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Citations de Anthony Doerr (484)


Notre atmosphère est une bibliothèque recueillant toutes les vies qui ont jamais été vécues, toutes les phrases jamais prononcées, les mots jamais transmis.
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Lumière
Mardi après mardi, elle échoue. Elle entraîne son père dans des détours sans fin qui la laissent furieuse, contrariée, et encore plus éloignée de l’appartement qu’au début de l’exercice. Mais au cours de l’hiver de sa huitième année, à sa grande surprise, elle commence à se repérer. Elle passe les doigts sur la maquette dans la cuisine, comptant les bancs, arbres, réverbères, porches. Chaque jour, un nouveau détail ressort – chaque grille d’égout, banc public, bouche d’incendie miniature a sa contrepartie dans la réalité. Même quand elle se trompe, elle ramène son père toujours plus près de leur domicile. Quatre, trois, deux pâtés de maisons. Et par un mardi neigeux de mars, alors qu’il l’emmène jusqu’à un nouveau point de départ, tout près des quais, la fait pivoter trois fois sur elle-même, et dit : « Ramène-moi à la maison », elle s’aperçoit que, pour la première fois, la peur ne la prend pas aux tripes. Au lieu de paniquer, elle s’accroupit sur le trottoir. L’odeur vaguement métallique des flocons qui tombent l’environne. Calme-toi. Écoute Des automobiles passent le long des rues en éclaboussant les trottoirs, la neige fondue forme des rigoles. Elle entend les flocons passer à travers les branches des arbres. Elle distingue l’odeur des cèdres du Jardin des plantes, à quatre cents mètres. Ici, le grondement du métro sous la chaussée : c’est donc le quai Saint-Bernard. Là, le ciel se creuse, un bruit de branchages : c’est l’étroite bande de jardins derrière la galerie de Paléontologie. Par conséquent ils se trouvent à l’angle du quai et de la rue Cuvier. Six pâtés de maisons, quarante immeubles, dix arbustes dans un jardin public. Cette rue-ci croise celle-là, qui croise celle-là. Un centimètre à la fois. Son père tripote les clés dans ses poches. Devant eux, les hauts, majestueux bâtiments qui flanquent les jardins, répercutant le son.
– Allons à gauche, dit-elle. Ils remontent la longue rue Cuvier. Un trio de canards vole dans leur direction, battant des ailes en harmonie, gagnant la Seine, et comme ils les survolent, elle croit voir les rayons de soleil se poser sur leurs ailes, touchant chacune de leurs plumes. À gauche, dans la rue Geoffroy-Saint-Hilaire. À droite, dans la rue Daubenton. Trois, quatre, cinq bouches d’égout. Derrière elle, les grilles ouvertes du Jardin des plantes, avec leurs barreaux comme ceux d’une immense volière. En face : la boulangerie, le boucher, l’épicerie de luxe.
– On peut traverser, papa ?
– Oui. À droite. Tout droit. Ils remontent maintenant la rue, forcément. Juste derrière elle, son père doit marcher la tête renversé en arrière pour faire un grand sourire au ciel. Marie-Laure en est sûre, même si elle ne voit rien, ne dit rien – les cheveux de son père sont mouillés par la neige, plaqués sur son crâne, son écharpe est de travers sur ses épaules, et il adresse un grand sourire radieux à la neige. Les voici au milieu de la rue des Patriarches. Marie-Laure trouve le tronc du marronnier qui pousse devant la fenêtre de sa chambre au quatrième étage, l’écorce sous ses doigts. Un vieil ami. L’instant d’après, son père l’a soulevée par les aisselles, ils font l’avion. Elle sourit, et il éclate d’un rire pur et contagieux, un rire dont elle se souviendra toute sa vie. Tous deux tournoient sur le trottoir devant leur petit immeuble, riant en chœur tandis que la neige continue à goutter entre les branches.

