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Critiques de Claude Pujade-Renaud (237)
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La nuit la neige

Pujade-Renaud Claude, - "La nuit la neige" - Actes Sud, 1996 (ISBN 978-2-7427-4358-2) collection Babel



Un roman imposant de 506 pages denses. L'intrigue est fort bien construite, l'écriture est fort habile, rien à redire.

Ce qui est beaucoup plus intéressant, c'est la vision même du monde féminin que cet écrivain expose (probablement en partie à son insu) à travers sa réécriture de l’histoire sous un angle bien déterminé.



En effet, dans ce roman composé de témoignages féminins successifs (à une seule exception masculine près), les hommes sont relégués totalement à l'arrière-plan. Pourquoi pas ? Mais ici, ces pôvres hommes n'ont systématiquement qu'un rôle d'imbécile, d'obsédé, de fourbe ou de traître, et sont en tout cas quasiment tous très largement "dominés" par des femmes – bien évidemment – énergiques, intelligentes, habiles à tisser des liens et tirer les ficelles du pouvoir occulte, décidant de toutes les affaires importantes des royaumes.

La seule voix masculine est celle d'un ecclésiastique parvenu (l'auteur nous dit et redit qu'il porte lui aussi la robe...), traître, fourbe, prêt à tout pour s'élever.



A aucun moment, nulle part dans ce roman, n'émerge un couple adulte sympathique.

Autre caractéristique : l'auteur se vautre dans les détails les plus sordides des problèmes de santé.



Ce roman reflète à la perfection la vision du monde de ces femmes des cercles dominants actuels, arrivistes aux dents longues, littéralement obsédées par l'idée "d'arriver", d'écraser les autres. Le récit reflète un monde féminin infiniment triste et lugubre, se résumant à de perpétuelles rivalités d'une mesquine méchanceté. Un roman profondément dé-moralisant, d'un pessimisme noir.



NB : le roman de Chantal Thomas intitulé "L’échange des princesses" publié en 2013 traite exactement du même épisode historique, mais avec tout le bagage d’une historienne véritable, qui sait ne pas appliquer à des périodes antérieures de notre histoire des préjugés idéologiques actuels…

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La nuit la neige

Un livre au contenu historique trop dense et trop sinueux pour m'intéresser. Lecture abandonnée rapidement.
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La nuit la neige

Deux femmes qui ne se sont jamais vues se croisent en décembre 1714 dans le nord de l'Espagne. Anne - Marie des Ursins, septuagénaire, qui depuis des années est toute puissante à la cour d'Espagne et en particulier auprès de la reine décédée quelques mois auparavant, vient accueillir la nouvelle reine de 22 ans, Elisabeth Farnèse.

L'entrevue se passe mal et Anne Marie des Ursins est renvoyée directement en France dans le froid et la neige. De son exil, elle reviendra sur son passé et cherchera à rester au courant des nouvelles de la cour d'Espagne et des infants. La reine, elle, va découvrir son époux Philippe V et son destin d'épouse, mère et reine.



Tous les personnages ont existé, mais la plume de Claude Pujade -Renaud transforme une période de la grande Histoire en un roman passionnant. Les narrateurs alternent et permettent de découvrir les facettes des autres personnages, qui prennent vie devant nos yeux. On croise Saint Simon, ainsi que la fille, le gendre et la petite fille de Madame de Sévigné qui écrivit de la princesse des Ursins qu'elle était "folle" -à découvrir dans quelles circonstances.







"Le parfum du jasmin. Les oranges et citrons nourris de soleil , juteux, merveilleux tels les fruits des Hespérides. Et les grenades, elle en était encore éblouie ! Les grenades, insistait-elle, un écrin à l'apparence terne que l'on ouvre pour découvrir à l'intérieur des germes de rosée, de grenat, de rubis, tout en même temps transparentes et rutilantes."





"Après tout, de quoi l'Histoire est-elle tissée, pas à pas, cahin-caha, de petites histoires récrites par l'un ou l'autre, ravaudées et rapetassées, cousues ensemble, de fil banc parfois, suivant la passion ou la logique - ou les deux à la fois - de chaque conteur."





Encore une fois Claude Pujade -Renaud m' a enchantée par son style brillant et poétique, et épatée par l'étendue de sa documentation et de son érudition. Un grand bonheur de lecture.
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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La nuit la neige

C'est l'histoire de deux femmes au XVIIIème siècle, l'une va commencer sa vie, rencontrer son destin alors que l'autre déjà âgée va voir le sien s'achever par l'intermédiaire de la plus jeune.

