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Critiques de Georges Simenon (2980)
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Le Petit Saint

Une autrice dont j’ai oublie le nom avait inscrit ce roman dans une courte liste de polars qu'elle conseillait. Je m'en suis rappele quand je l'ai croise par hasard, alors je l'ai pris. Je ne me suis jamais fait trop prier pour lire un Simenon.





Ca a ete une surprise. C’est tres different des autres romans durs de Simenon que j'ai lus. Je ne suis meme pas sur qu'on puisse l’inclure dans cette categorie. Noir? Pas vraiment. Polar? Surement pas. Tout simplement un roman, qu'il n'est pas besoin de caracteriser autrement. Un roman ou brillent les qualites litteraires de l'auteur. Il excelle, comme toujours, a plonger le lecteur dans l'ambiance d’une ville, d'un quartier, d'une rue; a rendre vivants ses personnages, leur allure, leurs gestes; et leurs pensees, leurs reactions, leurs paroles, non seulement plausibles mais veraces.



Le petit saint c’est Louis (comme Saint Louis, oui), un peintre fameux, ne dans une famille pauvre a Paris vers la fin du XIXe siecle. Il y a quelques pages sur la peinture et la creation artistique qui indiquent peut-etre ce que Simenon pense de son propre metier, mais ce n'est ni le plus important ni le meilleur du livre a mes yeux. L'epanouissement d'un peintre dans une ville qui change sous nos yeux de lecteur est assez bien rendu mais j'ai surtout apprecie le croquis de la vie des petites gens en ce Paris de la fin du XIXe siecle.



Paris. Rue Mouffetard. Quelques commercants ont pignon sur rue et une situation confortable. Des rentiers possedent les maisons du quartier et louent des appartements etriques a des ouvriers et des artisans qui peinent a finir le mois, pauvres mais fiers, qui s’entraident, sans chercher ni accepter un quelconque secours exterieur, contrairement aux quelques indigents, qui vivent de charite, aumones, dons ou autres oboles.



Rue Mouffetard et aux alentours, des marchandes de quatre saisons interpellent les passants, vantent leurs legumes, leurs fruits, nous interpellent (Simenon a l'art de nous faire vivre ses decors). Une grand-mere derriere sa charrette, une mere derriere la sienne. Une mere qui vit dans une mansarde avec une ribambelle d'enfants. Chacun d'un pere different. Chacun d'un amant de passage qui laisse son souvenir-temoin et part. Le petit dernier c'est Louis, un enfant aux grands yeux observateurs, aux oreilles toujours ouvertes, sensible et innocent, extremement petit de taille, ce qui lui vaudra d'etre une cible ideale, victime facile des abus de tout son entourage, freres ou condisciples, sans que jamais il ne rouspete ni meme s'en formalise. Il sera donc etiquette “ le petit saint".



Louis aime aider sa mere, a pousser la charrette, a choisir la merchandise, ce qui permettra au lecteur de gagner une visite guidee aux halles d'antan. Il trouvera du travail dans ces memes halles et il depensera son argent chez des “marchands se couleurs" car il aime dessiner ou plutot colorier ses reves, des scenes d'une realite totalement subjective. On l'aura compris: sans meme s'en rendre compte, sans y attacher une quelconque importance ou une quelconque fierte, gardant l'innocence qui l'a toujours caracterise, le petit Louis deviendra un grand peintre.



Si le portrait du gosse, du petit Louis, est touchant, j'ai plus goute celui de sa mere, Gabrielle. Une femme forte, qui ne rechigne pas a la tache, qui accepte la vie comme elle vient, sans jamais se plaindre, savourant les meilleurs moments et ne s'arretant pas a se lamenter sur les plus durs, qui se repait de ses amants autant qu'ils profitent d'elle, qui aime et se preoccupe de ses enfants, essaye de les guider tout en leur laissant leur liberte. Une surprise pour moi. Surprise parce que j'ai l'impression que Simenon a fait peu de portraits centraux de femmes, mais je laisserai de plus experts que moi se prononcer sur cette question.





Il reste que c'est le livre qui a ete une surprise. Pas ce a quoi je m'attendais chez Simenon. Ni un roman dur ni un polar. Aucune intrigue a resoudre. Un roman, tout simplement. Le roman d'une vie, a Paris, en un changement de siecle. Un beau roman.

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Maigret et le voleur paresseux

Maigret mène deux enquêtes, dont l'une ne lui est pas dévolue... Celle qui, pour autant, la touche le plus!

En "concurrence", une affaire spectaculaire de braquages et une autre du meurtre d'un obscur et tranquille cambrioleur.... Cette affaire que les supérieurs du célèbre commissaire voudraient vite enterrer comme "règlement de compte".

Maigret a froid, Maigret manque de sommeil, et Maigret ne renonce pas!

C'est pour cela, ce côté tellement (trop?) humain, que l'on s'attache à ce grand flic et à ses "petites mains" tellement importantes: Ces inspecteurs trop souvent oubliés par la promotion! Ceux qui planquent, rédigent les rapports et dépositions, qui connaissent Paris mieux que leur poche!

Mais chez les flics, la lessive est en route!: On veut rendre la police plus propre, plus aseptisée, sous le contrôle accru de la magistrature.

Maigret serre les dents et semble faire le dos rond. Il est à deux ans de la retraite. Son équipe de collaborateurs fidèles et dévoués se dépeuple: Il va falloir passer la main aux jeunes, diplômés avec plans de carrière.

On sent, chez Maigret, cette amertume qui accompagne la fin d'une vie professionnelle.

Mais Maigret mettra autant de pugnacité pour élucider les deux affaires...

Un très bon Maigret, par un Simenon au sommet de son art romancier.

