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Citation de enzo_mardirossian


Pobosch descendait les escaliers à une vitesse étourdissante, en me tenant devant lui à bout de bras. J'étais une boule gigotante et heureuse ; l'oncle criait avec moi le long des étages. Puis nous débouchions dans la cour ; c'était le moment d'être plus sérieux. Je ne touchais plus le sol. L'oncle me portait, j'en perdais le souffle de plaisir. J'étais certes depuis longtemps habitué à marcher seul, et je savais en profiter quand il s'agissait de trainer dans les mauvais quartiers, hors de la surveillance de ma mère. Mais là, à nouveau, j'étais petit, embryonnaire, je m'abandonnais à la joie de n'être plus rien, sinon une poignée de poils et d'os, livrée entièrement à la fantaisie amicale de mon maître géant.
L'oncle m'agrippait par le coude, me jetait derrière sa nuque d'un geste précis, et moi je me hissais sur son dos, en m'accrochant aux plis de son vêtement et aux mèches soyeuses de son pelage. Sous mes yeux, mon menton, mes narines, ma bouche, mes doigts, comme une prairie où je me fusse roulé, s'étendait un monde brun strié de vert que des années de marche en plein vent n'avaient ni décoloré ni feutré ; je disparaissais dans cette fourrure et ses odeurs de térébenthine, de plomb. De sang, aussi.
Mes promenades dans Gogodan : le dos épais de l'oncle, mon navire, autour de nous clapotaient des senteurs de métal, de nourriture, de galipot, sur les côtés filaient des couleurs persistantes de lichens, des teintes incroyables, la richesse arlequinesque de la foule.
« Tiens-toi bien, petit », disait l'oncle.
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