Le début de ce roman commence par la rencontre si brutale de ces deux femmes dans une ville ensevelie par la neige, Jadraque.


Lien : http://l-ivresque-des-livres..
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La nuit la neige

Voici un livre que j'ai adoré lire !



Les histoires croisées de marie des Ursins, au service du roi d'Espagne depuis 20 ans et brutalement chassée, d'Elisabeth Farnèse, deuxième épouse du roi d'Espagne, et de toute une série de personnages secondaires sans l'être vraiment est époustouflante !



A travers ce beau roman historique, on en apprend beaucoup sur les moeurs des différents cours d'Europe,sur la façon dont des jeunes filles étaient sacrifiées sur l'autel de la politique et arrachées à leurs familles,sur l'incroyable consanguinité qui reliait les familles royales...



Et puis, comme d'habitude chez Claude Pujade Renaud, à travers une histoire vécue, on explore au plus profond l'âme humaine, les sentiments, les états d'âme, les grandeurs et les bassesses de ses héros. Ces qualité et ces défauts pouvant être aussi les nôtres...



L'écriture est fine, précise, ciselée. Les ruptures de ton selon le personnage qui parle au lecteur sont très pertinentes, très représentatives de ces personnages.



Un reproche cependant: le roman s'étire un peu en longueur, sur la fin j'en ai eu un peu assez de suivre Marie des Ursins ressassant à l'infini son échec;



Il n'es reste pas moins que j'ai passé un excellent moment de lecture, dans la lignée de "Platon était malade". Une réussite.



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La nuit la neige

Si les événements décrits dans ce livre sont très intéressants pour qui aime l'Histoire (j'adore l'Histoire), les intrigues (pareil) voire les potins (coupable!), les allers-retours dans le temps et la multitude de personnages m'ont perdu une bonne partie du roman. Je ne connais pas l'histoire de l'Espagne, même si à cette époque elle était fortement liée à celle de la France, et j'ai eu du mal à suivre.

Au bout d'un moment, je me situais beaucoup mieux et c'était plus confortable. Une lecture difficile qui me laisse après coup une bonne impression.

Quant aux évènements, on se rend compte de la barbarie des puissants, des décideurs. Il sacrifie des peuples, des enfants pour des luttes de pouvoir. Il n'est question que d'intérêt personnel parfois celui défendu est celui du Roi, ça sonne mieux mais ça reste une personne et chacun voit ses intérêts... Difficile d'estimer des marionnettistes...

On voit par petites touches les portraits se dessiner. Il est intéressant de retracer la vie et les combats de chacun pour comprendre la genèse d'un événement central et bouleversif comme le dirait ma mère.

On peut parfois éprouver de la compassion mais ça ne dure pas bien longtemps car les actes sont révélateurs des désirs profonds...
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Le désert de la grâce

Le principal intérêt de ce roman a été de me faire comprendre ce qu'était le jansénisme et Port-Royal, et pourquoi Louis XIV l'a persécuté. Sinon j'ai du mal à me sentir concerné par l'intransigeance de ses adeptes prêtes à tout subir pour défendre la primauté de la grâce sur le libre-arbitre, avec la paradoxe d'en faire l'étendard de la lutte contre l'absolutisme et les prémisses de la révolution !!??

Donc un bon témoignage de la folie humaine fruit de l'intransigeance et du sectarisme, bien partagé par les deux parties.
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Le désert de la grâce

L'histoire de Port-Royal des Champs très habilement mis en scène par l'auteur grâce à un récit à plusieurs voix. Les 100 ans d'existence de ce mouvement sont décrits par les fondateurs-fondatrices eux-mêmes, par celles qui y ont séjourné dans leur jeunesse mais aussi par des personnes extérieures dont l'avis peut être très critique. On croise dans ce livre des personnages illustres tel que Pascal qui a grandement contribué à faire connaître cet ordre, Racine dont les relations avec Port-Royal sont beaucoup plus ambigües et aussi Madame de Maintenon qui n'a eu de cesse que d'anéantir Port-Royal.L'écriture et le ton du récit sont parfaits et cadrent bien avec l'époque. Tous les mystères entourant Port-Royal ne seront pas levés dans ce livre mais ce récit permet d'appréhender les motivations des moniales et de comprendre la ténacité avec laquelle elles se sont battues pour conserver leur monastère. L'auteur montre bien également l'acharnement quasi obsessionnel développé par le pouvoir royal pour détruire cet ordre. Le roi parviendra à ses fins mais il aura par la même occasion créé une légende.
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Le désert de la grâce