À lire... Mais il y a tellement de Maigret à lire!
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Maigret aux assises

C'est aux Assises de la Seine que le commissaire Maigret va instiller un doute salutaire à un jury chargé de condamner un homme pour un double meurtre particulièrement atroce.

Le tribunal, avec tout son faste et sa sévérité prend, sous la plume minutieuse et inspirée de Simenon, l'allure dune sorte de cérémonie religieuse. Maigret y vient comme témoin et rapporteur de l'enquête qui a abouti à la condamnation de Gaston Meurant... Et, faute de preuves concluantes et d'aveux, Meurant est acquitté.

Maigret sait bien que les Assises n'offrent qu'un aperçu du passé, de la vie et de la personnalité d'un homme qu'il connaît mieux que personne pour l'avoir longuement interrogé. Maigret n'est pas à l'aise au Tribunal.

Maigret va donc relancer l'enquête, à la recherche patiente et obstinée du véritable coupable.

Dans cette poursuite de la vérité, Maigret déploie ses inspecteurs et utilise ses contacts jusqu'à Toulon. Opiniâtre, le grand flic ne néglige rien.

Dans ce Maigret, le coupable revêt beaucoup moins d'importance, que les descriptions des vies mornes et des ambiances automnales d'un Paris souvent grisâtres... Point de sensationnel ni de surprise de dernière page, ici.

Le commissaire fait son boulot, et prend sa retraite dans deux ans. Il a acheté une vieille maison vers Meung sur Loire et toute ce théâtre de Police et de Justice sera terminé pour lui.

Un beau Maigret.

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Les Demoiselles de Concarneau

Jules Guérec , 40 ans, célibataire, vit à Concarneau avec ses deux sœurs qui le surveillent de près et le maternent.

La troisième sœur est mariée .

Ils sont propriétaires de deux thoniers et d'un troisième qu'ils font construire.

Jules a acheté une voiture et a son permis depuis peu.

En revenant de Quimper, dans une petite rue de Concarneau il renverse une personne. De peur, il ne s'arrête pas et rentre complètement bouleversé avec un autre souci. Il a dépensé de l'argent avec une dame de petite vertu et ses sœurs surveillent ses dépenses.

L'ambiance devient lourde. Jules essaie de réparer sa faute auprès de la famille de la victime. Jules se garde bien de se dénoncer.

Sa sœur devinera sa faute sans le dénoncer, trouvera une autre solution.

Georges Simenon n'a pas son pareil pour dépeindre l'étouffement que subit Jules Guérec de la part de ses sœurs, sa lâcheté devant une faute aussi et en même temps sa volonté de réparer autrement.

Un roman bien différent de la série des "Maigret", paru chez Gallimard en 1936 alors qu'il avait déjà commencé à écrire et faire paraître les enquêtes du célèbre commissaire en 1931.

On remonte vraiment le temps là !



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L'assassin



Vu le titre, autant passer directement au crime.



À Sneek, en Frise néerlandaise à 130 kilomètres au nord d’Amsterdam, par une belle journée glaciale, le médecin local, Hans Kupérus, tue son épouse Alice et son amant, le comte Cornelius De Schutter, maire et avocat, à coups de revolver à bout portant.



Il aura fallu un an au médecin généraliste pour passer à l’acte après la découverte d’un message anonyme qui le renseigne sur la liaison clandestine entre sa femme et l’homme le plus riche du coin.



L’Assassin se pose lui-même des questions sur sa motivation profonde pour commettre ce double homicide : en veut-il à son Alice pour son infidélité ou plutôt à De Schutter qui lui a ravi la présidence de l’académie de billard de Sneek qu’il ambitionne fortement ?



Avec ce dilemme nous entrons de plain-pied dans l’univers équivoque et ambigu d’un Georges Simenon des années 1930.

L’auteur a achevé ce roman en décembre 1935 à Combloux, dans le département de la Haute-Savoie.



L’atmosphère et le contexte m’ont fait penser à "Pietr-le-Letton" de 1931, la toute première enquête du céĺébrissime commissaire Maigret, situé dans la même partie du globe.



Ce roman, proche d’un policier classique avec des questions comme qui a écrit la lettre anonyme et est-ce que le docteur sera condamné pour ce double meurtre, va bien au-delà et constitue essentiellement une analyse psychologique d’un individu sans histoires qui accomplit un acte prémédité et impardonnable. La psychologie de quelqu'un replié sur lui-même et de sa place dans une petite communauté qui le soupçonne et rejette.



Le nom du docteur Hans Kupérus a sûrement été inspiré par le poète et grand écrivain de la littérature néerlandaise, Louis Couperus (1863-1923), auteur du superbe classique "Eline Vere" de 1889 dont Harry Kümel a fait un film à succès en 1991 avec Marianne Basler, dans le rôle d’Eline, Aurore Clément, Michael York, etc.



Je termine par une citation, qui reflète à merveille le style du jeune Simenon : "Kupérus... s’arrêta devant une vitrine et il se regarda dans la glace, fut surpris de constater qu’il avait l’air d’un vrai veuf."

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Le charretier de la providence

Ce Charretier de la Providence, je l'ai lu avec La chanson de Brel "L'éclusier" en tête et son inimitable accord d'accordéon.

Il y fait humide, il y fait froid, il y fait lent! À la vitesse de ces bateaux qui empruntent un canal aux innombrables écluses.

Ça se passe vers 1930, à l'époque ou la batellerie dépendait encore des solides chevaux menés par leurs charretiers sur ces chemins de halage loin de tout.

Simenon, artiste-peintre des atmosphères lourdes, amples et puissantes; amène le commissaire Maigret dans ce milieu de la navigation fluviale syncopée par le passage des biefs et des écluses. Dans ces cafés/épiceries/ écuries qui fleurent bon le vin et l'odeur du goudron et des chevaux.

