Payot - Marque Page - Abby Geni - Farallon Islands
La plupart des gens ne vivent pas ainsi : en racontant chaque instant tel qu'il se déroule, au passé, comme un observateur détaché.
Ses yeux étaient si bleus.
On aurait cru des fenêtres,
comme si en les regardant je voyais le ciel derrière lui.
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La noyade est un moyen sublime, extatique de quitter ce monde, l'entrée dans un rêve plus que dans la mort.
Les îlots sont les étoiles principales d'une galaxie de vie marine.
J'aime me sentir déracinée. J'aime les avions et les bus.
Il y a longtemps, on appelait cet endroit l'archipel des Morts. Maintenant je comprends pourquoi. L'île du Sud-Est fait à peine plus d'un kilomètre carré de surface. Les autres îlots sont nus, pelés, déchiquetés. Pas une seule plage de sable. Le rivage est veiné d'algues, les pics escarpés et morcelés. Les îles sont disposées par taille comme les invités sur une photo de mariage. Leurs contours renvoient une certaine crudité. Si Dieu a ben créé le monde, il semble avoir délégué le façonnage des îles Farallon à son beau-fils encore mineur qui, de plus, s'est servi d'une mauvaise argile.
Le paysage océanique est un patchwork constitué d'un millier d'éclats bleus.
J’imagine que c’est notre façon de savoir que nous sommes en vie : en continuant d’éprouver de la douleur.
Se souvenir c'est réécrire. Photographier, c'est substituer. Les seuls souvenirs fiables, j'imagine, sont ceux qui ont été oubliés.
Ses yeux étaient si bleus. On aurait cru des fenêtres, comme si en les regardant je voyais le ciel derrière lui.