Claude Pujade-Renaud - "Le désert de la grâce" Actes Sud – Babel, 2007 (ISBN 978.2.7427.8402.8)



Un sujet ambitieux : Port-Royal, la Mère Abesse Arnaud, Blaise Pascal, Jean Racine, le règne de Louis le quatorzième. Il convient de ne pas avoir froid aux yeux pour aborder un tel thème ! Belle écriture.

De brefs chapitres alternent les points de vue, chacune des protagonistes (même la Maintenon-Maintenant) prend la parole à tour de rôle, les jansénistes ne sont pas aveuglément encensé(e)s.



Le roman commence par la narration de l'abominable exhumation des corps enterrés dans le cimetière de Port Royal des Champs pour les jeter dans une fosse commune : c'est là l'expression la plus évidente du désir du Roi Soleil d'éradiquer totalement toute trace de ce qu'il croyait être "un parti". Les bâtiments eux-mêmes seront ensuite dynamités, arasés.

Pourquoi le Roi-Soleil mit il tant d'acharnement à effacer jusqu'à la moindre trace de ce repaire janséniste ?



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Le désert de la grâce

Encore un livre qui patientait avec résistance depuis plusieurs années, alors que j'ai beaucoup aimé deux autres livres de Claude Pujade-Renaud, "Belle-mère" et "Les femmes du braconnier", lus avec passion.

Celui-ci avec un sujet plus complexe et d'approche un peu plus difficile, n'aura peut-être pas été lu avec passion mais néanmoins avec intérêt. En effet, l'abbaye de Port Royal et le Jansénisme ont croisé plusieurs de mes lectures sans trop maîtriser le sujet. Ce livre habilement construit, à plusieurs voix, sur différentes périodes m'aura bien éclairé sur le sujet. Ce fût aussi l'occasion de découvrir plus en détail la vie de Racine et remettre en haut de ma PAL une biographie, qui patiente aussi !

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Le désert de la grâce

C'est presque une histoire policière !

Pour découvrir l'histoire de l'abbaye de Port-Royal des Champs racontée, vécue et ressentie par ceux qui ont participé à son histoire et à sa suppression.

Intéressant à lire car raconte sous forme de roman l'histoire du lieu et le rôle de la mémoire.

La résistance humaine à la persécution d'un lieu et de ses habitantes est bien mise en évidence.
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Le désert de la grâce

Port Royal, Pascal, la Querelle janséniste - je suis certaine que tous ces noms évoquent quelque chose pour vous, peut-être des souvenirs plus ou moins ennuyeux (tout dépend de votre prof de français de l’époque !!)Si vos souvenirs sont très diffus je vous propose d’y revenir par un livre qui n’est ni un cours d’histoire - bien que le roman soit très fidèle à la vérité historique - ni un cours sur les tragédies de Racine bien que celui-ci soit au cœur du récit.

Le roman embrasse un siècle entier, celui pendant lequel Richelieu, puis Louis XIV et les jésuites, vont lutter contre l’influence de ces hommes et femmes qui choisissent de vivre hors du siècle.



Un petit rappel : Pour les jansénistes, Dieu accorde sa grâce par avance, à ceux qui la mérite par pure miséricorde. La liberté de l'homme existe encore, mais est très limitée. Ainsi, celui qui est prédestiné au mal, ne peut en aucun cas se retourner vers le bien.

Le Jansénisme fut diffusé en France par Saint Cyran. Le mouvement gagna la famille Arnaud, les religieuses de Port Royal et une partie de la noblesse.

C’est un spectacle macabre qui ouvre le roman : l’Abbaye n’existe plus mais le cimetière est toujours là ; les corps et ossements des hommes et femmes inhumés ici sont jetés à la fosse commune sur ordre du Roi. La volonté du pouvoir est d’effacer toutes traces du Jansénisme et des hommes et femmes qui y adhéraient.

Le couvent a été rasé, les religieuses dispersées et contraintes d’abjurer leur foi sous peine d’être privées de sacrements et de sépultures chrétiennes.