Et Maigret ("Autant...") , opiniâtre, massif, bloc humain, suit une piste de boue, de nuit et de tout petits matins qui doit le mener à une seule vérité de qui a commis deux assassinats. Les deux victimes étaient sur le yacht Southern Cross, qui emprunte le canal pour se rendre à...Porquerolles. le Southern Cross, tel un insecte qui se faufile en trématant les grosses et placides péniches. le Southern cross et son parfum anglais de whisky dont abuse son capitaine , un lord et ex-colonel de l'armée britannique.

Une enquête du célèbre commissaire, qui vaut plus par son atmosphère et le milieu décrit que par l'énigme des meurtres en elle-même.
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Le Pendu de Saint-Pholien

Un homme est pris en filature par le Commissaire Maigret. Les agissements suspects de celui-ci le tourmentent. Dès qu'il le peut, il substitue sa valise avec celle de cet anonyme. Lorsque ce dernier s'en rend compte, il se suicide. Maigret découvre dans la valise un costume taché de sang...



Ce n'est un secret pour personne, je suis friande des polars, notamment ce que j'appelle les classiques : Conan Doyle, Agatha Christie, Charles Exbrayat, Georges Simenon. Oui, je suis éclectique dans mes lectures et je le revendique ! Pourquoi Simenon pour ce billet ? Eh bien, la générosité du Papa Noël étant sans égal, j'ai reçu au pied du sapin (bon d'accord, sur ma table basse) les oeuvres de cet auteur en Pléiade. Tout n'y est pas encore (d'ailleurs ce titre n'en fait pas partie), l'auteur étant prolixe, mais cela m'a permis de compléter mes vieux livres de poche et m'a rappelé que je n'avais jamais fait de critique de celui-ci. Bref, voilà pour le contexte (qui a dit :"OUF" ???)



Le Pendu de Saint-Pholien est un roman qu'il faut lire absolument car il défie les règles du genre. En premier lieu, Simenon se base sur des choses réelles. Le groupe d'étudiants et d'artistes que l'on croise dans le roman, Les Compagnons de l'Apocalypse, ne sont pas sans faire référence au groupe auquel appartenait l'auteur. De plus, il y a réellement eu un pendu à Saint-Pholien, église de Liège. Voilà qui confirme la "patte" de Simenon et lui confère un style tout particulier. Vient s'ajouter à ceci le rôle du Commissaire Maigret ici. En effet, habituellement, il y a une victime, un ou plusieurs coupables et ce n'est qu'à partir de là que le policier entre en scène. Or, ce n'est pas le cas dans ce roman puisque c'est Maigret lui-même qui va tout déclencher: un premier suicide puis un second... et l'affaire devient complexe...



Si vous êtes, comme moi, férus de policiers en tout genre, n'hésitez plus !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Le chien jaune

L'histoire se passe à Concarneau, dans les années trente. Il pleut sur la ville comme aujourd'hui, sauf que ce jour-là est un vendredi 7 novembre, une tempête venue du sud-ouest met le désordre parmi les barques du port.

Le désordre, c'est aussi ce qui va secouer la tranquillité des jours mornes et ennuyeux d'une petite ville de province... le désordre et l'émoi, lorsque des crimes surviennent, étranges et saugrenus.

Si le récit semble un peu daté à plusieurs endroits, cela en fait aussi son charme désuet à souhait.

Ici, point de fioritures et d'effets tapageurs comme les polars d'aujourd'hui, c'est la police à la papa, ce monde de l'entre-deux-guerres, entre deux eaux, celle qu'on verse dans le Pernod sur le zinc du café de l'Amiral, des charrettes à bras tirées par des camelots que l'on peut croiser dans les rues des villes provinciales, le téléphone quand il marche pour joindre Paris par le truchement d'une opératrice qui sait manier les fils sur sa console avec autant de dextérité qu'un DJ d'aujourd'hui ses vinyles...

Sans doute la ville de Concarneau est propice à construire l'ambiance idéale pour accueillir cette histoire et son mystère. C'est une météo de circonstances qui embrume la ville close, ses remparts, le tintement du carillon de la vieille horloge et les bateaux de pêche qui rentrent au port dans le sillage des goélands qui éventrent le ciel bas et lourd, avec la plage des sables blancs plus loin...

Je vous propose de descendre à l'hôtel de l'Amiral, retrouver le commissaire Maigret dépêché sur les lieux pour enquêter.

C'est un roman policier d'une facture classique, dont l'écriture de Georges Simenon est à l'image de Maigret, sobre et magistrale.

Le commissaire ne se laisse pas départir malgré les pressions d'un maire peu avare de menaces, rappelons que Monsieur le maire, vieil homme aux allures aristocratiques, n'est autre que le cousin du garde des Sceaux, excusez du peu. « Allons, commissaire, trouvez-nous vite un coupable, n'importe lequel fera l'affaire, on ne peut pas laisser ainsi les concitoyens de cette ville dans le doute et l'inquiétude ! »

Les concitoyens, ce sont surtout ceux qui l'ont élu, les siens, une bourgeoisie conservatrice, composée de notables vissés sur leurs pré-carrés comme des berniques sur leurs rochers, englués dans leurs petits secrets hypocrites, leurs jalousies quotidiennes...

La manière dont Simenon dépeint la sociologie du cru est d'une férocité implacable.

Mais il en faut plus pour coller la pression à un Maigret, mutique, bourru avec son indéfectible pipe vissée à la bouche. Parfois une colère sourde semble venir comme une vague. La seule pression qu'il accepte, c'est celle qu'on lui sert au zinc du bar de l'Amiral.

