Ce livre "Fief" en fait, n'est pas un roman mais plutôt un constat de
"ce qu'on fait quand on ne fait rien".
Une bande de potes qui s'emm... dans une petite ville de province (comme Nemours, domicile de l'auteur).
Le lecteur sait seulement qu'ils sont issus de la zone pavillonnaire
et puis le livre "tend le micro" à Jonas qui raconte quelques tranches de vie sans début ni fin. Une vie faite d'inactivité, de joints, beaucoup de joints et d'alcool pour meubler les journées entre deux entrainements de boxe.
Ce sentiment de désœuvrement est bien rendu et on s'ennuie en même temps qu'eux !
Deux bons passages à noter : le résumé de Candide de Voltaire et la dictée issue de voyage au bout de la nuit.
Commenter  J’apprécie         60 ![Fief par Lopez (II) Fief](/couv/cvt_Fief_1912.jpg)
Jonas et sa bande trainent, s'ennuient, squattent de ci de là, draguent, font pousser de l'herbe et puis ils recommencent plus ou moins dans cet ordre. Ils vivent dans un coin paumé coincé entre la ville et la banlieue et se laissent porter par la vie : adviendra ce qui adviendra dans une société qui rejette ces individus ou en tout cas les met à l'écart par la force des choses. Ils se cherchent, ne se trouvent pas souvent. Toutefois Jonas s'accroche à sa passion la boxe même si on sent qu'il s'y accroche plus comme à un passe-temps que par réelle envie ou vocation.
L'écriture n'est pas facilement accessible mais reste abordable si le lecteur s'accroche. C'est un mélange de langue française, d'argot, de verlan : la langue actuelle qui ne cessera de se transformer. Soyons clairs, il ne se passe pas grand-chose dans ce roman mais j'imagine que l'auteur voulait en quelque sorte nous faire ressentir l'ennui des vies de Jonas et ses amis qui s'étirent à n'en plus finir sans que jamais rien d'exceptionnel ne se passe.
Je suis ravie d'avoir lu ce livre. Toutefois je ne suis pas en accord avec les critiques dithyrambiques de la presse en général : cette lecture était plaisante mais sûrement pas passionnante ou radicale.
Commenter  J’apprécie         50 ![Fief par Lopez (II) Fief](/couv/cvt_Fief_1912.jpg)
Le problème avec Albert Camus, c'est qu'il a instillé bien malgré lui dans le crâne de toute une génération d'écrivaillons (Despentes et confrères) le sentiment qu'il suffit d'enfiler comme des perles des phrases courtes sujet-verbe-complément et de laisser le soin à l'imagination du lecteur de donner de la consistance aux personnages pour produire un roman digne de ce nom. On trouve aujourd'hui cette même dérive du script dans le cinéma : l'élaboration d'un enchainement d'actions ne suffit pas à donner l'illusion d'une narration. Alors oui, il y a une certaine habileté, parfois, à dépouiller le récit de ce qui pourrait le polluer (une forme trop précieuse, une description trop longue) quand il y a un message à faire passer, une thèse à développer. Mais cela n'est pas le cas ici, le lecteur ne va finalement nulle part dans cette approche quasi-documentaire façon strip-tease, sans véritable voix-off. Reconnaissons tout de même à David Lopez le talent de déployer une langue truculente, inattendue, d'offrir finalement cette forme de violence au petit bourgeois à qui la vie de banlieue ainsi décrite (on ne parle même pas vraiment ici de cité) paraitra d'un exotisme à peine concevable (le cunnilingus pratiqué entre inconnus, le tarpé roulé toutes les deux pages) mais qui est en réalité d'une banalité déjà datée (on disait déjà "qui roule bamboule, qui fournit suit" en 1990) et qui ferait certainement beaucoup sourire - mais pour les mauvaises raisons - les petites et les grosses frappes des quartiers nord de Marseille (par exemple). Si le style fonctionne plutôt bien paradoxalement, les pages les plus réussies ne concernent finalement que la boxe (on sent alors que l'auteur sait enfin de quoi il parle puisqu'il devient davantage lyrique). On est tout de même très très loin d'un certain Céline et même du quart de la moitié d'un Bukowski (une certaine Saphia Azzeddine, pour citer un(e) auteur(trice) d'aujourd'hui, a, il me semble, trouvé un meilleur équilibre dans cet esprit). Il est particulièrement difficile d'imaginer ce que l'auteur pourrait déployer sur la durée avec un style aussi limité, si ce n'est, d'une certaine façon à la manière d'un Martin Eden, la confrontation de l'auteur au milieu bourgeois qui pourrait produire des situations cocasses (puisque le récit semble assez autobiographique et que l'auteur connait à priori un certain succès). Mais l'oeuvre existe pour elle-même et a bien le mérite d'exister, sa lecture n'étant pas désagréable bien qu'elle reste finalement assez vaine. A rapprocher, d'assez près mais ici en bien mieux, d'un certain "Avec vue sous la mer" de Slimane Kader.