Pascal, Racine, Messieurs les Solitaires, les religieuses « les Arnauld, les Le Maistre, laïcs ou religieux » sont les grandes figures qui traversent le roman.

En but aux persécutions certains sont emprisonnés, d’autres sont partis en exil, ils peuplent ce roman de leur ombre.



Mais les personnages centraux sont deux femme, deux personnages magnifiques de foi, d'orgueil et de dévouement.

Françoise de Joncoux dite « l’invisible » qui porte secours, soigne, assiste

Marie-Catherine Racine, fille de Jean, elle aurait voulu prendre le voile mais son père la força à quitter Port-Royal parce qu’il « défendait sa liberté d’écrire, sa carrière tout juste montante d’auteur de théâtre »

Elle essaie de comprendre pourquoi son père après avoir été élevé par les Solitaires, a renié ses amis mais a choisi de se faire inhumer Port-Royal.



Leurs amis : Claude Dodart médecin bien en cour et dont le père fut médecin de l'abbaye, Charlotte de Roannez, Jacqueline Pascal la soeur du philosophe, Angélique Arnaud enfin figure tutélaire de l'Abbaye

Leur ennemie : Madame de Maintenon qui les poursuit de sa hargne « Il fallait absolument anéantir ce monastère et ce parti. Reste à les extirper des mémoires »



Claude Pujade-Renaud ressuscite pour nous Port-Royal des Champs, haut lieu de résistance au pouvoir royal, elle restitue magistralement ces personnages qui vivent dans une atmosphère de secret, de crainte et de solitude.

Elle sait faire d’un sujet austère une magnifique fresque tout en finesse et dans une langue qui se veut fidèle à l’esprit du temps.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Le désert de la grâce

une splendeur ce livre ! Je l'ai savouré pleinement et lentement !

C'est un véritable tableau que l'auteure peint, touche par touche, en prêtant la parole sur plusieurs époques à des personnages-clés, permettant ainsi au lecteur s'imprégner de l'atmosphère de ce temps et des enjeux de Port-Royal, tout comme de prendre conscience de la traversée du désert qu'eurent à vivre ceux et celles qui tentèrent malgré les persécutions d'en conserver l'esprit.

On y découvre notamment Marie-Catherine RACINE (Mme de Moramber), la fille du célèbre tragédien. Pourquoi son père l'a-t-il subitement retirée de l'abbaye de Port-Royal alors qu'elle désirait plus que tout entrer en grâce ? Quelles furent ses motivations ? Quel est ce besoin qui la ronge de comprendre qui était l'homme dont elle parvient, poussée par cette quête, à établir des parallèles entre ses tragédies jouées sur scène et celles - cachées - qu'il aura vécues ? Claude PUJADE-RENAUD, avec un talent magistral, nous replace dans le contexte. On croisera évidemment un certain Blaise PASCAL,mais encore Claude DODART (futur médecin du roi), Isaac Le Maistre, (membre de la Chambre des Comptes accusant les moniales de "captation des esprits et des héritages" - et de plus ex époux de Catherine (soeur d'Angélique -celle qui imposa la clôture et le silence à l'abbaye de Port-Royal). On écoutera La Champmeslé, actrice principale des tragédies de Racine, Mme de Maintenon,etc. A travers les témoignages qui seront exposés, c'est le combat de ces femmes moniales - qui ,même contraintes à la clandestinité, jamais ne baisseront les bras pour défendre leur cause et leurs convictions - que Claude PUJADE-RENAUD nous donne à contempler.




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Le désert de la grâce

Le Désert de la grâce est d’abord et avant tout une histoire de femmes. Comme dans La Nuit la neige, Claude Pujade-Renaud s’est plongée dans l’histoire de l’Abbaye de Port Royal Des Champs, ou plutôt à la fin de son histoire, entre 1710 et 1718, date à laquelle l’auteur clôt son récit sur le personnage de Marie-Catherine Racine, fille de Racine le dramaturge, revenue sur les terres de l’Abbaye détruite. Entre ces deux dates, une galerie de personnages plus ou moins connus : Jean Racine, bien sûr, et sa maîtresse comédienne, la belle Marquise du Parc - l’actrice qui séduisit les trois dramaturges du Grand Siècle (Racine, Molière et Corneille), Blaise Pascal, et ses Lettres Provinciales, ou encore la Maintenon, opposante farouche de Port Royal. Mais aussi des personnages moins illustres comme Claude Dodart, médecin du roi, Angélique de St Jean Arnaud d’Ardilly, et surtout Françoise de Joncoux, surnommée « l’Invisible ».