Alors il pleut des crimes comme la météo...

La ville a peur, certains commerçants descendent le rideau métallique de leur échoppe, tandis que les journalistes autant locaux que parisiens affluent à l'hôtel de l'Amiral, devenu à la fois le quartier général mais aussi le théâtre de l'affaire...

D'autres personnages à la fois ordinaires et insolites traversent le récit, une jeune fille de salle nommée Emma, un vagabond aux empreintes formidables, mais surtout un chien errant, le chien jaune, dont Maigret et son acolyte l'inspecteur Leroy, un jeune homme bien élevé qui ne comprend pas toujours les méthodes de son patron, voudraient tant qu'il soit doté de la parole pour nous démêler l'écheveau de cette énigme. Un chien qui n'a demandé rien à personne et que la foule idiote et apeurée va vite en faire un bouc émissaire...

En toile de fond de cette intrigue, une histoire d'amour touchante apporte une note intime au drame.

Une poésie cinématographie ancre les pages de ce roman qui se laisse lire avec un plaisir infini à regarder la pluie tomber derrière la vitrine embuée du café-hôtel de l'Amiral.

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L'Affaire Saint-Fiacre

Revenu sur les lieux de son enfance, le commissaire Maigret se retrouve malgré lui happé par une affaire peu banale : un crime est annoncé, sous forme d’un message anonyme adressé à la police de Saint Fiacre, précisant le lieu et le moment du décès. En effet lors de la première messe des morts, conformément à ce que prédisait le message, la comtesse de Saint Fiacre est victime d’un accident cardiaque.



Maigret entre en scène, à titre officieux, pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, observant les comportements et tentant de décrypter les invraisemblances des discours pour faire la lumière sur cette affaire. Mais c’est aussi pour l’enfant du pays l’'occasion de faire ressurgir de lointains souvenirs, puisque le père de Maigret était régisseur du domaine Saint Fiacre.



L ‘ambiance est désuète mais l’enquête tient la route et le roman se lit avec plaisir, comme l’on revoit un vieux film en noir et blanc. Et peut donner l’envie de se plonger de temps à autre dans l’une des nombreuses enquêtes du célèbre enquêteur.


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Novembre

Rien ne va plus dans le ménage Le Cloanec lorsque père et fils tombent tous les deux amoureux de la nouvelle bonne, Manuela, d'origine andalouse et d'un style un peu "olé, olé".



Le capitaine Le Cloanec est un militaire de carrière de 52 ans qui a marié il y a un quart de siècle Nathalie Picot, la fille de son général, qui a maintenant 47 ans. Apparemment entre le couple il n'y a jamais eu le grand amour.



Le couple a 2 enfants : Laure, 21 ans, laborantine à l'hôpital Broussais, le personnage central et la narratrice du récit ; Olivier, 19 ans, étudiant en chimie à l'université de Paris.



La famille habite une vieille villa, Les Glaïeuls, un peu isolée à Givry-les-Étangs.



Aux Glaïeuls point de gaieté. Tout le contraire : une ambiance morne et tendue. le capitaine ne parle à personne, lit son journal ou se retire dans son bureau. La mère Nathalie prépare à manger si elle ne traverse pas une période d'abus d'alcools, ce que sa fille a appelé "ses neuvaines" et même sobre ne parle pas non plus.

Les seuls qui communiquent entre eux épisodiquement sont Laure et Olivier.



Laure est tellement fascinée par l'intelligence brillante du professeur Stéphane Shimek, tête du service immunologie où elle travaille, qu'elle en est tombée amoureuse. Elle sait parfaitement bien qu'il s'agisse d'une idylle sans espoir puisque le professeur d'origine tchèque est beaucoup plus âgé qu'elle, est marié et a une fille de 14 ans. Mais Laure est heureuse de se trouver en sa proximité et n'en demande pas plus.



L'arrivée de la séduisante Manuela rend l'atmosphère tristounette carrément suffocante, d'autant plus que la belle Espagnole n'est pas "farouche avec les hommes" .

En fait, c'est un peu comme dans la ballade "Aux marches du palais : elle a tant d'amoureux qu'elle ne sait lequel prendre"....

Le père ou le fils, ou les deux ?



Je laisse à mon grand compatriote, Georges Simenon, maître-conteur, le soin de vous expliquer comment cette histoire se termine. Une fin, je vous assure, fort surprenante.

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Les fantômes du chapelier

Le roman s'ouvre sur un décor typique de Simenon : une ville portuaire sous la pluie fine d'hiver.

Cette ville, c'est La Rochelle, et un tueur de femmes y sévit.



Ce tueur c'est Monsieur Labbé, chapelier, on le sait dès le début du récit.



"Les fantômes du chapelier", n'est pas un roman policier, l'intérêt n'est pas de découvrir qui est l'assassin, ni comment on va le confondre. Dans ce roman dur, Simenon s'attache encore une fois à dépeindre une atmosphère, des personnages, un personnage en particulier : Labbé le chapelier étrangleur.





Le chapelier a un voisin, le tailleur Kachoudas, un arménien timide et effacé, qui plus que tout veut la tranquillité. Or, Kachoudas, sait que son voisin est l'assassin, Labbé ne l'ignore pas et, joue au chat et à la souris avec le petit tailleur…



Si vous n'avez pas vu l'excellente adaptation de Claude Chabrol avec Serrault et Aznavour (film que je vous recommande chaudement) vous ne connaissez pas tous les tenants et aboutissants du roman, ni son dénouement, je n'en dévoilerai pas davantage.



Sachez que ce roman "américain" de Simenon (il fut écrit en Arizona en 1948) est une vraie réussite, avec des personnages, Labbé en tête, forts et très bien dépeints.