Commenter  J’apprécie         10
C'est un livre qui avait tout pour me déplaire ! Ca « zone », ça « fume », Jonas fait de la boxe, son père du foot. Enfin, rien qui ne soit dans mes cordes.
Mais c'est la magie des mots. ! A part quelques longueurs, David Lopez à un réel talent d'écriture pour appréhender des sujets sans intérêt pour moi et me captiver.
Un bon premier roman. J'attends de découvrir son prochain livre pour savoir si ce talent se confirme.
Commenter  J’apprécie         70 ![Fief par Lopez (II) Fief](/couv/cvt_Fief_1912.jpg)
J'ai fini par acheter ce livre, à cause de toutes les critiques dithyrambiques qu'on entend dessus depuis six mois. Vous pensez bien, un jeune auteur de 32 ans, qui sort du master Création Littéraire de Paris 8, blablabla. OK. "Oui, la langue est exceptionnelle", "Il parle des jeunes de banlieue", etc.
Alors je m'explique : le narrateur (Jonas donc, celui qui raconte l'histoire) est capable de pondre des phrases d'écrivain (tout un bouquin quand même) très bien tournées, parsemées de mots savants comme "néophyte", "résine tressée" (genre le mec il connaît les matières des mobiliers de jardin de bourges) ou encore "déblatérer" alors que, en même temps, il se met en scène jetant des "wesh gros" à tout bout de champ à ces potes, qui eux, ont un parler "jeunes de banlieue" vraiment fleuri (verlant, insultes, etc.) pour le coup (le narrateur retranscrit peu ses paroles à lui). C'est aussi le narrateur le meilleur en orthographe de la bande (la scène de la dictée).
Pour ce qui est du motif qui fait écrire le narrateur (ou parler, après tout on ne sait pas), on n'a aucune info et moi je trouve que ça rend le postulat de départ complètement bancal et m'empêche de trouver ça vraiment convaincant en termes de récit. En focalisation interne, ça pose problème que le narrateur se prétende faire partie d’un groupe socio-culturel alors qu’en même temps il s’en affranchit en racontant cette histoire comme une personne qui a visiblement fait des études et qui maîtrise un vocabulaire élaboré.
On ne parlera pas de la scène de sexe où il fait jouir la jolie Wanda avec sa bouche et ses doigts... qui n'est pas introduite (si j'ose dire). Pourtant du point de vue de la cohérence, il faut en dire deux mots quand même : on ne sait rien de leur rencontre (c'est une bourge avec une baraque de bourge, parents inexistants ou absents, c'est tout ce qu'on sait) et ils se voient depuis longtemps sans pour autant qu'on sache comment tout cela a commencé : pour moi ça fait baisser d'un cran le niveau de crédibilité du narrateur, qui était déjà bas, la faute à l'énonciation à la première personne du singulier comme on vient de le voir. Comment un mec comme lui peut arriver à fréquenter une nana comme elle ? Mystères et magie de la littérature sans doute. Ou alors il est vraiment différent de ses potes, et il aurait aussi pu écrire ce livre (problème de cohérence : cette (im)posture n'est pas assumée et pour cause : si il est trop différent d'eux, il ne peut leur être si proche).
C'est certain, l'auteur (je dis bien l'auteur) a l'air de s'être renseigné sur la boxe, sur comment rouler un joint et sur l'art de faire jouir une femme, mais à part cet étalage technique (parfois c'est trop) et des personnages hauts en couleur qui ont parfois, bizarrement, des fulgurances intellectuelles qui me semblent artificielles (le trou dans la Terre pour aller jusqu'en Chine, on monte ou on descend ? ; le lâcher-prise en sexe avec le fameux "taux de putassium" des femmes, bien trouvé je l’avoue volontiers, théorie quasi philosophique s'il en est, ou encore le commentaire de texte de « Zadig » de Voltaire au tout début du livre) alors que les gars zonent toute la journée les uns chez les autres (les parents morts qui laissent au fiston une grande baraque avec un jardin en friche c'est bien pratique aussi, le narrateur n'a qu'un père qui fort opportunément fume des joints et les laisse à portée de son fils...) et essaient de tromper l'ennui en fumant des joints (à l'exception du narrateur, terne et lisse, on a dit pourquoi), je ne vois pas de ligne directrice se dessiner ni un intérêt primordial à tout cela, si ce n'est une peinture vaguement sociale dans un endroit hybride qui se situe "entre la ville et la campagne », des portraits de mecs paumés et défoncés en permanence qui veulent pécho et voudraient s'incruster dans un monde qui ne veut pas d'eux même s'ils mourraient plutôt que de l'avouer...
Surtout le narrateur ne sous-entend à aucun moment qu'il a écrit un livre — on exclut donc l'hypothèse de l'auteur-narrateur (comme Edouard Louis par exemple), qui, plus malin que ses potes, aurait trahi son fief en écrivant ce bouquin ; il est d’ailleurs traité de "traître" par ses potes quand il gagne la dictée —, car lors de la dictée, justement, il affirme, voyant le nombre hallucinant de fautes qu'a fait un de ses potes, que "c'est pourtant lui qui écrit le plus" (je ne sais plus son nom).