Le Désert de la grâce se passe en effet à l’époque de la querelle entre jansénistes et jésuites à propos de la grâce : celle-ci est donnée (ou non) par Dieu ou peut-on l’obtenir par effort ? Penser que l’on peut, à l’instar de St Augustin, s’affranchir des rites de l’Église pour l’obtenir va coûter cher à celles qui penchent pour cette hypothèse. A travers la galerie de portraits, on sent en effet que Claude Pujade-Renaud renoue avec des thèmes qui lui sont chers : voilà quelques femmes qui ont osé lire directement les textes bibliques et les traduire avec les Solitaires - ces hommes comme Blaise Pascal qui vivent à l’écart du siècle – et qui ont osé vivre leur foi pleinement, élire directement leur abbesse et s’affranchir du pouvoir tout puissant de l’Église. "J’ai soupçonné que la certitude d’être injustement persécutée renforçait mon sentiment d’être élue de Dieu" dit l’une d’entre elles. La répression ne s’est pas faite attendre : dispersées, interdites de noviciat comme Marie-Catherine Racine, poussées à se rétracter, les moniales n’auront pas défié le pouvoir divin et royal plus d’un siècle. Et comme si cela ne suffisait pas, le livre s’ouvre sur le récit du transport des ossements de ceux qui avaient choisi d’être enterré à Port Royal – dont Jean Racine – vers la fosse commune sur ordre du roi.



Avec le talent qu’on connaît à l’auteure de Chers disparus, de Belle-mère ou encore d'Au lecteur précoce, Claude Pujade-Renaud restitue toute une époque, tisse sa narration sur une trame de faits bien réels, en faisant revivre le personnage central de Françoise de Joncoux, qui veille sur tous les écrits relatifs à l’Abbaye au péril de sa vie, et l’on se prend d’admiration pour toutes ces femmes qui ont osé penser par elles-mêmes, à une époque où elles n’avaient le choix qu’entre le rôle de mère et d’épouse ou celui de soumission à une Église rigide et dogmatique. Mais ce récit est aussi un étonnant entrelacs d’histoires familiales, Claude Pujade-Renaud se donnant le droit d’inventer des secrets, des réactions intimes à partir des documents sur lesquels elle s’est appuyée. À l’image de la quête que mène Marie-Catherine Racine pour mieux comprendre son père, un père ambigu, tiraillé entre sa nécessaire vie de cour et ses égarements – puisque après son mariage il considérera la période de ses grandes tragédies comme une période à oublier…



Un travail magnifique de tissage de paroles donc, entre tous ceux qui ont eu à faire avec l’Abbaye de Port Royal, un alliage de témoignages fictifs avérés historiquement est très prenant pour capter l’attention, mais aussi une belle réflexion sur l’écriture historique, à l’image du dialogue intérieur présumé d’Angélique de St Jean en octobre 1661 :



"Comment expurger l’acte d’écrire de toute vanité ? J’aimerais y parvenir. Malgré moi je cède parfois au plaisir de rythmer une phrase. Écrire, juste. Sans chercher ni trouver quelque consolation. Afin d’instruire et de témoigner." et l’on se prend à imaginer que plus encore que la fine Angélique, c’est Claude Pujade-Renaud qui parle par la voix de son personnage.



Instruire et témoigner font de ce Désert de la grâce un récit érudit et documenté un très agréable moment de lecture. Traversé de multiples prises de parole, revécu par celles qui ont "fait" ou approché Port-Royal, le roman de Claude Pujade-Renaud embrasse l'histoire d'un lieu que le pouvoir temporel a toujours voulu étouffer.

C’est la vraie actualité de ce roman : de tout temps les pouvoirs despotiques ont empêché leurs citoyens de penser – et de tout temps la résistance à l’ordre établi s’est organisée afin de préserver la liberté de penser
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Le désert de la grâce

L'histoire de l'abbaye de Port-Royal des champs. Les personnes (parfois groupes de personnes) indépendantes et obstinées dans leurs convictions, ont de tout temps été persécutées. Les moniales ont été, entre autres, défendues par Pascal ; Jean Racine était un sympathisant et c'est aussi l'histoire de la quête de sa fille à la recherche d'un manuscrit disparu.
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Le désert de la grâce

Une vraie découverte, un pur moment de bonheur.

