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Critiques de Elena Ferrante (2641)
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L'amie prodigieuse, tome 4 : L'enfant perdue

A mon grand désespoir, j'ai achevé ce matin le dernier volume de L'Amie Prodigieuse. En VO, car les deux derniers volumes restent encore à traduire malgré le succès énorme des deux premiers : que font les éditeurs?



Toujours est-il que, VO ou pas, ça y est: je quitte Lila et Lénù, devenues vieilles et nettement moins fusionnelles. Je me sens vraiment orpheline...



Je l'ai bien cherché, d'ailleurs: impossible de lâcher ce livre formidable, qui ferme la boucle sans éclaircir tous les mystères, sans révéler tous les non-dits, sans résoudre toutes les ambiguïtés. Riche, plein, sincère, complexe et débordant de VIES , au pluriel, tant cette saga, si elle met en évidence deux femmes surtout, fait aussi la part belle aux autres personnages, criants de vérité et souvent bouleversants. Oui, le dernier volume est le digne couronnement des trois précédents: l'épisode fondateur des poupées perdues, jetées dans la cave du redoutable Don Achille, le maffieux du coin, par deux petites filles, la blonde Lénù et la brune Lila, fondant ainsi leur amitié et leur complicité, trouve enfin dans ce dernier volume tout son sens, et une sorte de réponse ténébreuse mais ouverte...



Ce volume est sous le signe de la perte- la bambina perduta est son titre italien- Il est donc moins solaire, moins débordant de sève et d'audace que les précédents.



Perte des illusions, d'abord: l'amour de Lenù pour le beau Nino Sarratore s'avère une sérieuse perte de temps et d'énergie pour un personnage de séducteur opportuniste qui aura néanmoins réussi le tour de force d'être le grand amour successif des deux amies, si parfaitement décevant à force d'avoir été fantasmé par l'une et par l'autre.



Perte des convictions ensuite: les "années de plomb" italiennes ont fait autant de ravages dans les consciences que dans les vies humaines. la gauche italienne sort de cette lutte contre fascistes et démocrates chrétiens corrompus, laminée et divisée, culpabilisée par les assassinats et enlèvements politiques des brigades rouges dont elle ne peut plus soutenir les exactions. Les "repentis" dénoncent pour s'en sortir à bon compte, les socialistes reprennent les vieilles pratiques clientélistes des démocrates chrétiens...Qui croire? Qui suivre? L'heure des destins collectifs est révolue: place aux individualismes, plus ou moins inspirés.



Perte des attaches, perte de la conscience de classe : les classes populaires du "rione", ce quartier napolitain gangrené par la maffia locale, incarnée par les frères Solara, ne rêve plus que réussite sociale, professionnelle, mais passer par la case culture et éducation est le privilège de quelques intellectuels, comme Lénù, qui ont su nouer des liens avec la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes- Turin, Milan, Rome- : les autres, comme Lila, se lancent dans la toute nouvelle informatique, ou se résignent à demander l'appui des Solara et à dealer de l'héroïne dans les jardins publics..



Perte des proches : morts violentes, cancers, infarctus, suicides, tout ce petit monde si grouillant de vie s'émiette sous les assauts conjugués du temps, de la malchance, de la violence qui monte..Et par-dessus tout, perte par escamotage, par disparition de ce qu'on a de plus cher, de plus tendrement vivant, de ce qui est promesse d' avenir: un enfant...



Perte des repères : les liens filiaux, conjugaux, amicaux se distendent, se rompent, se brouillent..Lénù perd sa mère, la terrible Immacolata, boîteuse et vindicative, qu'elle avait fuie si jeune, renoue avec elle, et découvre, face à la mort, leur puissant attachement l'une pour l'autre. Les certitudes s'ébranlent: Pietro était un mari maladroit et défaillant, mais c'est un père très honorable, Nino, lui, n'est décidément ni bon père, ni bon compagnon, Enzo le taiseux quand il parle enfin dit des choses puissantes et profondes qui dévoilent sa perspicacité et sa solidarité à l'égard de Lila, mais surtout: qui est l'amie géniale? Lenù, qui écrit, qui réussit, qui voyage, qui assume son indépendance? Ou Lila qui est cette agitatrice d'esprits qui a marqué tout le monde mais ne veut rien pour elle-même, qui révolutionne tout sans bouger d'un pouce de son éternel "rione" ?



Perte de la propriété de l'écriture aussi: qui écrit vraiment le roman que nous lisons? Lénù qui l'imagine tel que Lila l'aurait écrit, qui le signe et en récolte l'amère victoire, payée très cher? ou Lila qui sans doute tente de l'écrire en cachette mais ne pardonne pas à son amie de livrer leur vie en pâture au public en trahissant, par des artifices littéraires, l'exigence de vérité et de sincérité qu'elle met dans tout écrit, elle qui n'a pas dépassé les études primaires?



Livre-somme, puissant et bouleversant, La Bambina Perduta resserre et noue les fils épars dans les autres volumes, mais sans artifice, sans forcer le sens: ce qui est sans réponse, le reste, comme dans la vie, ce qui est béant aussi, comme ce Vasto napolitain, avec son sous-sol truffé de galeries mystérieuses, comme la bouche fumante du Vésuve, toujours prête à vomir flammes et laves, ou dans un "terremoto" effrayant, à ébranler le sol ...et nos certitudes!



J'ai ADORE cette saga, entre récit, autobiographie et essai, et je rêve de la relire très vite, dès que tous les volumes seront traduits en français.



Un très grand moment de lecture, et que, pour ma part, j'aurais encore aimé plus long, tant il regorge de personnages bien campés et de trajectoires attachantes, tant il sait rendre sensible le Temps, dans le microcosme d'un "rione" napolitain, au coeur d'une Italie en pleine mutation politique et économique..
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L'amie prodigieuse, tome 1 : Enfance, adole..

Histoire d'une amitié. Histoire d'une possession et d'une émancipation.



Histoire d'école. Histoire d'une éducation, d'une accession au savoir, histoire d'une libération.



Histoire du passage de l'enfance à l'adolescence féminine. Histoire de deux femmes. Histoire des femmes.



Histoire d'un quartier pauvre de Naples dans les années cinquante. Histoire du mezzo giorno italien pendant les 30 glorieuses. Histoire d'une classe sociale défavorisée aux prises avec le boom économique.



Histoire intime, familiale, sociale, politique.



L'amica geniale, en français: L'amie prodigieuse est tout cela à la fois et bien plus encore!



L'amitié d'abord -et surtout! Elena,dite Lenù, la narratrice, et Lila, son amie, sont indéfectiblement liées depuis leur enfance: leurs peurs, leurs rêves, leurs poupées, leurs coups de folie ou leurs coups bas, elles partagent tout..



Un partage peu paritaire pourtant: Lila, petite maigre, noire, fougueuse, rebelle a sur Elena un ascendant impérial: c'est elle qui est à l'initiative de tout, elle qui incite, qui fomente, qui provoque...Elle fait penser au neveu de Rameau , à ces "originaux" dont Diderot disait : "leur caractère tranche avec celui des autres, et 'ils rompent cette fastidieuse uniformité que notre éducation, nos conventions de société, nos bienséances d'usage ont introduite. S'il en paraît un dans une compagnie; c'est un grain de levain qui fermente qui restitue à chacun une portion de son individualité naturelle. Il secoue, il agite; il fait approuver ou blâmer; il fait sortir la vérité; il fait connaître les gens de bien; il démasque les coquins..." Lila, c'est le grain de levain qui fait naître chez la timide Elena sa propre individualité. Elles sont toutes deux en rivalité permanente: comme dans une balançoire à deux places: quand l'une est en haut, l'autre retombe lourdement au sol..jusqu'à la poussée de talons qui la propulse à son tour en position dominante.. Une amitié dévorante aussi, faite de jalousie, de frustration et d'un insatiable désir de possession. Une amitié passionnée, passionnelle même.