Une lecture hautement recommandable !
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La Mort de Belle

Plonge jusqu'au cou dans une lecture absorvante mais epineuse, j'aime m'en detacher par moments pour quelque chose de plus aise. Simenon a ete souvent mon choix et cette fois-ci ce sera La mort de Belle.



Dans une petite ville des environs de New York, un prof de lycee est soupconne du meurtre d'une jeune fille, la fille d'une ancienne amie de sa femme, qu'il hebergeait chez lui. Tres vite il est clair qu'il n'est pas coupable, mais il se sent humilie par les interrogatoires policiers qui ne cessent pas, il ne sait comment faire face aux reactions de son entourage, toute la ville semble l'exclure, le mettre au pilori avant toute preuve, avant tout jugement. Il se laisse aller a une attitude de bravade, faisant expres de changer ses habitudes, ce qui l'amenera en fin de compte a commettre un crime, pratiquement identique a celui dont on le soupconne. En une soiree fatale, il se met a boire plus que de raison, dans des bars interlopes qu'il n'avait jamais frequente jusqu'alors, il flirte (pour la premiere fois de sa vie?) avec une parfaite inconnue, mais quand, passant a l'acte (dans la voiture, comme ses eleves, et ca aussi est une premiere pour lui), celle-ci se moque de lui ( de son impuissance momentanee) , il l'etrangle.



Simenon aime traiter du bouleversement, de la cassure d'une existence rangee, grise et ennuyeuse. Comme s'il voulait nous dire que tout ce que nous croyons assure et perenne ne tient qu'a un fil. Sa force est dans la description psychologique de la transformation de ses personnages. Ici comme dans d'autres romans Simenon a le chic pour transmettre les pensees de son personnage, le changement lent qui s'opere en lui sans qu'il en soit completement conscient.



On retrouve aussi l'athmosphere lourde, opaque, de beaucoup de ses romans. Mais je le prefere quand il place ses intrigues en France ou en Belgique. Il est plus a l'aise dans ses canaux, ses quais, ses brumeuses rives du Nord ou le Paris de Maigret. La bourgade americaine est un peu begayee. La mort de Belle est une lecture agreable, classee nonobstant par moi Simenon deuxieme choix.

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Lettre à mon juge

J’étais toute contente de lire un Simenon. D’autant plus contente que ce n’était pas vraiment un policier, malgré le suspense sous-jacent que l’on ressent à vouloir connaître le fin mot de toute l’histoire. Et ça commençait bien : Un homme a visiblement commis un crime assez grave pour être passé devant un juge d’instruction puis avoir été jugé au cours d’un procès. Cet homme étant médecin (destiné à sauver des vies), on se demande quel concours de circonstance a bien pu l’amener là : un cas de conscience médical ? Une erreur ? Etc… On est donc suspendu au texte qui nous apportera la réponse. Il semble avoir perdu ce procès puisque c’est de la prison qu’il décide d’écrire à son juge d’instruction, pour lui révéler tout ce qu’il n’a pas su lui expliquer en audience ; « son » juge d’instruction, le seul personnage avec qui il a senti une connivence, comme si ce juge-là, qui s’occupait de son dossier, aurait pu le comprendre.

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Eh bien laissez-moi vous dire que, si c’est vraiment le cas, ce n’est pas rassurant ! Le roman entier est cette lettre écrite à « son » juge. Ce faisant, l’auteur donne un ton intimiste au récit, propice aux confidences, à la révélation de secrets, l’ambiance est bien posée : l’arrivée dans la vie adulte de ce jeune médecin de campagne, marié un peu par opportunité, qui a des enfants un peu par hasard et sa mère encore à charge. Une vie bien rangée mais sans amour, à part les tromperies par-ci par-là dont il parle comme si c’était normal - un homme des années 50’s, dira-t-on pour se rassurer. Ou juste un homme déviant. Seulement les confidences épistolaires deviennent plus profondes au fil du texte et nous amènent à farfouiller d’un peu trop près dans l’âme de cet homme, qui finira par connaître ce qu’il appelle l’amour. Fou.

.

Et en effet, le texte est tellement bien construit que, non-seulement il nous tient en haleine jusqu’au bout mais, en plus, on en vient à « comprendre » la « logique » complètement timbrée qui a amené au résultat final. De ces points de vue-là, ce roman est parfaitement conçu et écrit, rien à dire.

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Mais quand je mets des guillemets partout, c’est qu’il y a un lézard. Et pour moi, c’est le thème : le crime et la personnalité du narrateur. Je ne lis jamais de roman sur ce thème parce que je sais que je les déteste. Mais là, pour conserver le suspense, le thème n’était pas clairement explicité. Pour éviter des déconvenues aux gens comme moi, je l’écris en masqué comme ça vous ne lisez que si vous le voulez : Bref. La dernière partie m’a été insupportable à lire, et d’autant plus insupportable que ce malade s’explique pour qu’on le comprenne, en osant justifier ce qu’il fait par une cause noble : !

.

