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Citation de RAMSES1967


Un linteau rouge marque l'entrée de l'établissement, mais on ne voit apparaître ni enseigne ni décor à part le chiffre dix grossièrement tracé au pinceau, et si l'on risque un regard à l'intérieur, on voit que dégondés, les anciens battants de la porte reposent debout contre le mur du couloir et masquent en partie les graffitis et certaines inscriptions gravées dans le plâtre. Au milieu du passage, un écriteau cloué sur un piquet invite les nouveaux arrivants qui en ressentent la nécessité à faire leurs premiers besoins à l'entrée, car une fois dans la place, il leur faudra attendre jusqu'à la nuit, et dans la pension, les lieux d'aisance sont en priorité réservés aux résidents permanents -quoique certains arrangements soient toujours possibles avec les personnes faisant preuve de compréhension partout où l'on applique la loi des chefs. De la sorte, pantalons sur les chevilles et jupes retroussées, les futurs locataires offrent un divertissant spectacle aux oisifs et aux abrutis, qui soit préfèrent la rue, soit n'ont ni les moyens ni le courage de la quitter. Ce passage, qui sert donc à la fois de couloir de circulation entre ce qui fut jadis une ville avenante et la pension, est nettoyé deux fois par jour par de jeunes postulants qui cherchent à se rendre utiles en faisant preuve de bonne volonté. Le nettoyage complet d'un côté du couloir s'effectue avec la pelle et le balai quand il y en a de disponibles, sinon avec les mains et du papier, mais il donne droit à certains avantages tels que la levée d'une petite sanction ou mieux encore, une tartine de pain sucrée d'un centimètre d'épaisseur trempée depuis la veille dans un bac de bonne huile de friture et une tranche de saucisson reconstitué à partir d'un jambon lui-même reconstitué mais à partir de viande agglomérée de qualité consommable. Ces délicieux amuse-gueules sont présentés dans une feuille de papier journal comme l'étaient jadis les harengs grillés lorsqu'on en consommait encore. En acceptant de désinfecter le couloir, on montre aussi que l'on saura ne pas se montrer bégueule et que l'on se tient entièrement disposé à adopter les règles somme toute peu contraignantes de la communauté. Sans qu'il soit ensuite nécessaire de s'aventurer beaucoup plus loin, l'intestin libéré, on se sent attiré vers l'autre extrémité de l'entrée, là où s'étendait jadis la plus belle piste de danse du plus réputé des cafés-concerts de la région.
En faisant quelques pas de plus, on découvre ainsi une sorte d'énorme bulle de vide que surplombe à plus de quarante mètres de hauteur, une immense verrière fixée sur des poutrelles métalliques ajourées dominant six étages de logements desservis tout du long par une coursive qui descend en spirale depuis les combles jusqu'au rez-de-chaussée. La coursive permet de circuler sans interruption de la base au sommet de l'édifice - qui résonne de bas en haut et à toute heure d'éclats de voix et de piétinements
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