L'école joue son rôle dans cette passion-là: Lila est "géniale"- on dirait aujourd'hui surdouée- elle lit, comprend, écrit plus vite et plus brillamment que tous les élèves de la petite école populaire où elle devient une sorte de phénomène. Mais sa famille l'empêche de continuer ses études. Elena, elle -toujours ce jeu de balançoire- monte les échelons, et réussit..talonnée qu'elle est par Lila qui apprend le latin et le grec toute seule en empruntant des livres à la bibliothèque. Sans cet aiguillon qui la stimule Elena n'aurait pas atteint l'aisance qui est la sienne: la voici bientôt au lycée, soutenue et poussée par ses maîtres. Lila, elle, semble avoir abandonné la partie.



C'est que -toujours la balançoire- son corps tout à coup a fait d'elle une liane sinueuse et suggestive. Et soudain les garçons n'ont plus d'yeux que pour elle, éclipsant Elena, trop ronde, pleine d'acné, cachée derrière ses lunettes d'intellectuelle. Mieux vaut être la première ...à Naples que la deuxième à Rome: Lila règne en reine capricieuse sur tous ces petits machos napolitains qui font la roue, comme des paons, autour d'elle, mais elle sait où elle veut aller: en haut.

Les études, c'est trop long, et puis son père, cordonnier et son frère Rino refusent de la voir partir pour d'autres sphères et réclament son aide à l'atelier. Ils auront plus que cela: Lila a d'autres rêves pour eux. Les siens. Une boutique de chaussures sur mesure, dans ce quartier pouilleux de Naples où beaucoup d'enfants n'ont jamais vu la mer, et où personne ne peut se payer un tel luxe. Elle les dessine , ces chaussures de rêve, elle les façonne même en cachette de son père..



Pour donner corps à ce rêve d'ascension sociale par le commerce, il faut un mécène: Lila en trouve un parmi ses nombreux prétendants, il est épicier, ne parle qu'en dialecte, n'a ni le brio ni l’intelligence de Lila mais il a la maturité, le calme et le sens des affaires qui semblent pour elle la voie du salut.



Je ne vous dirai pas quel rôle jouent les chaussures de Lila dans ce récit envoûtant, captivant, magnétique..Comme les poupées des fillettes lâchées dans la cave à charbon du terrible Don Achille, ces chaussures vont faire leur chemin, à travers le dédale des petites rues grouillantes de vie de ce quartier de Naples déshérité, déchiré de querelles et de conflits, et si âprement tendu vers la réussite proposée par la conjoncture, ouverte, d'une économie italienne en plein essor...On est à la fois dans une chronique socio-économique et dans l'univers des contes: l'ogre des contes -Don Achille- , le petit poucet qui cherche sa trace -Lila ou Léna, à tour de rôle- , la bonne fée marraine - Mme Oliviero l'institutrice- ,la sorcière qui louche et qui boîte- la mère d'Elena- , la pantoufle de vair et le prince charmant - deux versions: Stefano, version économique, Nino version intellectuelle...retrouvent ici une vie nouvelle, moderne, parfois virulente..



Les silhouettes de toutes ces familles émaillent le récit: pères laborieux, souvent tyranniques, mères possessives, souvent au foyer, parfois folles d'abandon- la figure pathétique de Melina - filles sous haute surveillance sitôt la puberté annoncée, garçons apprenant très vite leur rôle de petit mâle arrogant ou protecteur.. Et aussi quelques figures atypiques: Donato Sarratore, le cheminot-poète - et aussi prédateur insidieux, Pasquale le maçon communiste, Nino l'intellectuel inaccessible, Antonio le mécanicien courageux, les frères Solara, futurs maffiosi et nouveaux petits chefs du quartier...



Une fresque haute en couleurs qu'on a un mal fou à quitter...heureusement la suite existe...et je vais m'y plonger très vite!!!



Une lecture addictive, presque autant que la belle ville de Naples, ses îles proches, son volcan mythique et menaçant...En lisant, vous aurez des envies de pizza croquante, de fruits gorgés de soleil, de bains dans l'eau bleue...et surtout tellement, tellement envie de croiser Lila, la belle ravageuse, ou Lenù la chroniqueuse impitoyable de cette amitié ..prodigieuse!
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L'amie prodigieuse, tome 1 : Enfance, adole..

Naples, années 50. Lila et Elena habitent dans un quartier pauvre de Naples. Deux gamines qui font connaissance sur les bancs de l'école. Et qui, au fil des jours, vont s'apprivoiser. Naîtra ainsi une amitié passionnelle au cœur de laquelle s'entremêlent à la fois jalousie, envie, compétition et admiration. Tandis que Lila est petite, menue, déterminée, fascinante, fougueuse, intelligente, parfois méchante, Elena, elle, est calme et posée. Deux parcours de vie en apparente opposition...



Premier tome d'une tétralogie, "L'amie prodigieuse" nous plonge en plein dans l'Italie, plus précisément à Naples, au cours des années 50 et 60. L'on fait connaissance avec Elena et Lila, deux gamines aussi différentes que complémentaires et l'on suit leur parcours, depuis l'école primaire jusqu'à l'adolescence. Elena Ferrante, dont l'identité reste visiblement un mystère, nous décrit avec moult détails le quotidien de ces deux héroïnes, à la fois proches et rivales. Chacune se battra pour se faire une place dans une société italienne en plein boom. Autour d'elles, un mari jaloux, des frères mafieux, des amis dévoués... En toile de fond, un parti communiste en plein essor, la Camorra... Un roman d'apprentissage riche et passionnant de bout en bout qui traite aussi bien de l'amour, de l'amitié, de la condition des femmes, de l'ascension sociale, de l'âpreté de la vie... Des portraits touchants et terriblement attachants portés par une écriture vivante et étoffée.
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L'amie prodigieuse, tome 1 : Enfance, adole..

C'est avec les yeux et la voix de "Lenù" qu' Elena Ferrante nous dresse le portrait saisissant d'habitants d'un quartier populaire napolitain des années cinquante. La misère, les haines ancestrales crées une tension exacerbée par la présence "Camorriste". C'est à croire qu'ils ont emprunté le caractère de leur voisin, le Vésuve. C'est ici que sont nées Lenuccia Greco et Lina Cerullo dont l'amitié est le fil conducteur de l'ouvrage. Je me suis laissé "bercer" par cette écriture et par l'histoire de ces deux gamines. Ecris sans lourdeur, avec précision, il dévoile un véritable talent d'écrivain, capable de nous faire oublier l'ici et maintenant et de nous transporter la-bas et hier.

Il fait partie des livres qui dès qu'on le pose quelque part, vous manque déjà.
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L'amie prodigieuse, tome 1 : Enfance, adole..

Quel bonheur que cette plongée au coeur de l’Italie du Sud des années cinquante!



La parole est donnée à Elena, que l’on avertit de la disparition de son amie, Lila,âgée de 66 ans. Une facétie de plus, une de trop de la part de cette rebelle de naissance. C’est pour cette raison qu’Elena décide de cocher sur le papier l’histoire de cette amitié étrange.