Voilà voilà, pour résumer c’est pas mal fait mais le personnage m’est tellement détestable que j’ai lu vite-fait la dernière partie et je vais refiler ce bouquin à une boîte à livres. Maintenant comment noter… 4 pour le texte qui tient en haleine par sa construction, mais 2 pour le plaisir de lecture passé la première moitié plus neutre, tellement la fin m’a énervée ; Quant à savoir si l’effet est réussi tout dépend de l’intention de l’auteur : Si c’était de nous mettre au plus proche de son personnage pour nous amener à ressentir de l’empathie pour lui, c’est loupé : Expliquer sa « logique » ne le rend que plus givré et effrayant. S’il est vraiment en accord avec les pensées de son personnage, c’est encore pire. S’il ne l’est pas, comment a-t-il pu écrire aussi intimement sur ce personnage ? C’est un mystère pour moi, ça a dû être insupportable de se mettre dans la peau de ce personnage (enfin j’espère). Mais si, par ce roman, il entendait plutôt, au contraire, dénoncer un type de comportement que, d’ailleurs, nous continuons de supporter de nos jours, alors là c’est parfaitement réussi. Il reste la possibilité qu’il ait juste choisi ce thème au hasard pour créer une histoire à suspense, et que ça vous plaise car c’est sûrement habilement réalisé : à la fin, la boucle est bouclée, nous avons bien l’explication née de ce cerveau malade. Allez, je mets 3 et on en termine là, mais n’en parlons plus. Simenon, c’est fait. Laissons-là son petit côté désuet qui a fini par bien me saouler. Auteur suivant !
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Les Gens d'en face

Les hasards de la lecture. Ce livre me ramene inopinement a Batum sur la mer Noire, que je viens de visiter dans La madone des sleepings. Et il surencherit dans la critique du regime sovietique de l'epoque. Ecrit en 1933, il decrit un regime oppressant, ou les gens ont peur de parler, et en plus incompetent, inapte a nourrir sa population. Mais la s'arretent les similitudes, Simenon nous servant (comme a son habitude) un recit aux teintes grises noires, excellant (comme a son habitude) a sonder la psychologie du principal personnage, qui passe de l'etonnement a l'incomprehension, au stress, a l’apprehension, a la peur pure et simple. C'est suffoquant, anxiogene.



Un nouveau consul de Turquie arrive a Batum. Il se sent isole, il n'arrive a rien faire, aucune de ses demarches n'aboutit, il se sent epie, surveille, il commence a croire que son predecesseur a ete empoisonne, il a peur de subir le meme sort. Il essaye de tirer les vers du nez a la secretaire qu'on lui a adjuge d'office, la force a partager son lit et finit par en tomber amoureux. En cette Georgie sovietique c'est un amour impossible, dangereux. Il prepare donc leur fuite. Mais pourra-t-il reussir quand chaque voisin, chaque passant, peut etre un policier, un agent de la Guepeou ou simplement un mouchard, quelqu'un qui devient informateur pour pouvoir vivre?



Par une demarche un peu lente, pas a pas, Simenon genere une atmosphere pesante, qui trouble et finit par angoisser le consul, l'atmosphere asphyxiante d'une ville ou chacun se garde de son prochain, ou chacun cache ses sentiments et ses pensees et repond a tout – meme a l'amour – par des automatismes appris et interiorises de force. Le systeme social, policier, controle les gestes, les paroles et peut-etre meme les pensees. Il faut se taire ou reciter une lecon si on veut vivre, si on veut manger ne serait-ce qu'une ration de pain noir. Et Simenon de souligner en passant les consequences tangentes du systeme, le marche noir, et surtout la prostitution, endemique, pour un bout de savon ou une boite de sardines.



Le consul perd peu a peu tout repere. De plus en plus nevrose, ses nerfs lacheront-ils? En le suivant, moi je n'ai pu lacher ce livre, un livre ou tout est gris et tous les gris tendent vers le noir. Une grande reussite de Simenon, ou il campe et analyse une sorte de descente aux enfers, dans un environnement qu'il depeint carrement comme un enfer.

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Le train

Simenon aime les gens simples, les “monsieur tout-le-monde". Il aime les decrire quand le destin leur joue des tours, ou leur propose une aubaine (des fois c'est une et meme chose). Quand ils ne savent comment agir ou qu'ils agissent contrairement a leurs vieilles habitudes. Sans s'en rendre vraiment compte ou au contraire repondant a un besoin momentane de revolte.



Pour Marcel Feron, la guerre et l'exode oblige de son petit bled en Meuse vers le sud, vers l'inconnu, sont l'occasion d’oublier – momentanement? – la calme routine de sa vie. Une routine voulue, apaisante, mais insipide. Il sent que ce chamboulement lui est specialement adresse: “c'etait une affaire personnelle entre le destin et moi”.



Dans le train qui les mene vers le sud il est rapidement separe de sa femme et de sa fille. Il se retrouve dans un wagon surpeuple ou toute ancienne regle de conduite devient vite desuete, ou toute honte s'efface. Quelques gestes de solidarite qu’il entame envers une inconnue reservee deviennent en quelques jours une addiction. Ils se collent, ils se soudent, ils s'agglomerent. Amour? Pas vraiment. Aucune transgression non plus, dans ce train cette notion n'est pas de mise. Une aventure existentielle que le destin qu'il invoquait lui a concocte. Une experience nouvelle, differente de tout ce qu'il a connu et vecu. Va-t-elle tout chambarder? Une fois arrives a La Rochelle, il cherche et retrouve sa famille et un adieu un peu sec clot ce qui a ete un interlude, hors du temps, ne pouvant engager un quelconque avenir.



Il revient bientot dans son village, a son metier, a ses habitudes. Quand, une nuit, l'inconnue reapparait pour lui demander aide, il ne pourra, il ne voudra pas y repondre. Lachete? Presque pas. Il n'est pas fait pour se lancer dans les aleas de l'inconnu. Il ne peut engager ses petits achevements, surement pas sacrifier sa famille. Ce qu'il a vecu dans le train lui est cher, mais c'etait un entracte, que la guerre a permis. La guerre est un seisme qui perturbe tout, qui altere tout. Mais toute guerre a une fin.



Ce livre me rappelle La fuite de monsieur Monde, du meme auteur. Mr Monde avait voulu sa fuite, l'avait organisee, alors qu'ici le heros est traine par les circonstances. Mais dans les deux cas la fuite est temporaire, comblante en elle-meme, fructueuse car elle permet de revenir, tranquille, a ce qu'on a fui.



