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Citation de Danieljean


À Châtillon, terminus de ligne, nous descendîmes vers une rue bordée d’usines et d’entrepôts déserts. Schullerus reprit quelque courage, reconnaissant là sans doute des formes familières. Mais voilà l’hôtel Milton, au coin d’un pâté de maisons, et de nouveau Schullerus baisse les yeux, et semble rétrécir. Pour entrer dans l’hôtel il faut traverser une terrasse de ciment; il y a du linge aux fenêtres et le café est au rez-de-chaussée.
Je payai une semaine d’avance ; cela faisait pour nous deux plus de mille cinq cent francs soit, calcula Schullerus dans la douleur, en couronnes presque mon salaire d’un mois.
Pas de cuisine dans les chambres, lus-je au-dessus des règlements d’incendie, derrière la porte de la nôtre. Elle donnait sur une voie de chemin de fer où passaient toutes les dix minutes à peu près des trains blancs et rouges, et parfois de petites motrices jaunes qui ne tiraient qu’un wagon, chargé d’essieux ou de ferrailles. Schullerus était sorti prendre une douche et je vis sur le talus herbeux de la voie deux filles en chemise, les mains sur les genoux. Le train passa; elles furent prises dans le vacarme; l’une posa la tête sur les genoux de l’autre. Elles mangeaient du pain. J’avais pensé un instant à les regarder que j’étais à Jesenik, où j’avais enseigné un an, et que j’attendais, un matin de printemps, le train de Fels.
Sous nos fenêtres, au pied du talus, il y avait une courette encombrée de poubelles et de tonnelets gris. Schullerus revint au moment où le souvenir de mes jours à Fels était devenu si fort que je ne savais plus comment revenir à la vie présente, et quitter la fenêtre, la contemplation imbécile de la cour où les deux filles en blanc étaient maintenant descendues, et où elles roulaient les tonnelets de bière vers une porte invisible.
Schullerus se taisait et fumait. J’étais couché sur l’un des deux lits de notre chambre et me figurais être marin dans un port du Sud. Le plafond tanguait. Esztena avait disparu depuis cinq mois déjà. Elle était partie quelques jours chez son père, qui vivait à Bratislava, et le jour de son retour Schullerus l’attendit en vain jusqu’au soir. Il passe dans l’après-midi à la gare de Fels quatre trains en provenance de Bratislava, à ce dont je me souviens.

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