Naples, en plein milieu du vingtième siècle est une ville de violence. Celle des enfants entre eux, des parents envers les enfants, des adultes : personne n’y échappe. Violence verbale, coups de poings faciles, meurtres… La mort est un aléa, qu’elle soit naturelle ou accidentelle :



« Notre monde était ainsi, plein de mots qui tuaient : le croup, le tétanos, le typhus pétéchial, la gaz, la guerre, la toupie, les décombres, le travail, le bombardement, la bombe, la tuberculose, la suppuration ».



Le destin eut été écrit pour ces enfants, si leur institutrice n’avait pas repéré les qualités exceptionnelles des deux petites, celles de Lila Cerullo surtout :



« -Qui t’as appris à lire et à écrire, Cerullo?- Cerullo, menue, les cheveux, les yeux et la blouse tout noirs, un noeud rose autour du cou, et six années de vue seulement, répondit : -moi. »





Lila tire Elena vers le haut dans une concurrence sans merci. L’autorité de l’enseignante n’est pas contestée : elle réussit à obtenir des parents d’Elena que celle-ci poursuive ses études au collège puis au lycée. Lila reste sur le bas-côté et échoue sur le chemin de la promotion sociale. Pas par manque de compétences, loin de là.



Avec l’adolescence, les deux filles s’éloignent l’une de l’autre, même si Lila s’accroche en autodidacte pour acquérir les connaissances auxquelles elle n’a pas accès. La rupture arrive avec les affres des premières amours.



Le caractère hors norme de Lila, la hargne qui anime Elena attirée par cette fille comme un papillon vers la lumière, et le contraste entre le conformisme du milieu populaire peu enclin au changement créent une fascination irrésistible pour le lecteur.



Quelle chance d’avoir laissé passer le temps depuis la parution première de ce tome de ce qui s’annonce être une saga : point n’est besoin d’attendre la sortie et la traduction de la suite des aventures des deux napolitaines, tout est là à portée de mains.





Le mystère autour de l’auteur (des auteurs?) qui n’a jamais accordé un interview contribue au succès éditorial, mais la lecture du récit évacue le doute : quel que soit l’écrivain qui se cache derrière ce pseudo, le talent est là, relayé par une traduction qui se fait oublier.
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La Vie mensongère des adultes

Une phrase, une seule petite phrase, échangée entre ses parents et surprise par elle, une petite phrase anodine et pourtant assassine-    et toute la vie d'une adolescente bascule dans l'intranquillité.



Giovanna,  bonne élève, enfant unique choyée par des parents cultivés et attentifs, perçoit dans la phrase,  dite par son père qu'elle chérit plus que tout,  un désaveu, un détachement, presque un dégoût : son visage serait en train de ressembler à celui d'une tante, Vittoria, soeur de son père. Mais une soeur honnie, bannie, que Giovanna n'a jamais rencontrée.



 Elle se sent désavouée, rejetée, dépréciée.



LAIDE  en un mot -  à  l'âge où la beauté physique compte plus que tout..



Son travail en classe se dégrade, ses relations confiantes avec ses parents se tendent: rien ne va plus.



Il faut qu'elle rencontre cette tante dont elle porte le visage (et la malédiction peut-être) pour comprendre qui elle va devenir, qui elle est peut-être déjà .



La rencontre est littéralement explosive: en faisant connaissance avec  la tante Vittoria, Giovanna  découvre la part populaire de sa famille napolitaine  jusqu'alors ignorée, et surtout une histoire familiale houleuse, conflictuelle, bien moins lisse qu'elle ne pensait.



Comme une fée mauvaise,  penchée sur son berceau, sa tante lui aurait donné,  à  sa naissance, un bracelet de valeur "pour quand elle serait grande". Giovanna ne l'a jamais reçu.



Comme un mauvais génie, la tante Vittoria lui  conseille alors d'ouvrir les yeux, de chercher,  derrière la fable d'une enfance placide et ronronnante, les "terribles pépins de la réalité".  Le premier sera la réapparition inattendue, scandaleuse, du bracelet qui va précipiter tout le petit monde bien ordonné de Giovanna dans le chaos.



J'ai l'air de raconter un conte de fées pour enfant pas sage, alors que le roman de Ferrante est, comme toujours, d'une puissante vérité sociologique, empreint de réalisme et d'une analyse psychologique aussi impitoyable et fouillée que convaincante. Jamais l'auteure (dont j'ai lu tous les livres) n'a fait preuve comme ici d'un tel pouvoir de dissection sur un sujet aussi circonscrit et pourtant insondable: le passage de l'adolescence à l'âge adulte d'une " jeune fille rangée" de la moyenne  bourgeoisie  napolitaine.



Et pourtant ,  de la phrase du père qui assigne l'adolescente à la laideur à celle de l'être aimé qui l'élève et lui rend , littéralement, grâce,  la construction du récit ,  d'une rigueur extraordinaire, possède l' architecture parfaite du conte initiatique où un élément perturbateur précipite le héros ou, ici,  l'héroïne dans une quête qui ne prendra fin qu'au retour d'une situation finale qui retrouve la stabilité et l'équilibre de la situation initiale, mais dans une configuration  nouvelle, modifiée:  un bonheur conquis et non acquis.



Tout relève du conte :

- la fée / sorcière, marraine ou tante, bénéfique, pour avoir fait voler en éclats les faux semblants, maléfique, pour avoir précipité sa jeune protégée dans le monde dangereux, la Vie mensongère des adultes;

-l'objet magique, ici, le bracelet, talisman ou porte-malheur, qui court de poignet en poignet,  de trahison en trahison, révélant l'indicible, l'enfoui, le transgressif- objet de séduction, de convoitise, ou de torture.



Sans oublier le Prince charmant, la Marâtre, et les demi-Soeurs : tout y est, si on s'amuse à retrouver ces structures et fonctions rituelles du conte dans le roman de Ferrante.



 Et pourtant rien, jamais, n'est attendu, ni prévisible.



 La fin, dans sa tranquille crudité,  est une véritable claque. Et c'est pourtant la seule fin qui puisse rendre l'héroïne à elle- même et l'affranchir de toutes les influences qui n'ont que trop marqué son enfance ou  pesé sur son affranchissement même.



Giovanna n'a que seize ans quand s'achève le récit,  mais elle a su déjouer tous les pièges y compris les plus dangereux, celui  du sentiment amoureux -assujetissement à une admiration mêlée de  désir-  et , à l'opposé,  celui de l'avilissement dans une sexualité subie , vulgaire et humiliante.



Elle est vraiment libre, vraiment forte, vraiment seule aussi. Et le bracelet redevient un simple bijou.



J'ai particulièrement aimé ce nouveau Ferrante, lu en V.O..



Moins récréatif, moins épique, que l'Amie prodigieuse, il a la même  capacité à regarder le monde en face, à sentir ce qui définit le goût, le mode de vie et de pensée d'un milieu ou d'une classe sociale, mais sans se déployer comme une fresque  ou une chronique tumultueuse.



Ferrante resserre son objectif, réduit au minimum le nombre des personnages, établit une topologie presque symbolique:  Naples- le -haut et Naples -le-bas et, au loin,  Milan la ville-phare, le rêve inaccessible d'émancipation.



