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Citation de Toocha


La différence d'âge ? Dans quel sens ? Ah, entre lui et moi ? Non, je pensais que vous parliez de la différence entre Chris et sa petite amie, lui trente-six, elle vingt : seize ans d'écart, ce n'est pas rien. Mais bien sûr, ce n'est pas ce qui vous préoccupe. Non, vous, vous me demandez si la différence d'âge entre Chris et moi - douze ans - était un problème, c'est bien ça ? Dans l'autre sens, vous ne poseriez même pas la question : si j'étais Chris, quarante-huit ans, amoureux d'une femme de trente-six ans, ça n'aurait aucune importance, aucune incidence sur votre réflexion, j'en suis sûre, vous n'auriez même pas relevé ce détail. Vous voyez, vous touchez là au drame des femmes, un de leurs drames ordinaires, et vous n'en avez aucune idée, semble-t-il, alors que c'est votre métier, après tout, l'âme humaine. Ou bien c'est parce que vous êtes jeune et que vous prenez toutes les femmes mûres pour votre mère - dans ce cas, il faut vous faire soigner, Marc. Entre parenthèses, vous me faites rire avec votre complexe d'Œdipe que vous nous servez à toutes les sauces. Tuer son père pour épouser mère ? Pfftt ! Il faudrait trouver un autre mythe pour décrire ce qui se passe en réalité : un homme qui tue sa femme et qui couche avec sa fille, voilà qui serait plus juste, beaucoup plus juste. Fin de la parenthèse. Mais dites-moi, pourquoi une femme devrait-elle, passé quarante-cinq ans, se retirer progressivement du monde vivant, s'arracher du corps l'épine du désir (ah ah, l'épine ! Vous l'avez entendu, docteur ?), disons plutôt l'écharde alors, pourquoi les femmes devraient-elles s'arracher l'écharde du désir alors que les hommes refont leur vie, refont des enfants, refont le monde jusqu'à leur mort ? Cette injustice nous dévore très tôt, bien avant d'en avoir l'expérience nous en avons l'intuition. Il y a quelque chose chez les hommes qui n'est pas limité (je ne parle pas de l'intelligence, qui ne menace pas de se refermer, on le sent même chez des petits garçons, et quelquefois chez des hommes très vieux. J'ai vu Jean-Pierre Mocky l'autre jour à la télé, il se vantait de baiser encore à quatre-vingts ans passé, "je bande toujours", disait-il en lorgnant une comédienne dont il aurait pu être l'arrière-grand-père. Et le public applaudissait. "Je bande toujours, amen." Vous imaginez une octogénaire dire ça en direct, dire qu'elle mouille en matant un petit jeune. La gêne que ce serait. C'est irrecevable, en réalité. Tandis que les hommes... Le monde leur appartient plus qu'à nous - le temps, l'espace, la rue, la ville, le travail, la pensée, la reconnaissance, l'avenir. C'est comme s'il y avait toujours un au-delà dans leurs yeux, un arrière-plan qu'ils peuvent apercevoir en inclinant la tête de côté ou en se mettant sur la pointe des pieds - ça nous dépasse, littéralement. Moi, par exemple, je n'ai jamais eu l'impression d'être l'horizon d'un homme.
Mes fils ? Quand ils étaient petits, un peu. Mais ils sont adolescents, maintenant, ils me dépassent d'une tête, alors bien sûr que je suis dépassée.
Non, pas mon mari, jamais ! C'est-à-dire... Il était tellement certain d'être mon seul avenir. "La femme est l'avenir de l'homme", tu parles ! Non mais la blague... Ou alors, au pluriel, les femmes. Comme des bornes sur le parcours.
La différence, c'est que tous les hommes ont un avenir. Toujours. Un à-venir. Un avenir sans nous. Les hommes meurent plus jeunes. Peut-être. Mais ils vivent plus longtemps.
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