mêmes, la personne qui devrait surveiller les comptes, distribuer des tâches adaptées à chacune, redresser les parcours bancals, tirer de la torpeur les esprits égarés, et surtout ne pas se laisser tyranniser par le monde, parce que tous les jours ils seraient nombreux à venir frapper à la porte du monastère pour demander une audience, une aide, une prière, mais aussi pour insulter, railler, mépriser et elle, pareille à une digue, elle laisserait l’eau douce couler et repousserait l’eau malsaine en amont, elle tiendrait les marécages éloignés, permettrait aux affluents de courir à leur embouchure.