Ferrante cible étroitement son sujet, avec cette clairvoyance, cette âpreté stylistique qui la caractérisent, et elle retrouve le talent qu'elle avait mis dans d'autres récits moins connus et spectaculaires, La Plage dans la nuit , un livre pour enfant, où elle met des mots très crus et forts sur le fantasme d'abandon , ou Poupée volée , où elle décrit le moment de folie  d'une mère de famille en vacances,  avec une acuité que je n'avais jamais lue.



Décidément, Elena Ferrante est un grand écrivain, qui sait se renouveler sans se déprendre de ce qui fait sa marque, et, pour moi,   une des plus grandes et des plus justes voix parlant sans mièvrerie  et sans   apriori de la femme dans tous ses états.



Ps: les citations que j'ai choisies ont été traduites ..par moi! Je n'avais pas le texte français. Qu'on me pardonne mes maladresses...

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L'amie prodigieuse, tome 2 : Le nouveau nom

Lila-Lenù, deuxième manche! A ma droite Lila, la casse-couilles flamboyante; à ma gauche, Lenù, l'intellectuelle cauteleuse... arbitrage difficile et combat acharné..



Je ne vous parlerai plus de balançoire, comme dans le tome 1..mais d'une lutte âpre pour vivre- ou survivre- pour arriver- ou pour exister.



Ni sans toi, ni avec toi semble être la devise des deux lutteuses...



J'ai dévoré d'une traite le tome 2 de l'Amie prodigieuse!, fraîchement paru en français.



Pas déçue du match, et même un peu sonnée..

.

Voici nos deux amies aux prises avec la vie d'adulte: le mariage, l'amour, les enfants, la réussite sociale, l'accomplissement personnel...



Dit comme cela , cela paraît d'un convenu accablant et le pire des romans à l'eau de rose pourrait entrer dans ce schéma...



Ce serait mal connaître Elena Ferrante: elle déchaîne une tornade de sentiments, d'injures, de cris, de coups qui se mêle incongrûment à une analyse raffinée, distanciée- parfois complètement tordue- des êtres et de leurs motivations secrètes. Elle braque un regard de plus en plus décapant sur la société italienne des années soixante qui paraissaient si prometteuses de lendemains qui chantent..-et spécifiquement sur les femmes des classes populaires napolitaines, pauvres et débordantes d'énergie, prises entre les mirages du mariage et ceux de l'émancipation culturelle.



Tout démarre en fanfare!



Argent, confort, commerce florissant :le mariage de Lila avec Stefano l'épicier semble la couronner reine du quartier tandis que Lenù, pauvre, besogneuse, appliquée à ses études, trime dans l'ombre. Mais ne dit-on pas: la mariée est trop belle?



Une parenthèse enchantée- des vacances "de luxe" à Ischia, au bord de la mer- jette soudain la lumière crue du soleil d'été sur cette mascarade.



Tout vole en éclats. Tout se détériore: la vie de l'une, celle de l'autre et même celle de tous les très jeunes couples qui les entourent..



Lila la belle, l'insolente fait l'épreuve de la passion, de l'abandon, de l'humiliation, de la chute mais sans jamais se départir de sa morgue flamboyante.

Lenù, la moche, la boutonneuse, la miséreuse, réussit à sortir de l'ombre, à séduire,à conquérir la reconnaissance sociale mais sans jamais se départir d'un sentiment d'illégitimité qui mine même ses plus grandes réussites.



Lenù c'est Pinocchio: elle n'est que la marionnette de la Fée Bleue - c'est , étonnamment , le nom du petit conte que Lila, enfant, avait écrit et illustré avec l'imagination et le talent de la petite fille surdouée qu'elle était.



Comme Pinocchio essaie de devenir un vrai petit garçon de chair et d'os, Lenù essaie de devenir une vraie petite intellectuelle à la culture solide. Elle s'évertue louablement, toute tendue vers son idéal: intégrer cette bourgeoisie cultivée des grandes villes, cette classe dominante biberonnée à la culture et qui n'a pas à faire le moindre effort pour être crédible.



Mais tous ses efforts, c'est à un sort magique jeté par la Fée Bleue, dans sa petite enfance, qu'elle les doit. C'est Lila , même déchue, même avilie, même malheureuse qui a jeté en elle cette énergie, c'est d'elle qu'elle la détient, c'est elle qui à tout moment de sa vie, elle le sait pour l'avoir vécu plus d'une fois, peut tout lui reprendre...d'un coup de dés ou d'un coup de gueule..



Le génie de Ferrante, c'est de lier indissolublement le destin de ces deux jeunes femmes que tout oppose pourtant.



Même l'écriture du roman semble tirer sa substance de leur lutte fratricide et de leur amitié indéfectible: quand elles sont trop éloignées l'une de l'autre, les péripéties romanesques deviennent mécaniques, répétitives ou sans grand intérêt.



Même phénomène pour les personnages: si les hommes ont plus de relief, d'individualité, bizarrement, les autres figures féminines -Carmen, Pinuccia, Ada,Marisa, Gigliola... - perdent leurs contours et paraissent un peu interchangeables , devant ces deux dévoreuses d'identité, Lila et Lenù.



La fougue d'Elena Ferrante passe aussi dans son art des ruptures: comme le tome 1, qui s'arrêtait sur l'entrée provocante, au mariage de Lila, des deux frères Solara, les maffieux du quartier, le tome 2 lui aussi s'achève sur une rencontre inattendue et éprouvante...de quoi mettre nos nerfs à rude épreuve car les tomes 3 et 4 ne sont pas encore traduits en français!



Je crois que je vais risquer la VO, ce sera trop long d'attendre la suite de ce thriller féministe et trop frustrant de quitter des yeux cette chronique haute en couleurs!
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L'amie prodigieuse, tome 2 : Le nouveau nom

Acquis et entamé sans délais après avoir été séduite par l’excellent récit de l’enfance de ces deux petite napolitaines, unies par une amitié sulfureuse, faite d’admiration et de cruauté, de bienveillance et de rancoeur, dans un milieu brut de décoffrage, à Naples dans les années 50.



Le chemin des deux jeunes filles bifurque, Lila travaille dans l’échoppe de son père, tandis qu’Eléna poursuit ses études. L’enjeu est important pour la collégienne, qui avance sur une corde de funambule toujours plus à distance de ses racines (il y a d’ailleurs clairement une Annie Ernaux qui sommeille en Elena, qui ne trouve plus sa place, ni parmi ses compagnons de bachotage ni dans sa famille).

Les histoires de coeur s’intriquent avec les conflits où l’honneur bafoue la raison : la camorra règne sur le quartier, et les provocations et lutte de pouvoir aboutissent à des unions où l’amour est accessoire. C’est ainsi qu’à seize ans, Lila se marie avec Stéfano, qui fricote avec les mafieux de quartier. Il ne faudra pas plus d’un soir de noce pour que l’union soit vouée à l’échec. La jeune femme semble particulèrement instable, perdue. son intelligence et ses capacités d’écriture sont de vagues souvenirs. Et seule Eléna se rend compte du gâchis.

Elena qui brille par ses aptitudes et qui met un point d’honneur à être la meilleure. Elena qui ne trouve moche, moins intelligente que son amie, mais qui avec obstination franchit les obstacles qui se dressent sur son chemin. L’amour n’est pas au rendez-vous : les flirts se succèdent plus pas convention et désir de conformité que par passion.



La violence est encore là, bien présente au coeur des mots : violence des sentiments, coups faciles (c’est la norme pour les femmes d’être corrigées au gré de l’humeur et de l’alcoolémie de leur conjoint).