Roman historique à plusieurs voix, le livre évoque les difficultés des jansénistes à vivre leur foi.

Le monastère de Port Royal détruit, les religieuses éparpillées, le cimetière profané et pourtant une foi qui perdure au travers le sentiment d’être choisi par Dieu et de devoir faire ses preuves sur terre. On y découvre Racine, mais aussi la sœur de Pascal. Une histoire de femmes celles qui y sont restées et celles qui ont du partir.

Un vrai bon livre avec une écriture dense, instructive et prenante.
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Le désert de la grâce

Janvier 1712. Alors qu’il chasse avec un ami dans les environs de Chevreuse, le médecin Claude Dodart est témoin d’un macabre spectacle. Sous escorte armée, des hommes de peine éventrent le cimetière de l’abbaye de Port-Royal-des Champs, entassent débris, charognes et ossements sur des charrettes qui prennent le chemin de la fosse commune de Saint-Lambert.



Le roi Louis XIV (et l’opiniâtre ennemie de Port-Royal, Mme de Maintenon), ont donc permis que soit pourchassé jusque dans la mort un ordre injustement accusé de jansénisme.



Claude Dodart relate ce sinistre épisode à Françoise de Joncoux. Surnommée “l’invisible”, elle est au centre de ces quelques amis de Port-Royal qui tentent de maintenir un lien épistolaire et spirituel entre les moniales dispersées ou exilées, de porter secours aux prisonniers et embastillés — prêtres ou laïcs qui, comme les plus célèbres Solitaires de Port-Royal (Blaise Pascal, Isaac Le Maistre de Sacy) ont adopté un mode de vie à l’écart du Siècle, opposant l’inviolabilité des consciences au pouvoir ecclésiastique et au dogme de l’infaillibilité papale, et se vouant à l’éducation, la traduction, l’écriture.



Cette œuvre-là, Françoise de Joncoux s’emploie à la déchiffrer, recopier, préserver. Par delà cent ans de persécutions, elle ravive la flamme tenace de la transmission. Parmi ses proches : Claude Dodart dont le père lui-même fut médecin de l’abbaye. Et Marie-Catherine Racine, ancienne postulante, que son père força à quitter Port-Royal.



Mais pourquoi Jean Racine, élevé par les Solitaires, devenu dramaturge puis homme de Cour et historiographe du roi, se fit-il inhumer à Port Royal ? Et que contient le fameux manuscrit qu’il aurait consacré, dit-on, à l’histoire de l’abbaye ? Toutes ces contradictions la hantent.



Mon avis :



Je suis encore tombée sous le charme de l'écriture de Claude Pujade-Renaud (après "Belle-mère").



Un sujet plus difficile cette fois, celui du destin de Port-Royal-des-Champs, monastère héradiqué par la volonté du tout puissant Louis XIV.



Un petit bémol : une narration pas assez linéaire qui m'a quelque peu perdu au milieu de ce siècle (les différents protagonistes qui s'expriment ne le font pas à la même date, d'où une confusion de la chronologie).



L'image que je retiendrai :



celle des ossements des moniales récupérés pour être transportés et éparpillés.


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Le désert de la grâce

Ce superbe roman de Claude Pujade-Renaud (Actes Sud) évoque Port-Royal-des-Champs à travers une série de témoignages d'acteurs de l'histoire de ce célèbre bastion du Jansénisme.
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Le désert de la grâce

J’avoue avoir eu un peu de mal à la lecture de ce roman, il demande beaucoup de concentration et exige, pour être pleinement apprécié, un certains nombre de connaissances en amont : c’est quoi Port Royal ? Le jansénisme ? Quels enjeux politiques à l’époque autour de cette querelle à priori purement théologique ? Connaissances que je n’ai pas, pas en suffisance en tout cas. Cependant c’est tellement bien fait, cette idée de faire parler des voix multiples en particulier, que j’ai été entrainée malgré moi et qu’au fil des pages j’ai eu envie d’en savoir plus. Il faut dire aussi que le ton employé n’est pas celui d’une leçon d’histoire, non on est plutôt dans le domaine du ressenti, de l’intime et des souvenirs. Tout cela se mélange à une spiritualité diffuse empreinte de simplicité. Par moment ça donne presque envie de vivre cette expérience de clôture, d’exigence et de grâce, c’est dire ! Les descriptions sont tellement justes que je visualisais en lisant ce fameux tableau de Philippe de Champaigne, l’ex-voto dédié à sa fille Catherine qui a pris le voile à Port-Royal. Intime et dépouillé. Austère, comme la vie à Port-Royal. Comme le texte, aride et sec.