Il semblerait donc que l’auteur n’ait guère voulu trancher la question du narrateur et de la justification du récit, ce qui en fait, pour moi, un livre certes bien écrit mais par là-même peu crédible (ou alors il aurait fallu l'écrire à la 3e personne, inventer un procédé narratif qui aurait justifié le livre ou bien assumer la 1re personne à fond et régler la question du langage parlé/écrit).
Commenter  J’apprécie         40
J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce livre; je pense que la version papier m'aurait mieux convenu. Il ne se passe presque rien: des jeunes s'ennuient: drogue, jeux de cartes, boisson...seul Jonas fait de la boxe avec un succès inégal.
Tout est dans le travail sur la langue: le long entretien qui suit la lecture le montre bien.
C'est un premier roman dont l'auteur me semble sûr de son talent; il a reçu le prix inter décerné par un jury de 24 lecteurs sélectionnés avec soin.
Le texte est lu par l'auteur;"je lis vraiment comme j'ai écrit"
Commenter  J’apprécie         30
Jonas et ses copains habitent en banlieue, pas loin de la campagne, ils se connaissent depuis l'enfance et zonent entre fumette, boxe et parties de cartes.
Mon avis sur cet ouvrage est assez mitigé. D'un côté, j'ai apprécié la lecture par l'auteur (ce qui n'est pas toujours gagné lorsque l'auteur lit son livre) et l'écriture (entre langage familier et soutenu). De l'autre, l'histoire m'a profondément ennuyée, j'avais l'impression d'avoir déjà lu / vu la même chose, tout était très prévisible et j'ai eu beaucoup de mal avec ça.
En bref : pas fabuleux.
Commenter  J’apprécie         10
Ça passe ou ça casse, cette écriture wesh en mode narrateur interne (« je lui fais... », « puis il me sort... » ...)
En tous cas chez moi c?est passé crème, après quelques pages un peu déstabilisantes. On se glisse assez bien dans le survet? de ces jeunes un peu paumés entre la banlieue et la campagne péri-urbaine. Teuchi, techa, tise, zonzon... tout y passe, pour combler le vide de leurs rêves déçus. Marrants et donc attachants.
Commenter  J’apprécie         20 ![Fief par Lopez (II) Fief](/couv/cvt_Fief_1912.jpg)
[Fief] : nom masculin, domaine où quelqu’un est maître, que l’on considère comme sa possession.
Le fief, c’est « une petite ville, genre quinze mille habitants, à cheval entre la banlieue et la campagne ». Le maître, Jonas. Et ses potes, « pas des p’tits bourges des lotissements, pas de cailleras de cité »
« Fief », ce sont autant de chapitres que de tranches de la vie de Jonas, le narrateur, qui nous raconte sa vie, ses potes, sa ville, son quotidien.
« Fief » ça questionne l’identité, la réussite, l’amitié, la différence, l’appartenance à un groupe, à un lieu, à un milieu social. Peut-on le quitter ? Comment ? Doit-on le quitter ? « Je pourrais faire ça pour eux. Ça aurait du sens. Leur montrer qu’on peut se battre. Lutter pour devenir meilleur. Qu’on est pas prédestinés. Que le travail peut mener à la récompense ». Mais d’un autre côté, « Réussir, c’est trahir »
« Fief » c’est aussi une langue. Des dialogues. Le discours, brut, cru, dense, rapide et intense. De longues phrases, l’emploi du discours indirect libre, des énumérations sans virgule, pour mieux traduire la rapidité du débit et la vivacité des dialogues, que l’on lit en apnée et qui vous percute tel un combat de boxe, sport pratiqué par Jonas.
« Fief » c’est aussi une langue. Le récit. De l’introspection et de la description ; lent et contemplatif, imagé, métaphoré, sensible, poétique. Le chapitre « Baromètre » est un modèle de construction littéraire.
« Fief », c’est aussi une réflexion sur la langue et ses usages, sa grammaire, son orthographe, le second degré et l’humour. Sur la littérature, sur la communication et les non-dits.
« Fief » c’est un grand roman.
Commenter  J’apprécie         00
Si vous cherchez un livre écrit en langue orale 'jeuns", une ode au chit et à la drogue en général (une vraie initiation pour moi qui n'y connait rien !) , à l'alcool et à la boxe (les meilleurs passages), courrez lire ce premier roman dont j'espérais beaucoup mais que j'ai difficilement terminé. On s'ennuie autant que les protagonistes qui vous désespéreraient d'être jeunes. C'est trash par moment sans qu'on y voit l'utilité ( de l'art de "bouffer une chatte" !) Sans doute un portrait réaliste de certains milieux mais désespérant. Dans le genre le prix Goncourt de Nicolas Mathieu – “Leurs enfants après eux” est tellement au-dessus que le lisant après je n'ai pu qu'être déçu. Je suivrai cependant l'auteur pour voir ce que le prochain roman réservera
Commenter  J’apprécie         30