Le récit est superbement construit, les événements qui font progresser la narration se succèdent tout en intégrant une fine analyse des sentiments et émotions de la jeune étudiante, lancée dans un courant dont elle ne peut apprécier les fluctuances et les dangers. Les cinq cents et quelques pages défilent sans effort.





Le chemin est encore long pour arriver à la scène qui inaugure la saga, mais augure encore de nombreuses surprises et de longues heures de bonheur à découvrir le parcours des deux femmes





Challenge Pavés 2015-2016


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L'amie prodigieuse, tome 3 : Celle qui fuit..

Personne ne parle d'amitié comme Elena Ferrante.



Personne, comme elle, en trois volumes de plus de 500 pages chacun – le quatrième pour moi reste à découvrir- ne sait en épouser les méandres, en scruter les abysses, en éclairer les ambiguïtés, sans lasser, sans se répéter, sans tricher surtout.



L'amitié de Lila et Lenù, petites gamines du « rione » napolitain - ce « Quartier » populaire de Naples, ce microcosme, ce bouillon de culture, plein de vie, de rivalités, de haine, de violence et de tendresse- cette amitié-là, c'est tout sauf une amitié tranquille, une belle rencontre philosophique à la Montaigne.



« Parce que c'était lui, parce que c'était moi », disait Montaigne de la Boétie, son ami d'élection, et Brassens confrontait à ces « amis de luxe » ses « copains d'abord », des potes à toute épreuve, à la vie à la mort, et tout uniment , tout sincèrement amis. Entre les amis de luxe et les copains de Brassens pourtant, il y a la même clarté. Pas une feuille de papier à cigarettes entre eux. Pas l'ombre d'un doute. Pas la plus petite réserve. Confiance absolue.



L'amitié de Lila et Lénù, c'est un torrent, violent, qui disparaît parfois pour se cacher dans des grottes, on le croit perdu, il réaffleure, bouleverse tout, manque de tout noyer, puis il s'assèche. L'aurait-on rêvé ? A-t-il jamais existé ? Etait-ce un leurre, un fantasme ? Non, le revoilà, presque tranquille, on peut se voir dedans, c'est un miroir…jusqu'à ce que l'image réfléchie, encore une fois, se brouille, toute sombre, pleine de vase, agitée d'herbes enchevêtrées…



Voilà exactement par où passent les sentiments des deux amies – et les nôtres. Jamais de repos, jamais de certitude, si ce n'est celle d'un lien fort, excessif, troublant, parfois porteur, parfois mortifère, toujours en mouvement.



ATTENTION SPOIL [Lila et Lenù sont femmes : Lila a quitté son mari, Stefano, puis son amant, le beau Nino Sarratore sur qui a, depuis toujours, fantasmé Lenù. Son heure de gloire semble passée ; pauvre, amaigrie, agitée d'une étrange fièvre, elle travaille comme ouvrière dans une usine de charcuterie, veillée par Enzo qui la protège des autres et d'elle-même, et l'aide à élever son fils, Gennaro. Tous deux, après le travail d'usine, tentent de se former aux nouvelles machines IBM qu'on dit prometteuses d'avenir.



Lenù qui a choisi la voie studieuse, semble mieux partie : elle a publié un premier livre qui a eu du succès, a brillamment terminé ses études, fait bientôt un mariage bourgeois avec un jeune universitaire promis à un bel avenir, change de famille, de ville, de milieu. ]



Storia di chi fugge e di chi resta. Histoire de celle qui fuit, et de celle qui reste.



Mais là aussi, comme en amitié, rien n'est simple, rien n'est figé, tout est précaire.



Surtout quand l'Histoire s'en mêle.



Ce ne sont plus les trente glorieuses, mais les années de plomb : l'Italie rentre dans une sphère d'agitation politique violente. Les forces traditionnelles –le PCI d'un côté et la démocratie chrétienne de l'autre- sont, après trop de collusions et de compromis, fortement remises en question par les extrêmes : Noirs et Rouges s'affrontent dans les rues, aux portes des usines et des universités.



Les fascistes soutenu par la Maffia – la Camorra du « rione » est particulièrement virulente, incarnée dans le livre par le clan tout- puissant des Solara – et les « gauchistes » de Lotta continuà ou des Brigate Rosse auxquels se rallient communistes déçus, comme Pasquale, et intellectuels petits-bourgeois en mal d'action , comme Nadia, sèment le désordre dans les plans de carrière bien huilés, dans les institutions qu'on croyait inébranlables, dans les consciences de classe, dans les rapports entre hommes et femmes… et sèment aussi leurs morts.



Le « rione » n'est pas l'endroit où les règlements de compte sont les moins sanglants. Bruno,le patron d'usine, Gino, le fils du pharmacien, même la vieille reine du clan Solara, tous sont frappés. Pasquale et Nadia ont changé de discours et de méthodes..



Il va sans dire que nos deux amies subissent elles aussi les coups de boutoir de cette espèce de guerre civile : Lina devient une femme de pouvoir- maîtresse d'une science toute neuve qui fera bientôt des ordinateurs les rois de toute gestion industrielle et financière, et reine de coeur du plus redoutable aigrefin du Quartier. Lenù, l'intellectuelle, la prudente, perd peu à peu tout contrôle sur sa vie : ses maternités non désirées, et une passion trop longtemps refoulée qui refait brusquement irruption dans sa vie semblent devoir ébranler l'édifice de sa notabilité familiale et sociale qu'elle croyait stable.



Mais la navette qui tisse un va-et-vient entre ces vies particulières et l'histoire politique et sociale de l'Italie est celle de l'amitié : toujours interrogée, parfois réduite à un simple fil ...de téléphone, parfois transformée en un vrai câble pour sauvetage en pleine tempête - l'amitié tient ensemble en même temps qu'elle découd les pièces de ce puzzle.



C'est une amitié inquiète, qui pose mille questions, joue avec les points de vue, ne donne aucune réponse satisfaisante.



SPOIL BIS [Qui sauve qui? Lenù croit aider Lina mais ne fait-elle pas plutôt étalage d'un entregent social tout neuf, après son « beau mariage" ? Lila est-elle de bon conseil ou jette-t-elle un sort funeste à son amie, la vouant à n' être que son ombre, son éternelle seconde ? Lila est-elle une rebelle sans cause ou une ambitieuse sans scrupule ? Lenù est-elle une douce et sage femme d'intérieur et une intellectuelle d'occasion ? Ou une brillante écrivaine prise au piège des conformismes et du machisme ambiants ? Une fieffée égoïste ou une pionnière de la femme nouvelle ? ]



Ce qui rend ce roman si passionnant – et singulièrement ce troisième volume, lu en VO tant était grande mon impatience et impossible l'attente de sa traduction- c'est justement ce mélange entre saga et essai, entre roman d'initiation et réflexion sur l'amitié, entre l'histoire de deux amies et une étude de femmes : la femme dans le couple, le sexe, la maternité, la vie professionnelle, la vie familiale et sociale..





Sans concession, sans chichis, sans faux-semblants ni effets de style mais avec une rigueur, une intransigeance et une authenticité sidérantes, Elena Ferrante vient encore une fois de porter un grand coup.



Pour moi Ferrante c'est une sorte De Beauvoir pas du tout "rangée", qui aurait oublié qu'elle a été la compagne de Sartre et qu'elle a fait Normale Sup' - et qui, surtout, saurait nous intéresser sans nous ennuyer- pardon, Simone !