J'ai deja lu de meilleures relations de l'exode de 1940. Celle-ci est centree sur l'etrange sensation de liberte qu'il a pu provoquer chez certains fuyards. Et Simenon excelle a sonder les pensees et les reactions de ses congeneres en situations extremes. C'est toujours passionnant (pour finir avec un mot adapte a la trame).

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Le chien jaune

Lecture faite pour le collège, Le Chien Jaune n'éveille en moi que de bons et beaux souvenirs. Sixième aventure de Maigret écrite par Georges Simenon, elle permet une introduction simple et rapide dans l'univers du célèbre commissaire porté de très nombreuses fois à la télévision.



Tout d'abord, Le Chien Jaune est évidemment un polar local comme le savait si bien en écrire Georges Simenon. Ici, c'est Concarneau, la ville fortifiée, qui est mise en valeur : des petites rues aux quais, nous suivons le commissaire Maigret à la découverte de cette ville embrumée par son climat, mais riche d'une atmosphère particulière. Pour revenir au titre-même de ce roman, Le Chien Jaune, c'est aussi et d'abord un témoin particulier des scènes de crime : Maigret doit déjà aiguiser ses talents d'ami des animaux pour dénouer les ficelles de cette affaire. Maigret, d'ailleurs, LE personnage parfait du commissaire bourru, justicier solitaire, qui ne fait appel aux renforts que pour constater sa réussite, figure maintes fois réutilisées depuis : Georges Simenon magnifie son héros par sa simplicité, son esprit et son charisme. Enfin, comme c'est du Georges Simenon, cela se lit avec une relative facilité, tout en y incorporant des procédés stylistiques bienvenus pour rendre notre chère langue française encore plus belle.



Bref, Le Chien Jaune, un roman policier rapide comme tout, qui se fait plutôt illustrateur sous certains côtés, mais vu comment Georges Simenon écrivait vite en ce temps-là (1931), rien de grave là-dedans : une très bonne enquête qui laisse de bons souvenirs finalement.
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Les Soeurs Lacroix

En ces jours de fortes chaleurs ce Simenon aura reussi a me faire givrer.

C'est un huis-clos sans l'etre. Une maison, une famille. Une famille pour laquelle l'enfer ce n'est pas les autres mais eux-memes. Chacun d'eux est un enfer pour tous les autres, chacun d'eux est un enfer pour soi-meme. Leur cohabitation est un enfer. Leur “convivencia" une haine meticuleusement alimentee, specialement par deux d'entre eux, deux soeurs, les soeurs Lacroix, qui trainent d'anciennes animosites, d'anciennes rancoeurs, inextinguibles, incorruptibles, mais qui justement corrompent tout. Elles ont mis en place un regime absolutiste de haine, base sur des silences, gere par des non-dits, et Simenon excelle a faire parler ces silences, laissant les regards, les gestes, les attitudes, exprimer la pression qui monte dans cette cocotte-minute. Une pression mortifere, et cet adjectif fait deja office de spoiler, sans que j'aie besoin de rajouter des details. Une pression qui fait fuir ou disparaitre ceux qui vivent la haine des soeurs. Leur fuite, leur disparition, leur lugubre disparition est leur reponse a la haine, leur haineuse reponse, leur ultime vengeance. Et comment vivront les soeurs apres la fuite et la disparition de leur entourage? La reponse est dans la phrase qui clot ce livre: “Et la haine devenait d'autant plus épaisse, d'autant plus dense, d'autant plus lourde, d'autant meilleure que l'espace était plus restreint”.



C'est un livre a l'atmosphere oppressante, irrespirable, que j'ai pourtant apprecie enormement. Simenon a ecrit la un des grands chapitres de sa Comedie Humaine. Vous trouvez que c'est exagere de le comparer a Balzac? Moi je crois qu'il est le plus balzacien des ecrivains francais du XXe siecle, par sa fecondite, sa profonde analyse de personnages, de moeurs, sa lucide representation des ambiances sociales. Tout en reussissant a rester populaire. Rendons a Simenon la place qu'il merite en tant qu'ecrivain, meme si comme personne il etait raciste, antisemite, misogyne. Balzac etait-il un saint?

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Tante Jeanne

J'ai lu ce roman de Georges Simenon pour la première fois en juin 1974, il y a presque un demi-siècle. C'est un article de Raphaël Duboisdenghien dans la revue "Traces" des Presses universitaires de Liège en date du 21 mai dernier qui m'a incité à le relire.

Il y est question de "l'épreuve de la honte" dans l'oeuvre de Simenon, un mot récurrent dans "Tante Jeanne" paru initialement en 1951.



C'est par un temps de canicule que Jeanne Lauer, née Martineau, 57 ans, rentre à son lieu de naissance et d'adolescence près de Poitiers, au bout de 36 ans d'absence passés en Amérique latine, le Caire et Istanbul.



Elle est veuve depuis 15 ans et "fatiguée à mourir". Jeanne a, par ailleurs honte de son retour et s'installe à l'Hôtel de l'Anneau d'Or.



Le lendemain matin, elle se rend à sa maison natale et y découvre que son frère Robert, négociant en vins en gros, vient de se pendre au grenier, laissant un message d'un seul mot : "Pardon".



Dans le branle-bas qui suit, sa belle-soeur Louise l'accuse d'être responsable de la mort de son mari et de spéculer sur son héritage.



Ne vous attendez pas à l'apparition de Jules Maigret ou d'un autre commissaire, "Tante Jeanne" n'est nullement une histoire policière, mais une étude impitoyable de moeurs.



