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Citation de Partemps


(extraits du Journal, V)

Thé russe. Tasse rose. Je pense à Edik, sans doute encore à Moscou pour la Pâque russe, parti avant d’entreprendre la chimio (revoir le pays natal avant de...). Le thé est magnifique comme d’habitude, avec le miel de châtaignier et tartines grillées. Caroline hier a fait une soupe très bonne avec les queues de cresson et de radis.

Le temps est à nouveau gris aujourd’hui (annoncé, un peu de vent) Les plantes se balancent. Caroline se lève. Je vais poser le plateau du thé dans la salle à manger. Encore un moment avec mon journal, même si je n’ai rien à dire, c’est ce rien qui donne une impression de liberté, de paix. Le papier ferme du cahier, les lignes qui guident l’écriture, l’encre que je tiens d’une main et qui fait une croûte au bord de l’encrier. Cuisson de l’encre à l’air libre. Combustion. La croûte ressemble à celle de la confiture de cerises noires. Richesse de ce résidu condensé de matière, croûtes sur les plaies aussi, et goût des croûtes (celles-ci) que j’aime bien croquer. La croûte (peinture) inutile peut-être – gaspillage de matière toujours un peu grasse – le surplus, l’évaporation, la condensation. À l’opposé, la légèreté de l’ombre antimatière, la légèreté de l’aquarelle, matière très diluée, peinture chinoise aussi à l’encre diluée, nécessité du talent, du geste qui ne trompe pas, vérité de l’ombre donc, de l’allusif, du presque rien, mais aussi, à l’inverse de la laque, des couches superposées enfermant un secret lentement élaboré au plus profond de la matière. Sous la croûte, la vie souterraine, sous le rocher la source, sous la paupière, l’œil limpide. Au fond de la matière épaisse, un œil virtuel qui nous regarde. Les fleurs, yeux de la terre et lumière, lente traversée de la croûte épaisse pour accéder à la lumière, à la contemplation du ciel. L’attente passionnée de la plante qui sort, comme la découverte d’un secret, de mille secrets. Hier, nous avons vu de près le champ de colza jaune ; beauté et vigueur du colza dont les tiges ressemblent un peu à celles du chou. Odeur de potager dans la plaine, odeur subtile et sucrée, le sucre liquide, sève et pollen des plantes, source aromatique qui embaume l’air et dont se gorgent les insectes pollinisateurs, les abeilles ouvrières du miel. Il y a dans l’air comme un bain parfumé d’odeurs diverses, dilution de tous les concentrés qui arrivent à la lumière et que les plantes distillent, ce sucre dans l’air et le goût du lait maternel. Au printemps, nous nous transformons tous en nouveau-nés, nous pompons le lait de l’atmosphère printanière. L’enchantement de ces échanges naît dans un silence relatif ; le corps participe aux échanges des plantes par le sens olfactif, la vue aussi. Le tintamarre dérange. Le matin très tôt, lorsqu’il fait encore nuit ou presque, le gazouillis des premiers oiseaux, comme la mise en marche d’une petite boîte à musique, presque la même toujours, pas de surprise là, plutôt confirmation du silence comme les étoiles, confirmation de la nuit. Quelques notes, quelques points lumineux, célébration de ce qui est grand, infini, envoûtant, éparpillement de trésors, cassette répandue.
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