Un livre formidable, à lire très vite, dès qu'il sera traduit, bien sûr, ce qui ne saurait tarder. ..mais je vous ai traduit (vaille que vaille) nombre de citations pour vous mettre l'eau à la bouche…

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Les Jours de mon abandon

Ouf! J'abandonne enfin Les jours de mon abandon..



Une lecture marquante, une écriture magistrale- mais une épreuve, une véritable souffrance- physique- jusqu'à la nausée, jusqu'au malaise...



A priori, rien que de très banal: le récit à la première personne d'une "femme rompue", Olga, mère de deux jeunes enfants, quittée, après quinze ans de mariage, par un mari attentionné et brillant qui soudain la rejette pour aller vivre avec une jeune femme de vingt ans. Olga se retrouve à Turin, elle, la méridionale, avec ses deux enfants et Otto, le chien-loup, livrée à sa douleur, à sa colère, à sa folie...



Le récit est tout de suite étrange: l'écriture, soignée, au "passato remoto", avec incises distinguées par leurs inversions du sujet (type "pensai-je, m'aperçus-je") , est comme percutée de l'intérieur par des éclats de folie, de brusques accès d'obscénités, de violentes bouffées d'odeurs , des agressions sonores et verbales.



Le monde d'Olga se fissure comme sa raison: les serrures se rebellent, les fourmis grouillent, les enfants vomissent, les chiens s'empoisonnent, les téléphones se cassent, les amis fuient..



Les comparaisons, les images elles aussi décrochent, et on sent la langue, comme la narratrice, gagnée progressivement par une déréliction inquiétante, dangereuse.



Les objets sont eux aussi détournés de leur fonction: une pince à linge sur un bras, un coupe-papier dans un genou servent -follement- à tenter de reprendre pied dans la réalité, un marteau à appeler au secours, un permis de conduire à assouvir sa frustration sexuelle...



Dans ce huis-clos de folie, les deux enfants errent, pas rassurés, le chien, lui , agonise, et le voisin- mélancolique silhouette à la Giacometti, prolongée par l'ombre de son violoncelle- devient de plus en plus proche, alerté, inquiet..



Nous aussi.



Je ressentais un tel malaise en lisant que j'ai dû m'arrêter plus d'une fois, et faire quelques incursions dépaysantes dans des univers moins entropiques...mais j'y revenais toujours, aimantée par cette écriture étonnante, cette façon si sombrement originale d'entrer à vif dans la douleur d'une femme.



Le récit est très bien composé: lente montée, par paliers, d'une vertigineuse angoisse, qui culmine lors d une nuit caniculaire de ferragosto, interminable et proprement atroce, puis lentement, comme un plongeur remonte des fonds, on décompresse, la normalité reprend ses droits, la rationalité aussi, le chagrin s'apaise, les gens se réhumanisent, les gestes se contrôlent, les objets reprennent leur place sur les étagères...La crise est passée...



Mais on sort proprement essoré de cette expérience : on a le sentiment d'avoir accompli un voyage "fantastique" -au sens que lui donne Todorov- non seulement dans l' âme d'une femme blessée mais aussi dans le quotidien halluciné de son appartement , tout peuplé de ses hantises -ah, cette "poveretta" napolitaine qui revient tel un fantôme, un alter ego..



Quand la vie, comme on dit, reprend ses droits, on se pince, nous aussi, et on se donnerait même une légère estocade de coupe-papier pour s'assurer que le cauchemar est bien fini...

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L'amie prodigieuse, tome 4 : L'enfant perdue

Et voilà ! Je suis arrivé au bout de l'aventure mais bien d'autres l'ont fait avant moi. J'y suis allé pas à pas, progressivement, laissant du temps entre chacun des quatre volumes mais je suis heureux car le régal a été complet, de tout en bout, grâce au talent d'une autrice disant s'appeler Elena Ferrante.



L'amie prodigieuse (Le nouveau nom ; Celle qui fuit et celle qui reste) m'a permis une belle aventure littéraire et c'est le principal.

Le titre du quatrième volume, le plus long, s'intitule L'enfant perdue, ce qui annonce un drame qui va bouleverser la vie des deux amies : Elena Greco (Lenuccia ou Lenù) et Raffaella Cerullo (Lila ou Lina), la première étant la narratrice.

Revoilà Nino Sarratore au centre des deux tiers de ce quatrième volume, ce Nino qui séduit, enchante les femmes, grand amour de Lenù adolescente, amour qui lui a échappé car Lila avait mis le grappin dessus. Hélas, Nino est déjà marié, père de deux enfants, au moins, avec des femmes différentes et, malgré toutes ses contorsions et ses mensonges, ne quitte pas Eleonora, son épouse pour Lenù.

Celle-ci, justement, fait de grands sacrifices et cela devient très orageux avec Pietro, son mari, ainsi qu'avec sa belle-famille. Dede et Elsa, ses filles, profitent puis souffrent de ces déchirements. Si l'action se déplace entre Gênes et Milan, c'est surtout Naples qui est au centre du livre. L'autrice nous en révèle bien des aspects, une évolution dont les trafics sont symbolisés par les frères Solara, trafic qui basculent vite vers la drogue mais, pour cela, il vaut mieux lire Roberto Saviano.

Lenù est écrivaine et nous suivons l'évolution de sa carrière. Elena Ferrante ne cache aucun des problèmes que pose ce métier à une femme, en Italie. le rôle de la presse est bien montré, comme la jalousie qui émerge dans l'entourage, dans le quartier où vit celle qui tente de publier ses livres.

Les drames sont inévitables comme la maladie qui frappe les êtres chers. Enfin, la fameuse disparition des poupées de Lenù et Lila, racontée dans le premier tome, redevient d'actualité, sur la fin.

Avec Nino et Pasquale, la vie politique italienne est bien suivie et cela permet de suivre son évolution permettant de comprendre ce qui se passe actuellement de l'autre côté des Alpes. La corruption discrédite ceux qui avancent les plus belles idées et fait le lit de l'extrême-droite.

Si Lenù quitte Naples en 1995, pour Turin, alors que Lila se passionne pour l'histoire de sa ville et les détails qu'elle livre donnent envie de connaître plus avant cette ville, au pied du Vésuve.

La formidable épopée de L'amie prodigieuse est terminée, épopée à la fois intimiste, populaire, politique, riche d'expériences, de sentiments, d'amour, de haine, de violence mais riche d'une vie pleine, vies de femmes et d'hommes qui se côtoient, s'aiment, se détestent.



Plusieurs questions se posent à la fin de cette histoire. Que reste-t-il d'une vie ? Faut-il écrire ? Si oui, qui lira tout ça ? Je pense que l'essentiel est de vivre, de passer au-dessus des jalousies, des inimitiés pour mettre à profit les années qui nous sont données. le reste…




Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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L'amie prodigieuse, tome 1 : Enfance, adole..

Deux amies, Elena et Lila vivent dans un quartier défavorisé de la ville de Naples, à la fin des années 50 .

Leurs familles sont pauvres, bien qu'elles soient aptes à continuer leurs études, ce n'est pas la voie qui leur est promise......

Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son pére et son frére dans leur échoppe de cordonnier.

En revanche, Elena, soutenue par son institutrice , ira au collége puis au lycée.

Durant cette période, les jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement .

Lila, rebelle, emportée, incroyablement intelligente, secrète, acérée, révèle très peu les souffrances qui l'habitent.Elle fascine et inquiète Elena la narratrice, qui apprend le grec et le latin, se cultive, beaucoup plus calme et consensuelle..