La "grosse femme à visage lunaire", qu'est devenue Jeanne, y fera figure de catalyseur d'une famille en pleine déchéance.

En dépit de sa grande fatigue et d'une crise aiguë d'hydropisie qui l'immobilise physiquement, Jeanne réussit en effet à mettre de l'ordre dans la maison, dans les esprits et les âmes des membres de cette famille en débandade, dont elle vient à peine de faire la connaissance.



Comme soulevé dans l'article précité : "Tous les personnages de premier plan sont honteux. Pour des raisons différentes. Et la plupart font honte à d'autres. Sauf tante Jeanne qui rompt la chaîne de la honte. Et ce faisant, échappe elle-même au sentiment qui la poignait."



Je suis content d'avoir relu ce relativement court roman de Georges Simenon, qui par son approche psychologique et son énorme talent de conteur, confirme l'immense succès qu'a connu et connaît toujours son oeuvre riche et variée.

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La neige était sale

Si vous aimez les crapules, les maisons closes dans le contexte de l'Occupation, c'est déjà glauque mais vous serez servis. Si en plus, l'auteur ne vous laisse pas d'échappatoire et vous oblige à suivre les pensées d'un seul personnage abjecte, membre de la pègre et pas attachant pour un sou. Alors cela devient malsain.



Glauque et malsain, de méfaits en méfaits, le récit avance sans que l'on ne trouve une once d'humanité à ce Frank, 18 ans, frimeur, violent, cynique, misogyne et paresseux. Un petit con qui veut prouver qu'il est un homme en assassinant un inconnu.

Simenon malmène son lecteur. J'ai été bien secoué mais j'ai aimé ça, sortir de la zone de confort, goûter à cette littérature noire et puissante par son propos mais surtout si bien écrite.

Il n'est pas impossible que la crapule du début évolue un peu vers une forme de salut. Pas impossible.

Simenon est un très grand écrivain, même sans son "Maigret", qu'on se le dise.

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Le Coup de Lune

Ecrit en 1933, après plusieurs mois passés en Afrique Equatoriale, le « Coup de lune » a pour cadre Libreville.

Simenon rompt avec la littérature coloniale ingénue : à Libreville il y a des insectes, des mouches tsé-tsé, des serpents et des léopards, des maladies tropicales, des « nègres » nus, l’alcoolisme des blancs « qui s’imposaient une vie âpre, parfois périlleuse, pour ce qu’en France on appelle avec emphase la mise en valeur des colonies. »



Un jeune homme, Joseph Timar, pistonné par son oncle, est nommé dans une concession de bois, dans la grande forêt. C’est un ingénu, il ne connait rien de la réalité à laquelle il doit faire face. A son arrivée à l’hôtel Central de la capitale du Gabon, le désenchantement fait suite aux drames. Il est, depuis le premier jour, « désemparé, vexé, triste, vidé, vanné, écoeuré ».

Un meurtre, qui s’ajoute à un autre.

Un mort de paludisme, fièvre dont vient de mourir le mari d’Adèle, la tenancière du Central.

Les avances de la veuve, nue sous une robe en soie noire.

Alors il boit, suivant en cela les coutumes.

Il boit, comme les autres colons, il est terrassé par le paludisme, fièvre alternant des sueurs intenses à un froid brûlant.

Timar a bien sûr cherché le dépaysement, « il l’avait cherché dans le pittoresque, dans le panache des cocotiers, la chanson des mots indigènes, le grouillement des corps noirs ». Or la réalité africaine lui fait toucher du doigt son incapacité à se sentir faisant partie, soit des officiels, qui le reçoivent pourtant bien avec verres de whisky, soit des coupeurs de bois ( le Gabon étant recouvert par une des grandes forêts primaires, où okoumés, ébène et acajou sont coupés , les billes de bois dérivent le long du fleuve jusqu’au port de Libreville, pour être chargés sur des bateaux, direction France. )Il ne se retrouve nulle part.



André Gide qui avait publié son « Voyage au Congo » en 1927 et considérait Simenon comme le plus grand écrivain de l’époque, lui écrira ensuite: « Je viens de relire Le Coup de lune et je puis témoigner en connaissance de cause de la prodigieuse exactitude de toutes vos notations, je reconnais tout, paysages et gens ».

L’exactitude est telle que la tenancière de l’hôtel Central se reconnaît, fait un procès à Simenon pour diffamation, réclame la saisie des livres et le versement de   francs de dommages et intérêts.

Et perd le procès.

Simenon a écrit avec Le coup de lune (ou coup de bambou), un grand roman sur les terres équatoriales, et en particulier, sur cette fièvre ravageuse qui vous abat et vous terrasse, « il avait eu froid comme jamais de sa vie il n’avait imaginé qu’on put avoir froid. Et pourtant, il était trempé des pieds à la tête, il claquait des dents, il criait ! », sur cette ambiance délétère de chaleur angoissante, sur la beauté absolue de la nature, sur les accords entre elle et les rameurs de pirogue. Paysages et gens sont brossés dans leur vérité, au plus près de la réalité gabonaise.

La fièvre aidant, puisque le palu vous met dans un état de semi-coma, Timar se sent partagé de façon aussi ambivalente envers l’Afrique et ses blancs alcolos, qu’envers la veuve / araignée en soie noire, dont finalement il comprend les manigances et les trahisons .

Presque, il va presque comprendre cette terre d’Afrique « qui jusqu’ici n’avait provoqué en lui qu’une exaltation malsaine. »

« L’Afrique, ça n’existe pas » conclut-il. Simenon, lui, aux slogans véhiculés par l’Exposition coloniale : « l’Afrique vous parle » avait répondu « L’Afrique, elle vous dit merde »





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