A l'instar des livres de Claude Pujade-Renaud que j’ai pu lire, la place des femmes est prépondérante. On admire ici leur résistance face aux pressions et aux persécutions, leur intégrité conservée face à l’absolutisme de Louis le quatorzième dont l'obsession va transformer leur lieu de retraite en véritable désert. Mention spéciale pour la fille de Racine qui va parvenir à s’affranchir finalement de ce passé pesant et finira par réaliser qu’il existe d’autres alternatives que le couvent ou le mariage pour les femmes.

Pour conclure, je dirai que je n’ai pas été emballée par ce livre à proprement parler mais il a ouvert mon appétit et aiguisé ma curiosité pour d’autres lectures. J’ai notamment envie de me replonger dans les tragédies de Racine et dans les pensées de Pascal. A suivre donc !
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Le désert de la grâce

Par les différentes voix qui se font entendre, le lecteur cerne petit à petit ce qu'a représenté l'Abbaye de Port-Royal des Champs au 17ème siècle.

La première de ces voix et la plus fréquente est celle de Marie-Catherine Racine, fille aînée du grand Jean Racine et ancienne élève de Port-Royal ; en ce mois de décembre 1711, elle doit accompagner le cercueil de son père, mort treize ans auparavant, jusqu'à un nouveau cimetière, après l'avoir fait exhumé. Sur ordre du roi Louis le quatorzième, tout doit disparaître de Port-Royal, même les morts ; les dernières religieuses ont été définitivement expulsées en octobre 1709.

Pour comprendre ce qu'il s'est passé, le jansénisme, les Solitaires, le lecteur va remonter le temps.1699 : la comtesse de Gramont, habituée de Port-Royal mais aussi de Marly où le roi invitait certains privilégiés loin de Versailles, est très affectée de la mort de son ami J. Racine ; elle explique la difficulté d'aimer l'abbaye et ce qu'elle représente, tout en restant un bon courtisan, le roi et surtout Mme de Maintenon souhaitant détruire ce qu'ils pensent être un repaire d'hérétiques.

C'est ensuite une femme d'imprimeur qui parle, Denise Le Petit en 1656 qui mentionne des "Lettres" imprimées en secret : ce sont en fait "Les Provinciales" clandestines de Pascal. Mme de Gramont reprend la parole, continuant de présenter l'Abbaye, racontant ses souvenirs du lieu où elle fut éduquée enfant, et citant les premières expulsions, en 1661. Mme de Maintenon dont on comprend qu'elle veut la destruction totale de Port-Royal, montre bien que c'est une véritable guerre, des jésuites contre les jansénistes. Tout le problème se situe autour de la "grâce", don de Dieu, dont les jansénistes considèrent qu'elle n'est pas donnée à tous les hommes, déchus depuis le péché originel ; les jésuites eux prétendent que la grâce peut être donnée à tous.

1640 : Catherine Arnauld (née Marion) présente le "clan Arnauld et dit que " tout Port-Royal est né de son ventre" : elle a eu une dizaine d'enfants qui quasiment tous se retireront du monde pour vivre dans l'Abbaye. Au départ, le père spirituel est l'abbé de Saint-Cyran qui a étudié les textes de Saint-Augustin en compagnie de Jansénius, évêque d'Ypres, qui a écrit "Augustinus" et prétend revenir à la pure doctrine du grand saint.

Quelques personnes apportent des bémols ; par exemple Isaac Le Maistre, époux de la fille de C. Arnauld dénonce ces personnages "confits dans la prière et dans l'étude", ou Charlot, l'aide jardinier qui apporte son éclairage plein de bon sens sur la vie à Port-Royal.

Plusieurs notions sont bien mises en valeur : la place des femmes qui doivent obéir au père et au mari, le problème du théâtre peu accepté par les religieux, l'exécution de copies de tous les textes et lettres en vue de les conserver ou de les communiquer. Tout au long du livre courent quelques secrets de famille et d'écritures, liés à l'Abbaye de Port-Royal.



Un livre très bien écrit, captivant et instructif.
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