Elles s'entraident , prennent part l'une à l'autre , lisent et rêvent d'écrire un livre à quatre mains pour devenir riches.......

Elles se débattent dans leurs conflits, on ressent leurs tâtonnements , leurs hésitations,.

Leurs chemins parfois se croisent, d'autres fois s'écartent avec pour toile de fond une Naples dure, violente, en ébullition , sombre où la réalité sociale âpre , "la plébe " , les humbles se confrontent et souffrent. Les rues sont sales , poussiéreuses, la campagne défigurée par les nouveaux immeubles et la violence présente dans chaque maison.....



Dans les familles, les uns crient, les autres s'insultent.

Les pères frappent leurs enfants.Les frères cognent pour un regard déplacé.

Les familles Cerullo, Grego, Caracci, Peluso et les autres se côtoient, rivalisent, se craignent, se jalousent, "une crainte - rancune- haine- acquiescement -que les parents manifestent à l'égard des familles qui se transmet aux enfants "

Les garçons peuvent distribuer gifles, coups et menaces en bande et se tabasser à qui mieux mieux........certains friment , paradent au volant de la Millecento.....

Une force et un lien indéfectible unissent Elena et Lila.

Elena Ferrante trace le portrait de ces héroïnes inoubliables tout en acuité,précision, profondeur et force : un portrait lucide,lumineux, tendre et passionné .

Leurs chemins les conduiront après le passage de l'adolescence à l'aube de l'âge adulte non sans ruptures ni réelles souffrances.

Une histoire d'amitié fusionnelle, d'accession au savoir, d'éducation, de libération et de maturation, d'émancipation aussi ..Un roman d'apprentissage et un voyage formidable dans Naples et l'Italie du boom économique.L'histoire sombre et réaliste de la vie des humbles, les violences et les tensions observées minutieusement qui m'ont fait penser au bel ouvrage "D'Acier "de "Sylvia Avallone "lu il y a quelques années , un premier roman .....une réussite en 2011.

Vive les auteurs Italiens !

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L'amie prodigieuse, tome 4 : L'enfant perdue

La saga d'Elena Ferrante a tenu ses promesses jusqu'au bout. Je dirais même que sa qualité s'est améliorée au fil du temps. Après avoir trouvé le premier tome long (à vrai dire, interminable), j'ai apprécié chaque page des trois opus suivants, bluffée par le naturalisme de la mise en scène de la vie d'Elena et Lila et de l'ambiguïté de leurs rapports, fruit de l’ambivalence de leurs sentiments. Et même si je pense qu'il était bien d’arrêter là, c'est un peu triste, comme si je quittais deux amies pour toujours, que j'ai refermé ce dernier tome persuadée de ne pas les oublier avant longtemps.

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Poupée volée

En dehors de la saga L’amie prodigieuse, Elena Ferrante c’est aussi Les jours de mon abandon et Poupée volée. Des romans qui explorent avec finesse les méandres d’une femme à la dérive.



Dans Poupée volée, l’héroïne de ce roman, Leda, professeur d’anglais à l’université est en vacances sur les côtes napolitaines. Sur la plage, elle observe une famille qui doucement va l’obséder de plus en plus. Il y a surtout cette poupée avec laquelle jouent une mère et sa fille. Une poupée qui n’est autre que « le témoin éclatant d’une maternité sereine ». Une poupée que Leda va voler mettant cette famille dans tous ses états.

Que se passe t’il dans la tête de Leda ? Pourquoi une telle obsession sur cette famille ? Pourquoi avoir volé cette poupée ?



Voyage au cœur de la maternité, de la féminité où les flash-back et souvenirs vont affluer comme autant de scènes terribles d’une femme morte à la fibre maternelle, morte à l’amour pour ses deux filles. La poupée est omniprésente comme si Leda voulait à tout prix s’approprier ce lien maternel qu’elle a observé et certainement jalousé. La poupée est sale, dans son ventre, une bile noire visqueuse gronde. Flashback de la maternité de Leda, de ses grossesses.



Un roman introspectif et hautement visuel dont j’ai apprécié autant l’écriture soignée et sensible que l’histoire qui se dessine crescendo dans de sombres réminiscences.
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L'amie prodigieuse, tome 4 : L'enfant perdue

J'ai fini le quatrième tome de cette formidable saga.

J'ai déjà beaucoup écrit à propos des trois premiers livres, je serai brève : j'ai été portée, emportée, intéressée par cette fresque autant sociologique , historique et politique que passionnelle, dévorée en deux jours ........on attend , on s'enthousiasme , on continue , un peu désappointée à la toute fin ....un sentiment d'inachevé nous étreint .......mais ne révélons rien !

Cette amitié fusionnelle , complexe, pétrie d'émotions très fortes entre la brune Lila et la blonde Elena , au cœur de cette société italienne en pleine mutation, attachée à ses traditions , à ses contradictions aussi, déroule les douleurs , les combats, les doutes d'Elena qui cherche sa place, sa vérité, ses amours tumultueuses , ses voyages,ses déceptions , ses tracas, ses difficultés avec ses filles , Lila et Elena , complices , brouillées, éloignées , proches ........

Au cœur de ce bouillonnement , à chaque page , on ressent la force de l'amitié indéfectible qui lie les deux femmes !

Une oeuvre sincére, marquante , intense et convaincante que l'on quitte à regret !
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L'amie prodigieuse, tome 3 : Celle qui fuit..

Fin des années 60. Elena, forte du succès de son livre, écume les librairies et les conférences, le plus souvent épaulée par Adele, la mère de son fiancé et certainement futur mari, Pietro, un homme intelligent, cultivé et bienveillant. Alors qu'un journaliste critique ouvertement son roman, un homme dans l'assemblée se lève et prend la défense d'Elena. La jeune femme est étonnée de se trouver face à Nino, son amour de jeunesse avec qui Lila a eu une liaison. Une rencontre qui bouleversera la jeune femme promise à un avenir bourgeois et réconfortant...

Lila, elle, a quitté Stefano et vit désormais avec son fils, Gennaro, et Enzo. Elle travaille dorénavant à l'usine de salaisons. Mais les conditions de travail sont pénibles, le patron et certains employés ont la main baladeuse. La jeune femme s'intéresse de plus en plus au contexte social...



L'on retrouve avec plaisir Elena et Lila, bientôt la trentaine, dans l'Italie de la fin des années 60. Période ô combien trouble et agitée politiquement et socialement qui subit des attentats, des actions révolutionnaires et féministes. C'est dans ce contexte que les deux femmes, dont l'amitié sera plus que jamais soumise à rudes épreuves, tentent chacune de leur côté de s'en sortir. Elena dans son mariage bourgeois qui ne la satisfait pas complètement, Lila militante pour le droit des femmes et des ouvriers. Dans ce troisième volet, les deux amies ne se voient que sporadiquement et entretiennent des relations à la fois bienfaitrices et destructrices. Une amitié complexe et rare dans laquelle les deux femmes sont tiraillées de part et d'autre. Elena Ferrante décrit avec précision tous ces sentiments (jalousie, amour, amitié, désir, cruauté, vengeance... ) mais aussi avec force cette Italie tourmentée. Une écriture passionnante, dense et authentique. Un roman captivant et fascinant...
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L'amie prodigieuse, tome 2 : Le nouveau nom

Tandis que Lila convole en justes noces avec Stefano, Elena, l'intellectuelle, continue ses études. L'amitié entre ces deux jeunes femmes est mise à rude épreuve d'autant plus que les études d'Elena l'emmènent vers Pise. Lila, quant à elle, trahie par son mari Stefano, déchante bien vite le lendemain des noces. Obligée de se donner à cet homme qu'elle méprise dorénavant. Subissant les coups et la violence. Qu'importe, en épousant ce riche épicier, associé aux mafieux Solara, elle compte plus que jamais profiter de son nouveau statut...



