Pourquoi tant de pauvreté et de meurtres dans un monde aussi riche et merveilleux ? Pourquoi tant de douleur et de chagrin sur une terre si généreuse et lumineuse par nature ?
“C’est la volonté de Dieu“, dit l’Église.
“Les hommes sont mauvais“, dit le législateur.
“Les choses doivent être ainsi“, dit l’idiot.
Je considère l’anarchisme comme la conception la plus rationnelle et la plus pratique d’une vie sociale libre et harmonieuse. Je suis convaincu que sa réalisation surviendra de deux facteurs : premièrement, du temps que mettra le système actuel à devenir physiquement et mentalement insupportable à une partie conséquente de l’humanité, en particulier aux classes laborieuses ; et, deuxièmement, du degré de compréhension d’acception que rencontreront les idées anarchistes.
Nos institutions sociales reposent sur certaines idées ; tant que le peuple croira en ces idées, les institutions qu’elles soutiennent ne courront aucun risque. Le gouvernement reste fort parce que le peuple croit que l’autorité politique et la contrainte légale sont nécessaires. Le capitalisme continuera d’exister tant que ce système économique sera jugé juste et adéquat. L’affaiblissement des idées sur lesquelles s’appuie le système actuel, néfaste et oppressif, entraînera la destruction finale du gouvernement et du capitalisme. Le progrès consiste à abolir ce que l’homme a dépassé et à le remplacer par un environnement plus adapté. (Préface de l’auteur - 1928)
Je veux te parler de l’anarchisme. (…)
Je veux t’en parler, parce que je crois que l’anarchisme est la chose la plus noble et la plus puissante à laquelle l’homme ait jamais pensé, la seule chose qui puisse te procurer la liberté et le bien être et apporter au monde paix et félicité.
Abolir ce qui est établi - sur le plan politique, économique, social et éthique -, tenter de le remplacer par quelque chose de différent, tel est le réflexe de l'homme dont les besoins se transforment, du peuple dont la conscience s'éveille.
Ce voyage est l'histoire d'une désillusion sans retour possible, le récit de la prise de conscience par Berkman, au gré de ses rencontres, de ce que représente le « communisme tel que l'interprète la faction au pouvoir » (p. 278), et qui est donc le contre-communisme, le contraire à ce à quoi aspirait le prolétariat révolutionnaire, et le peuple qui s'était soulevé à l'appel des soviets.
(Préface)
Le système capitaliste ne produit pas en fonction du besoin de la population, il produit pour générer des bénéfices.
7 mars. - Un grondement lointain me parvient alors que je traverse la Nevski. Il résonne de nouveau, plus fort et plus proche, comme s'il roulait vers moi. Je réalise tout à coup que ce sont des tirs d'artillerie. Il est 18 heures, Konstadt a été attaquée !
Jours d'angoisse et de canonnades. Mon cœur est engourdi de désespoir ; quelque chose en moi est mort. Les gens dans la rue ont l'air ployés sous l'affliction, abasourdis. Personne n'ose parler. Le tonnerre des armes lourdes déchire l'air.
17 mars. - Konstadt est tombée aujourd'hui. Des milliers de marins et d'ouvriers gisent morts dans les rues. L'exécution sommaire des prisonniers et des otages continue.
18 mars. - Les vainqueurs fêtent l'anniversaire de la Commune de 1871. Trotski et Zinoviev accusent Thiers et Galliffet d'avoir massacré les rebelles de Paris...
Les anarchistes préconisèrent aux travailleurs d’empêcher quiconque de devenir à nouveau leur maître, d’abolir le gouvernement politique et de prendre en main leurs affaires agraires, industrielles et sociales pour le bien de tous et non pas le bénéfices des dirigeants et des exploiteurs. Ils appelèrent vivement les masses à défendre leurs soviets et à veiller à leurs intérêts en se servant de leurs propres organisations .
L'impression d'ensemble que j'ai eue en partant a été celle d'un homme qui a une vision claire et un but précis. Pas forcément un grand homme, mais un esprit fort à la volonté inflexible. Un logicien sans émotion, d'une souplesse intellectuelle et d'un courage suffisant pour adapter ses méthodes aux impératifs du moment, mais qui garde toujours en vue son objectif final. "Un idéaliste pragmatique" concentré sur la réalisation de son rêve communiste par tous les moyens, et auquel il subordonne toute considération éthique et humanitaire. Un homme sincèrement convaincu que de mauvaises méthodes peuvent servir un bon objectif, et être de ce fait justifiées. Un jésuite de la révolution qui forcerait l'humanité à devenir libre conformément à l'interprétation qu'il a de Marx. En bref, un vrais révolutionnaire au sens ou l'entend Netchaïev, qui sacrifierait la plus grande partie de l'humanité -s'il le fallait- pour assurer le triomphe de la révolution sociale.
Le livre que vous tenez entre les mains est exceptionnel. A plusieurs titres. Par ses effets d'abord. Après sa lecture, vous ne serez plus ce que vous étiez auparavant. Il provoquera en vous une autre vision de l'histoire du XXe siècle et, du même coup, une autre appréhension de notre monde contemporain, de notre situation dans le présent.
Exceptionnel en ce que son auteur n'est ni un réactionnaire, ni un conservateur, ni un libéral, mais un révolutionnaire communiste anarchiste, enthousiaste de la révolution d'Octobre. D'où la question : comment, par quelles voies un enthousiaste de la révolution de 1917 a-t-il pu écrire un livre qui a pour titre : Le Mythe bolchevik et pour visée une démystification informée et impitoyable de cet événement qui a constitué jusqu'en 1989 un des piliers de notre monde, de notre horizon historique.
(Préface)