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Dans son imagination, ses rêves, tout a une couleur. Les bâtiments du musée sont beiges, châtains, noisette. Les savants qui y travaillent sont lilas, jaune citron, et brun-rouge. Des accords de piano restent suspendus dans le haut-parleur du petit poste TSF chez les gardiens, projetant leurs superbes noirs et leurs bleus compliqués dans le couloir, en direction du dépôt des clés. Les cloches d’église envoient des arcs bronze qui se répercutent contre les fenêtres. Les abeilles sont argentées. Les pigeons, roux, auburn, voire dorés. Les immenses cyprès devant lesquels ils passent tous les matins sont de chatoyants kaléidoscopes – chaque aiguille est un polygone de lumière.
Elle n’a pas de souvenirs de sa mère, mais l’imagine comme une brillance blanche, silencieuse. De son père irradient mille couleurs, opale, rouge fraise, feuille-morte, vert sauvage ; une odeur d’huile et de métal, la sensation d’un pêne qui s’enclenche dans sa gâchette, le bruit de son trousseau de clés qui tinte pendant qu’il marche. Il est vert olive quand il parle à un chef de service, un crescendo d’orange quand il s’adresse à Mlle Fleury qui travaille aux grandes serres, un rouge vif quand il tente de cuisiner. Il est d’un incandescent bleu saphir quand il se met à son établi, le soir, et fredonne tout bas en travaillant – le bout de sa cigarette est d’un bleu prismatique.
Au cours d'une existence, on accumule une infinité de souvenirs, le cerveau ne cesse de les trier, pesant les répercussions et refoulant la souffrance, mais à l 'âge qu' il a atteint, on traîne malgré tout une charge écrasante de souvenirs, un fardeau aussi lourd qu 'un continent, et le moment vient où il faut quitter ce monde en les emportant avec soi.
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Mrs Boydstun l'observe. Il comprend que les gens attendent quelque chose, mais sûrement pas la vérité : ce qu'ils souhaitent, c'est une histoire qui parle de courage et de persévérance, le bien qui triomphe du mal, un chant du retour célébrant le héros qui a apporté la lumière au coeur des ténèbres.
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À dix-sept ans, il s’était convaincu que tous les humains qui l’entouraient étaient des parasites, prisonniers des diktats de la société de consommation. Mais en reconstituant la traduction de Zeno Ninis, il comprend que la vérité est infiniment plus complexe, qu’il y a de la beauté en chacun de nous, même si nous faisons partie du problème, et que faire partie du problème va de pair avec notre condition d’humains.
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Tu sais quelle est la plus grande leçon de l'Histoire ? C'est qu'elle est toujours écrite par les vainqueurs. La voilà, la leçon. Celui qui juge, c'est le vainqueur.
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Sa voix est douce, une pièce de soie qu'on garderait dans un tiroir pour ne la sortir que rarement, pour le plaisir de son contact.
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p.137 "Sers-toi de ta raison. Il y a une cause pour chaque chose, une solution pour chaque situation fâcheuse. Une clé pour chaque serrure."
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"Ouvrez les yeux et voyez ce que vous pouvez avant qu'ils ne se ferment à jamais."
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A dix sept ans, il était convaincu que tous les humains qui l'entouraient étaient des parasites, prisonniers des diktats de la société de consommation. Mais en reconstituant la traduction de Zeno Ninis, il comprend que la vérité est infiniment plus complexe, qu'il y a de la beauté en chacun de nous, même si nous faisons partie du problème, et que faire partie du problème va de pair avec notre condition d'humains.
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Il lui manque tellement que son absence devient une forme de présence, comme un scalpel que l'on aurait oublié dans son ventre.
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Malgré ses façons décontractées, elle l'observe avec une attention farouche qui lui rappelle Argus Panoptes, le gardien d'Héra, qui avait des yeux sur toute la tête et jusqu'au bout des doigts, en si grand nombre que, s'il en fermait cinquante pour dormir, il lui en restait autant pour monter la garde.
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Arbre et Clair-de-Lune attendent patiemment sous le joug, le dos fumant, la pluie s'égouttant de leurs cornes, et le garçon cherche les cailloux sous leurs sabots et les plaies à leurs épaules, jaloux à l'idée qu'ils ne vivent que dans l'instant, sans redouter ce qui vient.
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« Mon enfant, chacun de ces livres est un portail, une ouverture qui te donne accès à un autre lieu, à une autre époque. Tu as toute la vie devant toi, et ils ne te feront jamais défaut. Cela devrait suffire, tu ne crois pas ? »
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Le soir tombe, automne 1936, et Werner transporte la radio au rez-de-chaussée et la pose sur le buffet, tandis que les autres enfants s'en trémoussent d'avance Le récepteur bourdonne en chauffant. Werner se recule, mains dans les poches. Par le haut-parleur, un choeur d'enfants chante : Notre mettons tout notre espoir dans le travail, le travail, le travail, le travail glorieux pour la patrie.

Puis, débute une pièce sponsorisée l'État à Berlin : des méchants s'introduisent dans par un village, la nuit. Les douze enfants sont cloués sur place. Dans cette dramatique, les méchants sont des propriétaires de grands magasins au nez crochu, des bijoutiers véreux, des banquiers corrompus. Ils vendent de la pacotille ; à cause d'eux, les bons commerçants font faillite. Bientôt, ils projettent d'assassiner des enfants allemands dans leurs lits. Enfin, un humble et vigilant voisin comprend tout. L'alerte est donnée; les policiers sont de grands gaillards aux voix magnifiques. Ils enfoncent les portes. Ils débarrassent le village de ces parasites. Une patriotique retentit. Tout est bien qui finit bien.
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- Ton problème, Werner, dit Frederick, c'est que tu crois toujours que ta vie t'appartient.
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Ouvrez les yeux et voyez ce que vous pouvez avant qu'ils se ferment à jamais.
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Elle marche. Maintenant, il y a des galets froids sous ses pieds.
Maintenant, des herbes qui craquent. Maintenant, quelque chose de plus lisse : du sable frais, sans ride.
Elle se penche et écarte les doigts. C'est comme de la soie. Un soie somptueuse où la mer aurait disposé ses offrandes : galets, coquillages, anatifes. Lanières de varech.
Ses doigts creusent et palpent; les gouttes de pluie effleurent sa nuque, le dos de ses mains. Le sable absorbe la chaleur de ses doigts, de la plante de ses pieds.
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Sa voix est douce, une pièce de soie qu'on garderait dans un tiroir pour ne la sortir que rarement, pour le plaisir de son contact.
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