L'on retrouve avec plaisir Elena et Lila, ces deux amies d'enfance à la fois attachantes et agaçantes. Deux amies nées au même moment dans ce quartier pauvre de Naples. Lila, la fonceuse, la brune ténébreuse, arrogante et insolente. Elena, la blonde, calme, angoissée et réfléchie. Une amitié fragile, faite d'amour et de désamour, d'illusions, de rancoeurs, de jalousies mais aussi d'admiration. Elena Ferrante nous offre un deuxième volet tout aussi passionnant que le premier, un roman en forme de parenthèse enchantée. L'auteur décrit avec précision, d'une part, cette Italie des années 60 qui nous plonge immédiatement dans une ambiance retro délectable, d'autre part, les sentiments, les sensations et les pensées des deux jeunes femmes, désireuses de vivre comme bon leur semble, d'échapper à leur milieu social. Une saga passionnante, habilement menée, riche et âpre.



Merci pour le prêt, Cécile...
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L'amie prodigieuse, tome 2 : Le nouveau nom

Je ne ferai pas un trop long commentaire, car tout a été dit mais tant pis……… ;

C’est la suite romanesque, addictive, passionnante, percutante, qui incite à une réflexion intense sur cette période du parcours de Lila Cerullo et Elena Greco, des adolescentes inséparables dont les destins vont bifurquer.

Nous traversons avec elles les années 60 à Naples : mafieuse, miséreuse, gangrénée par la Camorra, où le déterminisme social n’est pas un vain mot.

Les deux jeunes filles choisissent un destin bien différent pour tenter d’échapper à la pauvreté des bas quartiers et à la soumission patriarcale.

Lila, provocante, brillante, abandonne l’école pour se marier à un homme riche……

Elena poursuit ses études et rompt avec le passé en quittant Naples.

L’auteur décrit un monde où les filles n’ont guère le choix : soit ressembler à leur mère et subir la violence des hommes, s’épuiser entre l’usine et la cuisine, soit s’échapper et sans cesse craindre de retomber pour toujours dans cet univers familial oppressant, restrictif, appauvrissant qui leur colle à la peau…

Lila se bat, royale, violente parfois, souffre et fonce sans trop réfléchir ….

Elena, traine, sans le vouloir sa culpabilité de classe, cherche à se défaire de son accent et de ses vêtements pour le moins modestes…

A travers des descriptions précises, un style vivant, charnel, à la fois simple et épuré, l’auteur révèle avec une acuité remarquable les jalousies déchirantes, les colères, les non- dits, les violences insensées, les délires sexuels qui confinent au dégoût, les affections et revirements, les abandons et les retrouvailles dans une ville gangrénée, souillée, infiltrée de façon insidieuse par la Camorra !

Cette fiction politique intime, d’une sensibilité époustouflante, ce travail intense sur les sentiments et les tensions au cœur de cette Italie du sud, cette écriture lumineuse ne nous lâchent pas un instant.

Un plaisir infini, pétri d’émotions riches et diverses, une réflexion rare sur une société napolitaine cloisonnée par l’éducation et l’origine sociale oppressantes !

Lila et Elena n’ont pas fini de payer leur dû à une liberté qui vaut de l’or !

Vivement les deux autres tomes !

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L'amie prodigieuse, tome 4 : L'enfant perdue

♫ Capri, c'est fini...♫

Ah non zut, c'est pas Capri, c'est Naples !



Finito, la grande saga italienne d'Elena Ferrante. Et pourtant, on referme ce quatrième tome avec un je ne sais quoi d'inachevé.

Mais, ainsi va la vie...et ce magnifique roman !

Dans ce tome, comme pour les précédents, on suit la narration d'une des héroïnes : Eléna Gréco, devenue mère de trois filles et écrivain célèbre. Elle nous raconte ses amours, ses déceptions, ses petits tracas quotidiens, ses activités chaotiques de romancière et bien sûr, toujours et encore son amitié avec Lila, sa prodigieuse amie !

( Mais d'ailleurs, ne serait-ce pas plutôt Eléna l'amie prodigieuse ??)

Ce roman tient sa force de la narration qui ne laisse au lecteur qu'un aperçu de événements. Celui d'Eléna... Un aperçu pour le moins restreint et subjectif mais ô combien savoureux ! A la manière d'Eléna, le lecteur s'y englue, se pose mille questions, tergiverse, doute, espère ...

Espère tant jeter un coup d'oeil, ne serait-ce qu'une seule fois, sur le journal intime de Lila, si toutefois elle en écrivait un !



Oui, c'est fini et c'est avec respect et tendresse que l'on tourne la toute dernière page de cette saga.

Une saga sociale qui décrit merveilleusement bien une Italie aux traditions machistes encore bien ancrées et à l'esprit mafieux mais une Italie qui peu à peu tente de changer de visage et s'ouvre à des idées plus modernes, plus émancipatrices.

Une saga sincère qui prend sa source au plus profond de nous, qui parle vrai des relations entre les humains, qui résonne si justement !

Une saga intelligente qui s'enveloppe peu à peu d'un halo de mystère, qui pose un doigt délicat sur les tourments de l'âme humaine, qui suggère les

travers des hommes sans jamais les juger, qui contemple et qui raconte avec lucidité...la vie !

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L'amie prodigieuse, tome 1 : Enfance, adole..

Véritable phénomène littéraire mondial et à l'heure où la série télé événement arrive sur nos écrans, je me devais donc de me pencher sur cette histoire d'amitié hors du commun.



Cette saga en quatre livres raconte l'amitié extraordinaire qui unit Lila et Elena dans les années 50.



Ce premier tome se concentre sur l'enfance et l'adolescence de nos deux héroïnes et m'a captivé de bout en bout.



Elena Ferrante réussit l'exploit littéraire de reconstituer de manière flamboyante un quartier de Naples, une époque. le lecteur est tout de suite entraîné dans l'histoire de cette amitié à la fois hors du commun et complètement simple, à laquelle on peut s'identifier.



Le récit raconte l'apprentissage de ces deux amies si différentes et leur évolution au fil des mois. Des années. Leur destin évolue au sein également de l'histoire d'un pays, d'une ville et nous donne l'impression que le temps de cette lecture, nous vivons là-bas dans cet endroit pauvre de Naples. En effet, la vie du quartier est si bien rendue, tous ces personnages hauts en couleurs si bien décrits que tout nous paraît familier au bout de quelques pages.



Le livre a filé. L'écriture est passionnante et enlevée. Un récit fleuve. Qui détaille un quotidien. Un lieu. Une époque. Cela a parfaitement fonctionné sur moi. Un plaisir littéraire. Il faut saluer le travail de traduction car l'ouvrage est fluide, littéraire et passionnant.



Il ya des pétards mouillés parfois en littérature mais cet ouvrage n'en fait pas partie et mérite son succès ! Il faut vite que je me lance dans la suite des aventures de ces deux amies et que je tente peut être de regarder la série !



Vous l'avez vu ? Vous en pensez quoi ? Dites- moi, ça m'intéresse !
Lien : https://labibliothequedejuju..
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Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

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