Citations de Carina Rozenfeld (237)
Mon feu intérieur venait de s'éteindre.
Il faut que je me rappelle quelque chose de vital... Je crois que cela va être long, alors je m'assieds au bord de l'eau.
Je souris, rassurée qu'il ne m'en veuille pas d'être aussi aveugle et ignorante.
- J'ai rêvé que tu m'embrassais.
Ma voix était tellement basse que j'espérais qu'il ne m'avait pas entendue. Qu'est-ce qui me prenait de dire une chose pareille?
Hélas, ma remarque ne lui avait pas échappé.
- Vraiment? Et alors?
(...)
- Et alors? C'était bien, murmurai-je.
Il eut un rire amusé.
- Anaïa...
Sa voix vibrait d'affection et d'émerveillement.
Il m'attirait à lui à nouveau.
-Oh que si, Mia, je vais te toucher, t'aimer, te chérir comme personne ne l'a fait avant, pas même ton minable libraire.
L'accord parfait de nos deux instruments résonnait, écho remarquable de nos existences. Deux êtres mêlés pour toujours, vivant pour se retrouver, se croiser, évoluer l'un avec l'autre, afin d'élaborer une mélodie vivante, constituée de deux voix, de deux respirations. Le Phaenix. Anaïa et Eidan. Amour et Eternité.
Je vis, il vit.
Il vit, je vis.
Je meurs, il meurt.
Il meurt, je meurs.
Nous sommes le Phénix
Et dans toute cette houle, un seul point d’ancrage : les yeux d’Eidan dans les miens. Comme s’il chantait pour moi, que j’étais seule dans la pièce.
J'avais conscience que mon univers avait basculé dans une forme de folie : je fréquentais des garçons qui se changeaient en oiseaux géants, et non seulement je n'avais pas peur, mais je courais à travers la forêt comme une dingue pour rejoindre l'un d'entre eux. Où était ma vie calme et rangée ? Elle n'existait plus, bousculée par le fantastique, le mystérieux et l'extraordinaire. C'était complètement absurde et pourtant c'était mon existence à présent.
Les gens ne regardent plus le ciel, Ana. Ils gardent leurs yeux baissés sur leurs petits soucis, ils oublient que le monde peut être plus vaste, qu'il y a des couleurs, des arcs-en-ciel, des nuages et des oiseaux fantastiques qui pourraient changer leurs vies.
- C'est toi que j'ai sauvé, continuai-je. Tu ne peux pas mourir sans moi.
Jouer avec Eidan aujourd’hui, c’était comme fusionner, devenir un seul être, voler sur la cime de la mélodie, donner corps à notre amour. Un accord majeur parfait.
Zec bougea légèrement, gémit dans son sommeil.
Puis il ouvrit les yeux d'un seul coup, son corps tendu, arc-bouté au-dessus de son matelas. Son regard exorbité ne pouvait que fixer le plafond de sa chambre, alors que la douleur s'infiltrait dans son esprit comme un serpent, le paralysant complètement. Il resta ainsi, raide comme une statue tout le temps que dura le tâtonnement de l'Avaleur de Mondes.
Ce dernier chuchotait dans sa tête, d'une voix grinçante par moments, onctueuse à d'autres, comme si l'entité se modifiait en permanence.
"Je suis de retour, anomalie... Cette fois tu ne m'arrêteras pas, je trouverai le moyen de te faire disparaître de cet univers où tu ne devrais même pas exister..." (p. 33)
Il se réveilla en sursaut, avec la sensation que deux épées chauffées au rouge s'enfonçaient dans son dos.(...) Sa peau tirait comme si elle se déchirait, lui donnant l'impression que les os de ses omoplates allaient jaillir. Un hurlement de douleur menaça de franchir ses lèvres sèches, mais il serra les dents pour retenir son cri.
-Louis était hystérique. Il criait : "Le Père Noël est passé ! Le Père Noël est passé ! Le Livre du Temps est dans le salon !" Je crois que j'ai failli l'assommer. Je lui ai répondu que le Père Noël s'appelait Eden et Zec.
-Et moi, j'ai voulu l'embrasser quand il a dit ça !
Je me tournai vers l’arrière de son coupé.
-Il n’y aura pas de place pour caser mon violoncelle dans ta voiture.
Il se pencha encore, mais cette fois ses lèvres effleurèrent ma joue, tout près de mon oreille. Un long frisson parcourut ma peau, hérissant tous les petits poils dans mon dos, sur ma nuque.
-J’en ai une autre. Une grosse. Je suis certain qu’elle te satisfera.
Il se recula, un sourire narquois aux lèvres.
Mon ventre s’était noué à ces mots et je me sentis devenir encore plus pivoine que tout à l’heure, si c’était possible. Je détestais ce type. D’un geste rageur, je fourrai les partitions dans ma poche et ouvris la portière. Une bourrasque de vent souleva mes cheveux, les entortilla, ils claquèrent sur le visage d’Eidan qui en attrapa une mèche et la caressa entre ses longs doigts fins. Pendant un dixième de seconde, ses yeux parurent devenir tout noirs. Pas de blanc, de l’obscurité partout.
J’étais prête. Avec délicatesse, je posai le crin sur les cordes, ma main gauche en première position, et j’attaquai, comme échauffement, le prélude de Bach entendu plus tôt dans la voiture de papa. La corde de sol résonna grave, chaude, et les notes jaillirent naturellement, s’élevant dans l’atmosphère tiède, enveloppant aussitôt chaque brin d’herbe, chaque branche d’arbre d’un épais manteau musical, à l’unisson du souffle d’air qui faisait danser toutes les feuilles des chênes, des peupliers, des buissons de lauriers-roses, des oliviers frissonnants. Je me sentis, à ce moment précis, profondément en harmonie avec la nature. Jamais le prélude de Bach ne m’avait semblé aussi beau.
En soupirant, elle repassa son chemisier. Puis elle ouvrit les porte de son dressing et admira les étagères remplies de piles de débardeurs parfaitement pliés, tous plus jolis et vaporeux les uns que les autres.
- Quel gachis ! murmura-t-elle. Je ne pourrais plus jamais les mettre. Il faut que je retourne m'acheter des tee-shirts avec des manches, où le dos est bien ouvert.
Un frisson parcourut l'échine d'Eden : cette fois, elle savait que ce voyage la transporterait vers un destin incroyable. Là-bas, elle deviendrait une Chebérienne, elle aurait des Livres-Monde à retrouver, des âmes à ramener à la vie, un monde à recréer. Était-ce bien réel ?
Comment pourrais-je te trahir ? Comment pourrai-je même ressentir du désir pour une autre femme ? Nous sommes prédestinées, nous sommes faits l'un pour l'autre, mon amour, nous ne pouvons pas vivre l'un sans l'autre ! Pourquoi irais-je chercher ce que je ne veux pas ?
Et dans toute cette houle, un seul point d'ancrage : les yeux d'Eidan dans les miens. Comme s'il chantait pour moi, que j'étais seule dans la pièce.