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Citation de Livretoi


* Casanova dément don Juan comme il dément les traductions ultérieures du séducteur espagnol : le Valmont des Liaisons Dangereuses, le Lovelace de Richardson. Don Juan est espagnol, Casanova italien. Deux mondes. L’un est du xviie siècle, l’autre du xviiiè. Deux autres mondes. Valmont est noble, Casanova ne l’est pas. Encore deux mondes. Casanova, c’est la classe moyenne qui s’affirme. Valmont, la noblesse qui se détruit. L’un commence, l’autre termine. Né trente ans plus tard, Valmont eût fini sur l’échafaud ou grignotant un morceau de pain dans un square de Soho. Casanova au contraire, je le parie, eût fort bien traversé la Révolution. Il eût été fournisseur aux armées, secrétaire de Barras, amant de Mme Tallien, agent de Fouché. Casanova commence par être abbé. Don Juan finit moine. Mais l’un est un abbé qui ne renonce à rien, l’autre un moine qui renonce à tout. Et qui peut y renoncer parce que, en dehors des femmes, il ne tient à rien. Casanova aime la société, le théâtre, le jeu, les bons vins. Il est gourmand, voluptueux. Don Juan au contraire.

* Don Juan, il faut le répéter, ne tient pas beaucoup au plaisir. Certes, comme Casanova, il est un parfait technicien de l’amour. Simple nécessité professionnelle. Le plaisir est l’instrument indispensable. Mais pour Casanova il est aussi le but. La fin et le moyen pour lui se confondent. Il aime le plaisir comme il aime le jeu, la toilette, la table. Il ne saurait s’en passer. Mis en présence de la dévote Mme de Tourvel, Casanova eût sans doute, comme Valmont, entrepris sa conquête. Mais entre temps, pouf tromper sa faim, il eût pris toutes les bonnes pour tromper sa faim, il eût pris toutes les bonnes la vieille tante par-dessus le marché. Valmont, point. Il attend. Seule Mme de Tourvel l’intéresse.

* Aussi don Juan traverse t-il les âges sans que rien en lui ne bouge, impassible, glacé, exemplaire. C’est un esprit fort. Casanova est un esprit faible. Un esprit de second ordre. A lui toutes les indulgences.

* Que la société reconnaisse dans son sein un don Juan, elle le chasse, l’exclut, s’en détourne avec horreur. Lorsque Valmont et Mme de Merteuil sont démasqués, le monde s’écarte, se secoue, frissonne. Un Casanova, au contraire, fait sourire. Nous en connaissons tous. On les plaisanté avec agrément. On se fait un devoir de les présenter aux plus jolies femmes. On leur signale présenter aux plus jolies femmes. On leur signale les femmes de chambre mignonnes. Un Casanova n’est pas un danger public. Au contraire, c’est un plaisir public, à la portée de tout le monde.

* Casanova aime le plaisir par appétit, par excès de vie ; l’autre, parce que, au-delà des soupirs et des plaintes il y trouve, hospitalière, consolante, la mort et son sourire réticent. Don Juan est désespéré. Il vit sur le désespoir. Ce n’est pas qu’il soit morose. Simplement, il n’espère rien. Il y a dans sa victoire quelque chose d’unique, de court qui n’est pas compatible avec le bonheur. Casanova, lui, croit au bonheur. Il l’affirme. Il insiste. Il pratique un optimisme intempérant. Il déteste la mort.
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